Décryptage

Coupes dans l'Education nationale : le secondaire en ligne de mire

Jean-Michel Blanquer a annoncé la suppression en 2019 de 1 800 postes dans l’Education nationale, qui concerneront le second degré et les services administratifs. Une annonce qui passe mal auprès des syndicats.
par Marlène Thomas
publié le 17 septembre 2018 à 18h11

Le couperet est tombé. Non, l'Education nationale ne sera pas épargnée par le projet de suppression de 4 500 postes dans la fonction publique en 2019. Loin de bénéficier d'un statut de privilégié, celle qui représente près de la moitié des effectifs publics va même participer largement à cet effort. 1 800 postes seront supprimés à l'horizon 2019, a annoncé dimanche le ministre, Jean-Michel Blanquer, dans une interview au Figaro. Ce qui «représente 0,2% des emplois du ministère», a-t-il pris soin de préciser. L'heure serait-elle encore une fois à «dégraisser le mammouth», comme avait lancé Claude Allègre, ancien ministre de l'Education nationale, en 1997 ?

Des coupes à tous les étages ?

Accroché à son objectif de privilégier l'école primaire, le ministre a précisé que les suppressions de postes concerneraient uniquement le second degré et «au moins 400 postes» dans les services administratifs. Le privé sera également touché à hauteur de 20%. Une annonce difficile à digérer pour les syndicats : «On pouvait penser que l'Education nationale resterait une priorité, manifestement ce n'est pas le cas», note Frédérique Rolet, secrétaire générale du Snes-FSU, premier syndicat du secondaire.

En parallèle, Jean-Michel Blanquer a annoncé une augmentation du budget de son ministère de 850 millions d'euros en 2019, soit une hausse de 1,7%, «l'une des plus importantes augmentations au sein de l'Etat», s'est-il félicité. Des moyens qu'il entend utiliser pour «poursuivre le rééquilibrage en faveur de l'école primaire». Il a d'ailleurs promis «moins d'élèves par classe» dans toutes les primaires au cours des années à venir. Pour Frédérique Rolet, cette stratégie revient «à reculer pour mieux sauter» : «Il y a des difficultés dans le premier degré, on donne les moyens d'améliorer la situation, mais on crée des difficultés dans le second degré. Vous ne bouchez pas un trou en creusant un autre ailleurs.»

Qui va le plus trinquer ?

L'inquiétude est d'autant plus forte que le second degré fait face à une hausse démographique importante. Selon les estimations du ministère (1), les effectifs devraient augmenter de 40 000 élèves en 2019. L'équation est vite résolue : «Il risque bien sûr d'y avoir des classes surchargées. Même s'il y a un rééquilibrage avec la réforme des lycées, elle ne jouera que sur les premières et terminales. Les secondes sont déjà 36 par classe dans trois quarts des cas. On sait aussi que le collège est aussi le maillon le plus touché en ce moment par la montée démographique. On ne peut pas y arriver comme ça», déplore la responsable du Snes-FSU.

En outre, ces coupes vont intervenir dans un contexte déjà tendu de réforme du lycée général et technologique, mais aussi de la voie professionnelle. «Aborder des réformes comme celle du lycée ou de la voie professionnelle où se pose la question de besoins supplémentaires pour les établissements pour proposer par exemple différentes combinaisons de spécialités, avec des moyens moindres, c'est un problème», s'inquiète Frédéric Marchand, secrétaire général de l'Unsa éducation, première fédération des métiers de l'éducation qui regroupe vingt-deux syndicats. Une mise en œuvre qui ne sera pas facilitée non plus du côté du personnel administratif.

Le pouvoir d’achat pour faire passer la pilule ?

Afin de faire passer au mieux la pilule, le ministre a assuré que le volume d'enseignement sera maintenu grâce au recours aux heures supplémentaires, exonérées de cotisations salariales, «donc plus rémunératrices pour les professeurs». Alors qu'actuellement, une heure supplémentaire peut être imposée aux enseignants, il compte aussi faire monter ce chiffre à deux. Frédérique Rolet : «On est de retour à l'ère Sarkozy où on nous supprimait des postes en nous disant de "travailler plus pour gagner plus". C'est un retour en arrière.» De 2010 à 2012, Jean-Michel Blanquer, alors directeur général de l'enseignement scolaire (Dgesco), avait d'ailleurs appliqué la politique du président Sarkozy qui s'était traduite par la perte de 80 000 postes en cinq ans.

«Ça va crisper les collègues. On ressort régulièrement les heures supplémentaires comme une solution au pouvoir d'achat et aux suppressions de postes, mais ça ne suffira pas», lance Frédéric Marchand. Sa consœur du Snes-FSU abonde : «En raison du manque de postes, on est déjà quasi à une moyenne de deux heures supplémentaires par professeur. On ne va donc pas pouvoir augmenter les heures supplémentaires de façon expansive. De plus, si quelqu'un fait des heures sup dans une discipline, ce n'est pas forcément celle qui manquera de moyens.» Sur le papier, l'enjeu serait de revaloriser le pouvoir d'achat des profs et de rendre la profession plus attractive. Une solution inadaptée pour Frédérique Rolet : «Revaloriser une profession, ce n'est pas ça, c'est augmenter les rémunérations pour tout le monde.»

(1) Estimations réalisées via la Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (Depp) et publiées en mars 2018.

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