Justice

Qu'est-il reproché à Thierry Solère, placé en garde à vue ?

Le député LREM, ancien membre de Les Républicains, est soupçonné de fraude fiscale et de corruption. Retour sur une affaire qui remonte à 2010.
par Christophe Forcari et Rémy Descous-Cesari
publié le 17 juillet 2018 à 20h37

Thierry Solère, député LREM et ancien questeur de l’Assemblée nationale est depuis mardi matin en garde à vue dans les locaux de la police judiciaire de Nanterre. Il est notamment visé dans le cadre d’une enquête pour fraude fiscale et corruption.

Qui est Thierry Solère ?

L’homme aujourd’hui dans le collimateur de la justice a su s’adapter au nouveau monde né après la présidentielle de 2017.

Issu des Hauts-de-Seine où personne ne pouvait lever la tête sans l’aval de Nicolas Sarkozy, il est élu député en 2012 face à Claude Guéant, un fidèle du locataire de l’Elysée. Malgré cette bravade, le président de la République ne lui en tient pas rigueur et le réintègre après une période de disgrâce au sein de la famille. Nicolas Sarkozy le charge même d’organiser la primaire de la droite en 2016, en vue de la présidentielle. Après la victoire de François Fillon, il devient l’un de ses porte-parole jusqu’à la démission de son favori. Il soutient alors Alain Juppé. Ce plan B échouant, il se range derrière la candidature d’Emmanuel Macron. Après les législatives, il tente d’entraîner derrière lui une partie de la droite dans la nouvelle majorité, au sein d’un groupe baptisé Les Constructifs et regroupant des élus de droite, des centristes et des indépendants.

Après avoir été exclu du parti Les Républicains en octobre 2017, il adhère le mois suivant à La République en marche (LREM) et quitte le groupe Les Constructifs pour rejoindre celui du parti présidentiel. A droite, ses anciens amis ne se privent pas de souligner que cet avocat de profession, habitué des plages bauloises, a toujours su «privilégier ses intérêts avant ses fidélités politiques».

Quels sont les motifs de sa garde à vue ?

L’élu se retrouve en garde à vue dans le cadre de l’enquête qui le vise pour fraude fiscale et corruption. Et pas seulement. Les enquêteurs le soupçonnent également de trafic d’influence, d’abus de biens sociaux, de financement illicite de dépenses électorales et de manquement aux obligations déclaratives auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

Fin juin, le parquet de Nanterre demande la levée de son immunité parlementaire et le 11 juillet, le bureau de l'Assemblée nationale la vote. La présidence de l'Assemblée, François de Rugy, avait précisé s'être prononcé sur requête du procureur général de Versailles lui demandant «d'autoriser le placement en garde à vue de M. Thierry Solère […] dans le cadre d'une enquête préliminaire le concernant». Une demande appuyée par le député lui-même.

De quoi retourne-t-il ?

L’affaire remonte aux années 2010-2013 alors qu’il était conseiller général UMP d’Ile-de-France. Au même moment, il travaillait comme conseiller stratégique dans une entreprise spécialisée dans la collecte et le traitement des déchets. Une activité rémunératrice à hauteur de 12 000 euros par mois. Des revenus qu’il a «oublié» de déclarer au fisc. Tout comme il avait oublié de régler le montant de la taxe foncière. Une «négligence» administrative qui lui avait valu une saisie sur salaire. Par ailleurs, le député LREM est soupçonné par le parquet «d’enrichissement occulte» et «de s’être servi de son influence en tant qu’élu local et national pour aider ses sociétés clientes à obtenir des contrats publics ou un agrément des pouvoirs publics». Son avocat Pierre-Olivier Sur, contacté par Libération, n'a pas souhaité répondre à nos questions.

Jean-Jacques Urvoas, un dommage collatéral ?

Solère n'a pas plongé tout seul. Il a entraîné dans ses «affaires» Jean-Jacques Urvoas, l'ancien ministre de la Justice de François Hollande. Ce dernier est soupçonné de lui avoir transmis, alors qu'il était garde des Sceaux, des éléments sur l'enquête le visant. Urvoas a d'ailleurs été mis en examen par la Cour de justice de la République pour «violation du secret de l'enquête». Une accusation qu'il a toujours contestée.

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