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Li Shufu, ce milliardaire chinois qui, après avoir racheté Volvo, s'attaque à Mercedes

Le milliardaire chinois était déjà propriétaire du suédois Volvo. Il détient  maintenant 10% de Daimler (Mercedes). Une prise de participation à la hussarde qui jette le désarroi au sein du groupe allemand, déjà lié à l'Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi Motors.

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Le milliardaire chinois Li Shufu, le 2 juin 2017 à Bruxelles

Le milliardaire chinois Li Shufu, le 2 juin 2017 à Bruxelles

Belga/AFP/Archives - NICOLAS MAETERLINCK

L'homme est secret. Le chinois Li Shufu veut se construire un empire automobile, avec une obstination qui égale sa discrétion. Ce milliardaire de 54 ans, fils de riziculteurs pauvres, a amassé des actions Daimler sans avertir personne. Et le voilà devenu vendredi, à la surprise générale, le premier actionnaire du groupe allemand, en montant à hauteur de 9,69%. Moyennant 7,5 milliards d'euros. Le propriétaire à 100% du constructeur suédois Volvo Cars (depuis 2010) veut ainsi compléter sa panoplie et accéder aux technologies du propriétaire des prestigieuses voitures Mercedes mais aussi des non moins célèbres camions de la firme à l'étoile. Daimler est le numéro un du haut de gamme auto et le premier fabricant mondial de poids-lourds. Une belle prise.

Et l'Alliance Renault-Nissan?

Li Shufu, le patron fondateur du constructeur automobile Geely, devrait arriver ce lundi au siège de Daimler à Stuttgart et rencontrer mardi des représentants du gouvernement allemand à Berlin, selon Bild am Sonntag. Geely avait fait une première approche auprès du groupe allemand en novembre dernier, lui proposant de prendre jusqu'à 5% du capital via un placement réservé, mais Daimler s'y était opposé. D'où une intervention à la hussarde qui jette la consternation au sein du groupe Daimler. Depuis avril 2010, l'Allemand est en effet lié à l'Alliance Renault-Nissan (et désormais Mistubishi Motors). Renault (actionnaire de Challenges) est actionnaire à hauteur de 1,55% du groupe allemand. Nissan en détient également 1,55%.

Daimler possède à son tour 3,1% de Renault comme de Nissan. L'Alliance et Daimler sont engagés dans de nombreux partenariats industriels. Ils ont développé la dernière génération de micro-voitures Smart en commun avec la Twingo III tricolore. Renault fournit des moteurs à Mercedes ainsi que l'utilitaire léger Kangoo (rebaptisé Mercedes Citan). Le dernier pick-up Mercedes X est co-produit avec ses frères de Nissan et Renault. Ce dernier a enfin développé avec la firme de Stuttgart une nouvelle génération de moteurs à essence. Bref, l'arrivée de Li Shufu dans le capital de Daimler ne peut que déplaire à Carlos Ghosn, PDG de Renault et président de Nissan comme de Mitsubishi Motors.

Daimler est également lié en Chine avec le groupe local BAIC, spécialiste des voitures électriques. Les deux consortiums comptent investir 1,5 milliard d'euros pour lancer la production de modèles Mercedes en Chine, y compris des véhicules électriques, a déclaré BAIC dans un avis à la Bourse de Hong Kong, publié vendredi et confirmé dimanche par... Daimler. Enfin, Daimler avait annoncé la semaine dernière qu'il voulait renforcer son positionnement dans l'utilitaire électrique, avec un investissement de 2,6 milliards d'euros sur deux ans dans sa division poids lourds. Bref, l'arrivée de Li Shufu, qui a commencé sa carrière comme photographe puis a vendu des pièces détachées de réfrigérateur, bouleverse tous les plans.

De multiples achats

Le 50ème homme le plus riche de Chine n'en est pas à son coup d'essai. Après Volvo Cars et  LEVC, le fabricant des taxis londoniens, Li Shufu  a pris l'an dernier des participations dans le constructeur britannique de voitures de sport Lotus, le constructeur malaisien Proton, et surtout les poids lourds AB Volvo fin décembre. Attention: ne pas confondre AB Volvo, producteur de poids-lourds et engins de BTP, avec Volvo Cars, constructeur de voitures particulières! Les deux sociétés sont séparées depuis 1999, date à laquelle le groupe suédois s'était scindé en deux. Li Shufu détient aujourd'hui 8,2% du capital d'AB Volvo et 15,6% des droits de vote . La transaction était estimée à 2,75 milliards d'euros. Le groupe de l'empire du Milieu Geely devient ainsi le deuxième plus gros détenteur de droits de vote d'AB Volvo, derrière le fonds Industrivarden. Or, AB Volvo est le numéro deux mondial du camion.... derrière Daimler. Gare aux abus de position dominante! A vouloir trop étreindre, les premiers conflits d'intérêt apparaissent. Après l'entrée dans Daimler, AB Volvo s'insurge et renonce à garder Hakan Samuelsson, PDG de Volvo Cars et à ce titre représentant de l'actionnaire chinois, au sein de son conseil d'administration...

Li Shufu ne fait pas seulement son marché à l'étranger. Il est aussi propriétaire du constructeur automobile chinois Geely, qu'il a fondé. Ce dernier a vendu 1,25 millions de véhicules l'an dernier (+63%), essentiellement en Chine. Le constructeur va même bénéficier prochainement de la technologie Volvo Cars, puisque la plate-forme des nouvelles petites voitures du Suédois comme le XC40 sera reprise par la firme chinoise, ainsi que les tout derniers moteurs trois cylindres conçus à Göteborg.

Volvo Cars, une belle carte

La meilleure carte de visite de Li Shufu reste justement Volvo Cars, qui, après un passé mouvementé, est revenu dans la course face à la rude concurrence allemande dans le haut de gamme. Et ce, alors que les esprits chagrins redoutaient une catastrophe de ce passage sous la férule d'un constructeur chinois de voitures bas de gamme. Tout d'abord, la firme n'aura jamais compté autant de véhicules inédits dans sa gamme: gros "SUV" de luxe XC90 II en 2015, berline S90 et break V90, "SUV" intermédiaire XC60 II à la rentrée 2017 et petit "SUV" XC40 présenté en fin d'année.

La firme suédoise a même battu en 2017 son record de ventes à  534.332 unités (+6,2%) et enregistré  une hausse de son résultat d'exploitation  (+28%) à 14 milliards de couronnes (1,4 milliard d'euros), pour une marge opérationnelle de 6,7% en 2017 (6,1% un an auparavant). Fort de sa montée en puissance, Volvo Cars a embauché en un an près de 5.000 nouveaux salariés, portant les effectifs mondiaux du groupe à 33.000 personnes. Et le constructeur va enfin réaliser son vieux rêve américain. Il ouvrira à la mi-2018 une usine en Caroline du sud.

"Nous nous comportons comme une entreprise indépendante. Il n'y a pas d'interférence de l'actionnaire", soulignait récemment Hakan Samuelsson, PDG de Volvo Cars, dans une interview à Challenges. Le PDG se rend seulement "quatre fois par an en Chine". Du temps de Ford (actionnaire de Volvo Cars avant 2010), "on avait un conseil d'administration composé de contrôleurs, on était une division d'un grand groupe". Désormais, "seules trois personnes sur douze représentent Geely au conseil". Avant, "il fallait adapter des plates-formes Ford. Mais actuellement, on décide de ce qu'on fait, sans longues négociations". Li Shufu intervient d'autant peu qu'il est très fier de posséder une telle marque et veut lui donner toute latitude pour contrer les... Allemands. "Les Chinois ne pensent pas qu'ils savent mieux que tout le monde ce qu'il faut faire, contrairement à Ford", s'enorgueillit le PDG. Pas sûr que cela rassure Daimler, le géant allemand si fier de sa réussite et de son indépendance!

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