Accusé à tort de maltraitance dans l'Eure, l'éleveur gagne son procès contre une internaute

Accusé de maltraitance sur l'un de ses chevaux sur Facebook y a un an, Jacques Enos a été reconnu innocent. La personne qui avait colporté des faits non allégués a été condamnée.

Jacques Enos ne souhaite à personne vivre une telle mésaventure que celle qu'il a subie il y a un an. Il est aujourd'hui soulagé que la justice ait condamné la personne l'ayant « sali » sur le réseau social Facebook.
Jacques Enos ne souhaite à personne vivre une telle mésaventure que celle qu’il a subie il y a un an. Il est aujourd’hui soulagé que la justice ait condamné la personne l’ayant « sali » sur le réseau social Facebook (©Eveil de Pont-Audemer).
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« Heureusement, j’ai une certaine carapace. Mais il faut faire attention, il y a des gens qui se pendent à cause de simples rumeurs. »

Agriculteur à la retraite et maire depuis 17 ans de la petite commune de Morainville-Jouveaux, près de Cormeilles dans l’Eure Jacques Enos a depuis 25 ans des chevaux en pension dont il prend grand soin. Pourtant, il y a un an, il avait été accusé de maltraiter l’un d’eux. La personne qui avait propagé cette rumeur sur le réseau Facebook, une jeune femme de 34 ans, a été condamnée à deux reprises les 22 février et 20 juin 2018 (en première instance et en appel) à 1 500 € d’amende (avec sursis) et devra verser 400 € de dommages et intérêts et 700 € de frais de procédure à Jacques Enos pour avoir, selon les termes des deux jugements, « allégué ou imputé un fait portant atteinte à l’honneur ou à la considération de M. Enos. »

Le cheval « traîné par un van »

Les faits remontent au 24 juillet 2017. Ce jour-là, Jacques Enos amenait aux champs Chic Morainville, cheval de course récemment blessé. Il empruntait pour ce faire la route départementale Lieurey-Cormeilles sur une portion de 400 mètres environ, le cheval attaché à une longe trottinant derrière le van qui roulait « à 10-12 km/h », précise Jacques Enos. Cette promenade quotidienne, préconisée par un vétérinaire, faisait partie de la rééducation de Chic Morainville (1).

Mais ce 24 juillet 2017 une automobiliste, Mélanie L., roulant derrière le van de Jacques Enos, s’était offusquée de la scène (« une aberration », dit-elle) qu’elle avait filmée… et postée immédiatement sur le réseau social Facebook. Mélanie L. accusait alors Jacques Enos de maltraitance animale (selon elle, le cheval était « traîné par un van ») et prétendait également sur Facebook avoir été insultée par Jacques Enos, en des termes que la morale réprouve.

Il n’en fallait pas plus pour enflammer la toile. Posté ce 24 juillet 2017 à 12 h 24 et retiré par son auteur à 18 h (qui n’avait sans doute pas mesuré les conséquences de son acte), le message sur Facebook allait être partagé des milliers de fois (60 000 partages sur une période allant au-delà de son retrait) et commenté à 6 000 reprises. C’est ce qu’on appelle dans le jargon Internet un « buzz ». « Bad buzz » pour l’éleveur injustement accusé puisque certains des commentaires étaient insultants voire menaçants. Un internaute publiait une corde de pendu à l’intention de l’éleveur de Morainville, un autre voulait « l’attacher par les pieds et le traîner sur 500 mètres », deux autres encore annonçaient qu’ils viendraient « lui régler son compte » dès le soir même. Quelques-uns néanmoins prenaient sa défense.

Jacques Enos avait décidé dans un premier temps de ne pas réagir.

Personnellement, je ne vais pas sur Facebook, personne n’a Facebook à la maison et je n’avais pas vu ces messages. Ce sont des gens de Lieurey qui m’ont appris qu’il y avait une vidéo qui circulait et que j’étais accusé de maltraitance, raconte le maire de Morainville-Jouveaux. J’ai alors décidé de laisser couler, en me disant que le lendemain, on n’en parlerait plus.

Oui mais voilà, la fille de Jacques Enos « surveillant » Facebook, elle y vit que le propriétaire du van était « recherché par le procureur de la République et les gendarmes. » Apprenant cela, Jacques Enos allait alors lui-même appeler les gendarmes…

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L’enquête l’innocente, il porte plainte

L’enquête de gendarmerie a rapidement conclu à l’innocence de Jacques Enos (l’affaire a été définitivement classée par le Parquet d’Évreux en novembre 2017). Mais ne voulant laisser personne croire qu’il puisse être malveillant avec ses animaux – « Les chevaux, je leur ai consacré ma vie », dit-il – Jacques Enos a pris le temps d’expliquer à tous ceux qui l’interpellaient que la balade de Chic Morainville derrière un van, d’une part n’était pas dangereuse, d’autre part avait des vertus thérapeutiques.

À partir de ce 24 juillet, j’ai passé trois jours sans arrêt au téléphone, avec des personnes que je connaissais qui m’appelaient pour témoigner en ma faveur, mais aussi avec des responsables d’associations de défense d’animaux qui me demandaient des comptes.

Jacques Enos a alors pris son temps et fait montre de persuasion, au besoin documents à l’appui (le certificat du vétérinaire entre autres). Pour preuve, aucune plainte d’aucune association de défense des animaux n’a été déposée. Il a également pris son temps les jours qui ont suivi ce 24 juillet 2017 pour expliquer aux journalistes, eux aussi réactifs suite au buzz Facebook, son point de vue.

Considérant aussi que son honneur avait été bafoué, Jacques Enos décidait en juillet dernier de porter plainte contre la jeune femme qui l’avait accusé de maltraitance sur Facebook. Une plainte examinée avec sérieux, dans des délais convenables, par la justice et qui aboutit donc à une première condamnation de cette jeune femme. Bien que la peine prononcée par le tribunal correctionnel d’Evreux le 22 février 2018 ait été mesurée et que cette jeune femme ait même bénéficié d’une erreur de retranscription du jugement (2), cette dernière fit curieusement appel, ce qui ne servit à rien, la Cour d’appel de Rouen s’alignant sur le jugement du tribunal d’Evreux. A noter qu’outre la culpabilité reconnue de la jeune femme pour des faits de diffamation, le tribunal a estimé que Jacques Esnos n’avait jamais insulté la jeune femme ce 24 juillet 2017 (« Elle fait sa vidéo, m’a dépassé ensuite mais nous ne sous sommes pas adressés la parole », indique sur ce point Jacques Enos).

Aujourd’hui, que reste-t-il de cette histoire ?

Pour moi la page est tournée, même si je sais qu’il en restera toujours quelque chose parce qu’il y a forcément quelques personnes au village ou dans les villages voisins qui se sont bien amusés de cette situation, affirme Jacques Enos. Je retiendrai le positif, le soutien que m’ont apporté de nombreuses personnes et je les en remercie. Mais tout de même, à destination des usagers de Facebook, je réclame de faire attention.

Oui car comme Jacques Enos le disait en début d’entretien, certains, entraînés dans un tourbillon de malveillance, « peuvent se pendre » pour de simples rumeurs propagées.

Ci-dessous la vidéo de notre collègue Christophe Lemoine, du journal Le Pays d’Auge, faite en juillet 2017 et expliquant la pratique de rééducation normale consistant à faire trotter un cheval derrière un van. Vidéo tournée avec Jacques Enos

(1) Chic Morainville s’était blessé, seul dans son box, quatre jours après avoir remporté, le 1er août 2016, une course à Mauquenchy. Trottiner sur le bitume faisait partie de sa rééducation. « La surface plane et uniforme qu’offre la route est idéale pour ce type d’exercice qu’est le classing trotting sur route et l’utilisation de véhicule motorisé auquel les trotteurs sont habitués depuis leur plus jeune âge est parfaitement adaptée », souligne à ce propos le Docteur vétérinaire Patrick Valère dans une pièce versée à ce dossier

(2) Deux sommes différentes de dommages et intérêts devant être versés à M. Enos y apparaissent (4 000 et 400 €). C’est la somme inscrite par erreur en dernier, 400 €, qui a été retenue

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