La pianiste Marie-Françoise Bucquet est morte le 15 août, à Paris, à l’âge de 80 ans. Interprète vouée au répertoire du XXe siècle avec une prédilection pour la musique contemporaine, elle fut une pédagogue à l’origine de nombreuses carrières.
Née le 28 octobre 1937 à Montivilliers (Seine-Maritime), Marie-Françoise Bucquet se forme au contact de l’Allemand Wilhelm Kempff et de l’Autrichien Alfred Brendel, deux références pour l’interprétation des classiques, ainsi qu’auprès de l’Américain Léon Fleisher. Très active dans les années 1970 en faveur de la musique contemporaine, elle assure la création de plusieurs œuvres d’importance. En particulier, lors de l’hiver 1973-1974, au Lincoln Center de New York, où elle donne successivement en première audition Evryali, de Iannis Xenakis (sa partition pour piano aujourd’hui la plus jouée), Noveletta 1973, de Sylvano Bussotti, et B for Sonata, de Betsy Jolas.
En trio puis en duo
A Paris, elle interprète notamment, en 1975, les Klavierstücke, de Karlheinz Stockhausen. L’année suivante, Marie-Françoise Bucquet apparaît également sur la scène contemporaine au sein du Gram-Trio qu’elle a fondé avec le violoniste Jean Leber et le violoncelliste Alain Meunier dans le but de tirer de l’oubli les trios de Joseph Haydn et de les confronter à des partitions à l’encre à peine sèche.
En 1979, elle fonde un duo avec son mari, le baryton portugais Jorge Chaminé. Le passage du couple en studio aboutira à deux disques très différents publiés par la firme Lyrinx. L’un consacré à Carlos Guastavino (1912-2000), Argentin quasiment inconnu en France, et l’autre à Johannes Brahms (sélection de lieder). Au cinéma aussi, on pourra entendre du Brahms joué par Marie-Françoise Bucquet : un passage de la 1ère Sonate pour violon (avec Christophe Giovaninetti) dans Mélo, d’Alain Resnais.
Discographie éclectique
La sortie du film, en septembre 1986, coïncide avec l’entrée de la pianiste au Conservatoire de Paris comme professeure de musique de chambre. Nombreux sont les élèves qu’elle aidera à s’orienter sur la voie professionnelle, à l’instar de Nicholas Angelich (qui deviendra son assistant), de Guillaume Coppola et d’Hélène Couvert. Très internationale (l’Islandaise Edda Erlendsdottir, le Japonais Kotaro Fukuma), la classe de Marie-Françoise Bucquet accueille aussi le Libanais Zad Moultaka qui y découvre la musique contemporaine avant de contribuer lui-même à son développement en tant que compositeur.
Eclectique, la discographie de la pianiste révèle un intérêt pour Georges Bizet qui la conduira avec son mari, dans les années 2000, à présenter des master-classes originales à Bougival (Yvelines), à deux pas de la maison jadis occupée par le compositeur de Carmen. Enregistrant principalement pour Philips, Marie-Françoise Bucquet a été distinguée pour son disque Stravinsky (Grammy Awards) et pour son intégrale Schoenberg (Prix Edison) parue en 1974. Peu de temps auparavant, elle avait subjugué un critique new-yorkais par son parcours de l’œuvre du compositeur autrichien, fidèle, selon lui, comme une autobiographie.