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Faux alliés

Le patron de Feminist Apparel vire son équipe après qu'elle a appris ses abus sexuels

Il avait expliqué aux médias avoir eu l'idée de cette marque de vêtements «féministes» à la faculté, en travaillant sur un documentaire sur les agressions sexuelles. Mais quand des salariées ont interpellé Alan Martofel sur son propre passé d'agresseur, il les a renvoyées.
par LIBERATION
publié le 12 juillet 2018 à 19h27

La marque américaine de vêtements Feminist Apparel vend des habits sur lesquels on peut lire «la misogynie tue», «les droits des femmes sont les droits humains» ou encore «des révoltes, pas des régimes». Bref, des produits apparemment fidèles à son nom. A la fin du mois de juin, raconte le site Refinery29.com, des salariées parmi les dix que compte l'entreprise ont appris, via un commentaire sur Facebook, que le fondateur et patron de la marque, Alan Martofel, avait menti sur son passé. Aux médias comme Forbes, il racontait en 2014, année de lancement de Feminist Apparel, qu'il en avait eu l'idée à la faculté, alors qu'il commençait à travailler à un documentaire sur les agressions sexuelles à l'université.

Mais la vérité était ailleurs, en l'occurrence sur son mur Facebook. En octobre 2013, il y expliquait en effet, de manière très directe, qu'il s'était rendu coupable de s'être «frotté à des femmes dans des bus et à des concerts sans leur consentement». Mais aussi : «J'ai couché avec la "salope bourrée" à une fête parce que c'était plus facile. J'ai mis la main d'une femme sur mon sexe pendant qu'elle dormait.» Il racontait alors que la découverte du féminisme l'avait éveillé au sujet de la culture du viol et qu'en conséquence de cela, il avait décidé de lancer la marque Feminist Apparel, une «humble tentative» de «résoudre» le sexisme dont il avait pris conscience.

«Excuses publiques»

Découvrant ce post, les salariées ont décidé d'agir. «Nous avons conclu que la seule chose à faire était de demander à Alan de démissionner de la direction, de quitter l'entreprise, et d'adresser des excuses publiques à nos clients, nos partenaires artistiques, et plus largement la communauté des féministes intersectionnelles et des défenseurs de la justice sociale dont il a abusé pendant tout ce temps», écrivent-elles dans un message public. Reconnaissant les faits, Martofel a effectivement annoncé qu'il démissionnait. Mais au cours des deux semaines suivantes, il a demandé aux salariées de ne plus venir au travail, puis a fermé leurs adresses mails, puis leur a annoncé, par mail, qu'elles étaient virées «en raison des transitions en cours dans l'entreprise». Neuf personnes sur dix ont ainsi perdu leur emploi.

Dans un message posté le 4 juillet sur le site de Feminist Apparel, Alan Martofel a expliqué que «bien qu'il regrette son comportement passé, [sa] réflexion et ses conversations sur le sujet [lui] ont permis de devenir ce qu'[il] est et [lui] ont donné les outils pour construire une société qui s'est toujours efforcée d'être un lieu accueillant pour tout le monde.» 

Plusieurs ex-employées soulignent que cette affaire soulève à nouveau la question de la place des hommes dans les mouvements féministes. «La meilleure manière d'être un allié est de ne pas faire de profit sur le féminisme et les survivantes d'agressions sexuelles», dit Kerry Grogan, ex-graphiste de Feminist Apparel. Ryker Fry, l'ancienne chargée des ressources humaines, souligne à quel point il est ridicule «qu'un agresseur puisse avoir l'audace de se prétendre féministe ou de penser qu'il a le droit de gagner de l'argent sur le dos des personnes qu'il a abusées, et d'en tirer la conclusion qu'il est un héros».

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