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Le nouveau boss d'Air France-KLM arrive en terrain miné

En prenant ses fonctions aujourd'hui à la tête de la compagnie, Benjamin Smith a annoncé qu'il investirait une partie de son salaire en actions Air France-KLM. Au-delà du coup de com, les dossiers explosifs qui l'attendent sont nombreux, aussi bien sur le front social, que financier.
par Franck Bouaziz
publié le 17 septembre 2018 à 19h25

De l’art de soigner son entrée en scène. Le nouveau directeur général d’Air France-KLM, Benjamin Smith, a enregistré une vidéo diffusée le jour même de son entrée en fonction à la tête des deux compagnies aériennes. Histoire de montrer qu’il n’est pas totalement mal à l’aise avec la langue de Molière, ce natif du Canada a fait réaliser deux versions de son allocution, dont l’une est en français.

On y apprend notamment qu'il va consacrer la moitié de sa rémunération fixe annuelle, soit 450 000 euros, à l'achat d'actions Air France-KLM une manière «d'afficher sa confiance» dans «le futur succès» de l'entreprise. Au-delà de l'opération de communication, cette décision vise surtout à dégonfler la polémique née du triplement de son salaire au regard de celui de son prédécesseur. Le tout assorti d'un parachute pouvant atteindre 4,5 millions d'euros, aux cas où il serait contraint de quitter son son job contre son gré. Il convient toutefois de relativiser le prix de son engagement. La moitié de sa rémunération fixe investie en actions ne constitue que le dixième de sa rémunération maximale (variable plus fixe) qui sera de 4,5 millions d'euros par an. Enfin, l'action Air France-KLM côte en ce moment au plus bas, à un peu plus de 8 euros. Le cours du titre a baissé de 35% depuis le début de l'année. Benjamin Smith fait plutôt une bonne affaire, surtout si l'action remonte dans les mois qui viennent.

Une chose est sûre, le nouveau dirigeant, qui s'est installé dans l'antenne parisienne d'Air France (dans le VIIe arrondissement), va trouver sur son bureau une pile de dossiers aussi urgents que minés. L'une des questions clés pour l'avenir immédiat de la compagnie est de savoir si Air France devra passer par un nouveau mouvement de grève, qui serait une sorte d'exutoire au conflit social qui couve depuis février. Pour ceux qui auraient manqué les épisodes précédents, L'intersyndicale de la compagnie réclame toujours 5% d'augmentation pour tout le monde afin de rattraper le blocage des rémunérations des années précédentes. Et les pilotes demandent environ 5% de plus afin de combler le retard qui existe, selon eux avec leurs collègues des autres compagnies aériennes.

Risque de grève fin septembre

Certains syndicats ont d’ores et déjà fixé à la fin du mois de septembre la date butoir pour esquisser un accord sur cette question des rémunérations. Faute de quoi, les avions pourraient se retrouver cloués au sol. Benjamin Smith pourrait être tenté de troquer une augmentation mesurée des rémunérations contre une remise en cause de certains accords internes. Deux d’entre eux sont dans le collimateur de la direction, voire de certains syndicats réformistes comme la CFDT. Ces accords conditionnent l’augmentation de la flotte d’avions dans deux filiales – Hop! pour les vols intérieurs et Transavia pour les vols low-cost – à la signature d’un agrément avec les pilotes sur leur rémunération et leurs conditions de travail.

Moins connu, le conflit qui mine depuis plusieurs semaines les ateliers de maintenance des avions n’est pas à négliger dans les dossiers chauds qui attendent le nouveau patron. Cette activité qui consiste à entretenir les avions d’Air-France KLM, mais aussi ceux d’autres compagnies, a longtemps été une activité extrêmement rentable. Aujourd’hui, c’est une poudrière sociale où les grèves perlées se sont succédé ces derniers mois. Les plus anciens n’apprécient guère l’embauche de jeunes recrues au prix fort, afin de pallier le manque de main-d’œuvre qualifiée dans ce domaine très particulier. Et le mouvement peut reprendre à tout moment.

Faible rentabilité

S’il vient à bout de ces dossiers sociaux, Benjamin Smith devra ensuite se coltiner des soucis financiers et stratégiques de taille. Les vols intérieurs d’Air France sont lourdement déficitaires. En outre, la faible rentabilité d’Air France-KLM ne lui permet pas de renouveler, au rythme souhaité, sa flotte dont la moyenne d’âge se fait vieillissante. Or, pendant ce temps, les compagnies low-cost, comme celles du golfe Persique, affichent des avions flambant neufs à la fois plus confortables et moins gourmands en kérosène, ce qui constitue un double avantage concurrentiel.

Benjamin Smith, qui se définit comme un passionné de transport aérien, est en tout cas plein d'espoir pour ses nouvelles fonctions. «Ensemble, nous pouvons atteindre la position de numéro un de l'industrie [du transport aérien], pas seulement en Europe mais dans le monde», conclut-il dans son message vidéo d'arrivée. Bel optimisme, mais voilà prévenus les Easy Jet, British Airways ou encore Emirates qui trustent aujourd'hui les premières places.

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