Ecrivain, patron de presse, traducteur, activiste, Michel Butel, mort à Paris, d’une septicémie, le 26 juillet, à 77 ans, ne pouvait être assigné à aucun des rôles qu’il a occupés, et sa disparition ne va pas simplifier la tâche : le mystère demeure, pour toujours désormais. Celui d’une énergie dévorante, jamais satisfaite, attisée par le désir de se créer une place qui ne lui a jamais été octroyée. Moyennant quoi, il l’a inventée, puis, à l’infini, multipliée.
Il naît à Tarbes (Hautes-Pyrénées) le 19 septembre 1940, enfant juif sous l’Occupation qu’on doit dissimuler chez ses grands-parents, en Isère. Sa mère est avocate, son père sera des fondateurs de la Sécurité sociale. De retour à Paris, à la Libération, l’enfant entre à l’Ecole alsacienne. Son chemin de jeune bourgeois semble tracé. Mais, déjà, rien ne se passe comme prévu. C’est dans un institut psychopédagogique, où, dira-t-il, il a été placé pour avoir mis le feu au cabinet de son médecin, que le futur directeur de L’Autre Journal crée, à 12 ans, son premier journal. Il quitte l’établissement à 14 ans, décide de ne pas rentrer chez lui, arrêtant ses études et commençant une vie errante, improvisée.
Il milite, au début des années 1960, pour l’indépendance de l’Algérie, entre à l’Union des étudiants communistes. L’air du temps est à la révolution : il est révolutionnaire, manière comme une autre d’assouvir son désir d’inédit. Mais quand, en 1975, Bernard-Henri Lévy lui propose de participer à la création d’un quotidien, L’Imprévu, il ne peut résister, quand bien même l’entreprise apparaît proche du Parti socialiste haï – François Mitterrand est à la une du premier numéro –, ce qui lui vaut quelques rancœurs chez ses camarades.
Prix Médicis pour son premier roman
C’est un échec retentissant, au bout de onze numéros. Mais l’appétit pour la presse s’est réveillé. Et Michel Butel va devenir virtuose dans l’art d’encaisser les coups, disposition qui permet bien des aventures. Entre-temps, néanmoins, il a autre chose à accomplir : devenir écrivain. Ce qu’il fait, avec éclat, en 1977, quand il reçoit le prix Médicis pour son premier roman, L’Autre Amour (Mercure de France), « une intrigue de Gérard de Villiers écrite par Alain-Fournier ou Gérard de Nerval », selon le critique du Monde Paul Morelle. Il publie un nouveau roman, La Figurante (Mercure de France, 1979) et traduit des pièces d’Arthur Schnitzler. Puis plus rien, pendant près de vingt ans. Il faut dire qu’au début des années 1980, la vie s’accélère. Son œuvre enfle d’un coup, moins faite de livres que de journaux, dès lors créés en cascade.
Il vous reste 58.26% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.