Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'êtes pas inscrit sur Le Monde ?

Distributeurs automatiques de lait, viande, légumes… des casiers judicieux

On trouve désormais un peu de tout dans les distributeurs automatiques, ouverts 24 h/24 et 7 J/7, qui poussent au bord des routes ou dans les villages.

Par 

Publié le 22 mai 2018 à 12h05, modifié le 22 mai 2018 à 20h54

Temps de Lecture 6 min.

Le boucher Patrice Dorr a installé, à côté de sa boutique à Francaltroff (Moselle), un distributeur de produits carnés, en libre-service tous les jours, 24 h/24. Le Distri’Dorr répond à vos envies de merguez, même la nuit.

En mars, Patrice Dorr a installé un distributeur de produits carnés en libre-service, disponibles tous les jours 24 h/24. A deux pas de sa boucherie artisanale, située à Francaltroff, un village de Moselle d’à peine 800 habitants. Et, depuis le retour du beau temps, ses barquettes de viande « spécial barbecue » disparaissent aussi vite que les expressos du « distrib » d’une tour de bureaux, après le déjeuner.

Plats préparés maison, charcuterie emballée sous vide, viande présentée en barquette, produits de même qualité que ceux vendus en boutique, sont disposés dans chacun des 36 casiers de son automate dernier cri, en Inox, avec paiement sans contact ou par carte. Un investissement de 25 000 euros. Les dates de fabrication et de péremption ainsi que les informations sur les allergènes sont indiquées sur chaque produit. Si l’un des casiers se met à dysfonctionner, le distributeur se bloque automatiquement, et le boucher traiteur en est averti pour éviter tout risque sanitaire.

Pour l’instant, les clients peuvent acheter au Distri’Dorr, voire retirer une commande réalisée par SMS. Une page Facebook les avertit des arrivages. Mais d’ici peu, un site Internet permettra de faire ses achats, de les payer puis de les récupérer directement grâce à un code d’accès. « J’ai lancé mon petit drive, en quelque sorte, plaisante Patrice Dorr, qui ne manque pas de regarder les prévisions météo avant de remplir ses casiers. Les jours de grand soleil, on a intérêt à mettre plus de brochettes marinées que de potée lorraine. »

Circuits courts et produits du terroir

De la viande, des fruits et légumes, mais aussi des jus, de la confiture, des œufs, du lait, du fromage, des baguettes, des fruits de mer, des granulés de bois, des pizzas, des surgelés et même des lunettes… on trouve désormais un peu de tout dans les distributeurs automatiques qui poussent au bord des routes, dans les villages ou au cœur des villes. Relancés en zone rurale ou périurbaine par l’intérêt pour les circuits courts et les produits du terroir.

« Il y a 590 000 distributeurs automatiques en France, dont 80 % sont implantés dans les entreprises, principalement de boissons chaudes et de snacking. C’est avant tout un marché qui touche le monde du travail, avertit Pierre Albrieux, président de la chambre syndicale nationale de vente et services automatiques (Navsa), représentant les fabricants et les gestionnaires qui approvisionnent et entretiennent les machines. Le milieu est en pleine mutation : la distribution de colis et la vente directe aux particuliers par le biais d’automates pèsent encore peu mais seront, à l’avenir, les principaux axes de développement du secteur. »

« Dans la majorité des cas, le retour sur investissement s’obtient en deux ans, souvent moins. » Didier Filbing, fabricant de points de vente automatiques

A la campagne, l’intérêt, pour les producteurs, est évident : proposer sans intermédiaire et à toute heure leur marchandise pour un investissement moins coûteux et chronophage qu’une boutique classique. Installée en Alsace, la société de Didier Filbing a conçu et installé près de 500 points de vente automatiques de produits fermiers depuis 2008. Producteurs et artisans mais aussi communes en manque de commerce de proximité sont de plus en plus nombreux à dépenser entre 12 000 et 30 000 euros (selon leur taille et leur sophistication) dans des casiers. « Dans la majorité des cas, le retour sur investissement s’obtient en deux ans, souvent moins, souligne-t-il. Il y a trois ans, j’étais seul sur ce marché, qui compte aujourd’hui cinq concurrents, preuve que je ne suis pas le seul à y croire. »

Echec en centre-ville

En Seine-Maritime, Pierre Lambard, à la tête d’une exploitation familiale, s’est lancé il y a deux ans par « envie d’aller au plus près des clients, de [s] e libérer des circuits traditionnels et de trouver un complément de revenus ». La formule ne nécessitait pas un gros investissement, outre l’achat de l’automate. « J’ai commencé par 72 casiers, installés à deux pas de chez moi : j’avais un terrain, pas besoin de faire des kilomètres pour le réapprovisionner », explique ce céréalier et producteur de jus de pomme, de cidre et d’eau-de-vie. Les 65 000 euros récoltés en 2017 lui font croire en l’avenir de ce système, malgré l’échec d’une autre installation en plein centre-ville de Rouen. Après plusieurs mois à attendre le client, le distributeur de 154 cases à destination des urbains a été déménagé aux champs, en bordure d’une départementale qui voit passer 4 000 véhicules par jour. « J’ai l’impression que ça marche en zone rurale, mais moins en ville. »

« J’ai l’impression que ça marche en zone rurale, mais moins en ville. » Pierre Lambard, producteur

Julien Adam, cofondateur d’Au bout du champ, pensait que le concept prendrait à Paris. Pendant un an, fruits et légumes récoltés le jour même chez des producteurs étaient proposés en vente directe par des automates répartis sur cinq sites. Résultat : « On n’écoulait que des salades et des tomates !, se souvient le trentenaire. Les clients ne prenaient pas des blettes par exemple, car ils ne savaient pas comment les cuisiner. Il manquait le conseil. » Au bout du champ, qui ouvre son sixième magasin parisien dans quelques semaines, a abandonné les casiers et les a remplacés par des vendeurs en chair et en os.

Hermétiques aux distributeurs, les rats des villes ? Pour Lionel Hirsch, directeur général de ­Ximiti, tout est réuni aujourd’hui pour que son concept de supérette automatique connectée fonctionne. « Les consommateurs sont habitués à acheter en ligne, mais ils veulent de moins en moins attendre les livraisons. Avec notre magasin, ils peuvent trouver des articles de première nécessité (500 références en moyenne) 24 h/24 et 7 J/7 aux mêmes prix que dans une épicerie classique. » Cible : les villes moyennes, où l’ouverture des commerces tard en soirée ou le dimanche n’est pas d’usage. Quatre Ximiti sont déjà en service, notamment à Biarritz et à Brest. Les courses se font sur l’application ou directement à la borne du magasin.

Le « drive piéton »

« Les jeunes adorent acheter au distributeur. Il n’y a pas d’attente et c’est ludique », renchérit Thierry Sarazin, directeur général d’AST International Equipment, une société lilloise spécialisée dans la fabrication d’automates sur mesure pour de grandes enseignes du luxe, de la cosmétique ou de la grande distribution. « Tous les jours, je reçois des appels de gens intéressés par mon savoir-faire pour développer ce qu’ils appellent de nouveaux concepts. » Le seul fabricant français du secteur a d’ailleurs conçu avec Ambre Garcia, une opticienne bordelaise, le premier distributeur de lunettes de lecture, solaires et autres accessoires (38 références en tout). En service depuis juillet 2017 à l’aéroport de Bordeaux-Mérignac, Eyes Corner ne se limite pas à la vente des produits mais propose aussi du service, en permettant au consommateur de vérifier la qualité de ses verres solaires ou de tester sa vue de près pour choisir la bonne correction.

Né à la campagne, le phénomène des casiers automatiques accompagne aussi, en ville, l’essor du « click and collect » (commande d’un article sur Internet, retrait en magasin ou en casier). Dévolus traditionnellement à la livraison de colis, les casiers commencent aussi à intéresser, en version réfrigérée, la grande distribution. Car toutes les enseignes, après s’être installées dans les campagnes et les périphéries urbaines, visent désormais les centres-villes et se livrent bataille autour d’une nouvelle sorte de drive, le « drive piéton ». A Paris, Lyon et Saint-Etienne, Carrefour en compte déjà 12, et espère arriver à 15 d’ici à la fin de l’année. Leclerc, qui teste ce système à Lille dans un de ses magasins, envisage de le développer à Paris.

Le concept ? Au lieu de retirer en voiture ses courses préalablement commandées sur Internet, le client se rend à pied dans un point de retrait pour la récupérer. Ces surfaces de vente s’adossent à un hypermarché de la même enseigne situé à quelques kilomètres en périphérie de la ville pour s’approvisionner. Cela leur permet de proposer plus de références mais surtout des prix plus bas, notamment grâce à des économies de loyer par rapport à un magasin physique.

Dans le centre-ville d’Orléans, Carrefour a ouvert en février son premier « drive piéton » à consigne. Les achats sont stockés dans des casiers réfrigérés, dont les températures sont adaptées aux produits secs, frais et surgelés. Plus besoin d’attendre pour recevoir ses sacs de courses et en cas de retard, ils sont conservés deux heures après l’heure donnée. Une solution d’avenir ? A condition de ne pas oublier son numéro de commande et de ne pas craindre les lieux déshumanisés.

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner

Voir les contributions

Réutiliser ce contenu

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.