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Afrin: le jeu de dupes turco-kurdo-syrien

Dans le nord de la Syrie, des forces pro-Assad sont venues aider les YPG kurdes, sous le feu des Turcs et de leurs alliés, les rebelles de l'ALS. Une alliance de circonstance, alors que Moscou et Ankara semblaient ces derniers mois coordonner leurs opérations et celles de leurs alliés?
par Hala Kodmani
publié le 22 février 2018 à 7h32

Pendant qu'il poursuit son carnage dans la Ghouta, le régime de Bachar al-Assad intervient sur un tout autre front, à l'extrémité nord-ouest de la Syrie. Dans la zone d'Afrin, où se déroule depuis un mois une offensive menée par l'armée turque pour déloger de sa frontière les forces kurdes du YPG, la bataille déjà confuse tourne à l'imbroglio. Des unités paramilitaires aux ordres de Damas tentent depuis deux jours de prêter main-forte aux Kurdes face à l'ennemi commun turc dans un jeu d'alliance improbable. Chacun des trois acteurs joue sa partie en justifiant ses positions ambiguës.

Menaçante, la Turquie considère comme une «cible légitime» tout groupe qui viendrait en aide aux Unités de protection du peuple (YPG), a indiqué mercredi la présidence turque. Cette mise en garde survient au lendemain d'une incursion à Afrin d'un convoi de forces pro-régime syrien venues prêter main-forte aux YPG, mais immédiatement repoussées selon Ankara par des tirs d'artillerie turcs. Dans le même temps, le porte-parole d'Erdogan affirmait que «des messages étaient transmis indirectement par Ankara au gouvernement syrien». La possibilité d'un canal russe pour les faire passer a été pratiquement confirmée par Erdogan lui-même. Le président turc avait en effet affirmé qu'il avait obtenu l'accord de Vladimir Poutine pour repousser les milices du régime syrien, allié de Moscou.

«Défense de l’unité territoriale de la Syrie»

Le ton est monté également du côté de Damas, qui a confirmé l'intervention de ses milices dans le nord. «De nouveaux groupes des forces populaires arrivent à Afrin pour soutenir la population qui confrontent les terroristes de Daech et l'agression du régime turc qui se poursuit dans la région», selon un communiqué de l'agence de presse officielle syrienne Sana. Dans un langage qui rappelle étrangement les informations sur la Ghouta, Sana indique par ailleurs que «les forces du régime turc ont intensifié leurs frappes d'artillerie contre des quartiers civils d'Afrin, blessant cinq habitants, dont quatre enfants».

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Premières à annoncer l'accord pour une intervention de forces pro-régime syrien, les YPG kurdes ont indiqué qu'elles allaient «prendre position à la frontière et participer à la défense de l'unité territoriale de la Syrie et de ses frontières». Cette dernière affirmation de la part d'un mouvement qui se bat depuis des années, notamment contre le régime syrien pour l'autonomie des régions kurdes, est une indication supplémentaire sur les positions mouvantes. On ne peut exclure complètement une hypothétique entente ponctuelle entre la Turquie et le régime syrien, puisque tous deux tiennent à ce que le drapeau kurde ne flotte pas à leur frontière commune.

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