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La députée Frédérique Dumas quitte LREM : «On a le sentiment d'être sur le "Titanic"»

La députée des Hauts-de-Seine a annoncé sa démission du groupe La République en marche. Dans un entretien au «Parisien», elle épingle des nominations relevant du seul fait du prince, ainsi que l'absence de considération et d'écoute du gouvernement pour le travail des parlementaires.
par Nathalie Raulin
publié le 17 septembre 2018 à 11h56

En pleine campagne interne pour l'élection du nouveau chef de file des députés LREM, la majorité présidentielle est prise d'un nouveau spasme. Dimanche soir, dans un entretien au vitriol accordé au Parisien, Frédérique Dumas, députée de la 13circonscription des Hauts-de-Seine et vice-présidente de la commission des affaires culturelles a annoncé sa démission du groupe LREM à l'Assemblée nationale et son intention de rejoindre les bancs de l'UDI-Agir. La liste des griefs, que celle qui fut membre du comité politique et du groupe de travail sur le programme culturel pendant la campagne d'Emmanuel Macron adresse à l'exécutif, est longue. D'abord sur la méthode et les coups de canif à répétition contre la volonté d'exemplarité promu par le chef de l'Etat.

Affaire Benalla, élection de Richard Ferrand à la présidence de l'Assemblée nationale, nominations d'Agnès Saal (ex-présidente de l'INA condamnée à trois mois de prison avec sursis pour détournement de fonds publics) comme haute-fonctionnaire au ministère de la Culture et de Philippe Besson (auteur d'un livre autorisé sur le Président) comme consul à Los Angeles : autant de faits symptomatiques, à ses yeux, d'une dérive inquiétante. «Ce que dit Alexandre Benalla des sénateurs montre qu'il y a encore une forme d'impunité, estime-t-elle. Et Richard Ferrand à la présidence de l'Assemblée… Sa procédure judiciaire, même s'il n'est jamais mis en examen, est une épée de Damoclès sur une fonction très importante. Il ne s'agit pas de mettre en cause leurs compétences, mais pourquoi nomme-t-on consul Philippe Besson qui a fait un livre sur le Président ? Pourquoi, quand on a décapité pratiquement tout le ministère de la Culture, la seule nomination que l'on fait est celle d'Agnès Saal (condamnée pour "frais de taxis indus") ? L'exemplarité, c'est aussi une question de bon sens.» Frédérique Dumas appelle le chef de l'Etat à «se reprendre».

«Aucune discussion»

La ministre de la Culture, Françoise Nyssen n'est pas davantage épargnée. «La question de son maintien au ministère ne se pose pas, alors qu'elle est en charge de la réglementation du patrimoine qu'elle reconnaît elle-même ne pas avoir respectée, qu'on lui enlève le livre pour cause de conflit d'intérêts, que la politique culturelle est d'un vide abyssal, c'est totalement anormal !» dénonce la députée.

L'absence de considération, et même d'écoute, de l'exécutif pour le travail de l'Assemblée est également mise en exergue. Auteur au printemps d'un rapport sur la réforme de l'audiovisuel public dont l'exécutif n'a pas même fait mine de tenir compte, Frédérique Dumas, productrice de cinéma de profession, avait déjà critiqué publiquement, en juin, la décision de la ministre de la Culture de supprimer de la TNT la chaîne France 4. «Le travail de fond que nous avons mené a donné lieu, à l'issue d'une grande concertation avec les acteurs du secteur, à un rapport cosigné par six autres députés. Or, ce travail […] a tout simplement été balayé du revers de la main par le Premier ministre», déplore-t-elle. Elle constate qu'«il n'y a eu aucun débat, aucune discussion, aucun échange».

«Dangereux»

Pour la députée, la verticalité du pouvoir doublée d'une forme de clanisme du Président entraînent une caporalisation «dangereuse» du groupe majoritaire et du gouvernement «Travailler dans l'espoir d'être écouté, voire entendu, faire bouger les lignes… est tout simplement impossible avec l'exécutif et compliqué avec le groupe. Même donner un avis est vu comme une fronde s'il n'est pas conforme. […] On nous explique que les ministres doivent faire des sacrifices personnels en abandonnant leurs convictions, leurs idéaux. Qu'il faut avaler toutes les couleuvres, pour rester au gouvernement. C'est dangereux.» Et de conclure : «On a le sentiment d'être sur le Titanic.»

Un jugement que récusent plusieurs députés LREM. La majorité présidentielle n'est «ni le Titanic ni le Costa Concordia, a réagi le député de Paris Stanislas Guérini. Ce n'est pas un navire de croisière qu'on emprunte quand il fait beau et dont on part quand la houle monte. C'est précisément maintenant qu'il faut tenir la barre». Un autre souligne la part de ressentiment personnel de Frédérique Dumas : elle n'avait pas obtenu la présidence de la commission des affaires culturelles de l'Assemblée, qu'elle convoitait, et, Nyssen restant en place contre toute attente, elle a vu s'envoler l'espoir d'obtenir le portefeuille de ministre de la Culture.

Avertissement

D'autres, pourtant, voient dans la fracassante sortie de Dumas un avertissement à prendre en considération. Ainsi de Barbara Pompili, candidate déçue à la présidence de l'Assemblée nationale, qui s'inquiète du fait que LREM «n'arrive pas à retenir des gens de cette qualité» : «C'est un problème qu'il faut prendre à bras-le-corps et qu'on regarde en face.» Regrettant la démission de la députée des Hauts-de-Seine, la vice-présidente de l'Assemblée a admis sur CNews «des problèmes de fonctionnement dans le groupe» LREM, et de «relations avec l'exécutif». Et d'ajouter : «Il manque de la coordination, de la préparation en amont des dossiers.»

Ex de l'UDI, Frédérique Dumas, va rejoindre sa «famille d'origine», et poursuivre sa réflexion au sein du club de Xavier Bertrand, la Manufacture. Loin de la macronie.

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