Pétition

Affaire Darmanin : des élus du Nord à la rescousse

Une pétition de soutien à Gérald Darmanin, signée par 120 élus du département du Nord, fustige «la chasse à l’homme» dont ferait l’objet le ministre de l’Action et des Comptes publics. Sans faire l’unanimité.
par Alexandre Lenoir, correspondance à Lille
publié le 22 février 2018 à 7h01

«Depuis la mort du général De Gaulle, la presse régionale n'avait jamais traité un sujet de manière aussi obsessionnelle.» Si le président du département du Nord, d'ordinaire très mesuré, exagère, c'est qu'il est très en colère. En colère contre la trop grande couverture médiatique que réserverait depuis une semaine la Voix du Nord au dépôt de plaintes de deux femmes à l'encontre de Gérald Darmanin, l'une pour viol (classée sans suite) et l'autre pour abus de faiblesse. Le divers droite Jean-René Lecerf a donc initié une tribune pour assurer l'ancien maire de Tourcoing du loyalisme de ses troupes nordistes.

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«Nous refusons la chasse à l'homme dont Gérald Darmanin est l'objet», avance la pétition, signée à ce jour par plus de 120 élus du département. Anne-Laure Cattelot, députée nordiste LREM, fait partie de la quarantaine de femmes ayant paraphé le document. Pour elle, les accusations à l'encontre de l'ex-maire de Tourcoing - en déplacement jeudi et vendredi dans la région avec le Premier ministre Edourad Philippe -relèvent «d'une volonté de déstabilisation politique». De la part de qui ? «Il suffit de voir la violence des députés LR traditionnels à l'encontre du ministre lors des questions au gouvernement, pour se persuader que des manigances dignes du Baron Noir ne sont pas impossibles.» Vexés d'avoir vu l'un de leurs meilleurs espoirs passer dans le camp adverse, LR seraient à la manœuvre pour pousser le traître à la démission.

«Une pétition déplacée»

Cette thèse de la cabale politique agace Sandrine Rousseau, ex-vice-présidente écologiste de la région : «DSK, Baupin… c'est systématique, dès qu'une femme se met à parler, on soupçonne un complot.» La présidente de l'association Parler, créée pour soutenir les victimes de violence sexuelle, juge la pétition à contre-courant du mouvement actuel de libération de la parole des femmes : «C'est justement cette crainte d'avoir tout le monde ligué contre soi qui freine le témoignage des victimes.» Pour le sénateur PS du Nord, Patrick Kanner, cette pétition est «déplacée» : «La procédure judiciaire en cours doit se dérouler sans cette pression des élus.» Plus sévère, un conseiller départemental LR s'interroge sur les réelles motivations des élus signataires, «que des amis proches témoignent de leur soutien, je veux bien. Mais qu'un président de département sollicite des élus locaux… susceptibles de bénéficier de ses subsides, c'est choquant.» Des accusations de conflit d'intérêts balayées par Jean-René Lecerf, «je n'ai jamais conditionné les subventions départementales à la couleur politique des élus».

Le soutien des pétitionnaires perdura-t-il si Gérald Darmanin venait à être mis en examen ? «La loi coutumière née de la jurisprudence Balladur s'appliquera et il devra démissionner, mais si le non-respect de la présomption d'innocence l'amène à quitter ses fonctions, ce serait un gâchis énorme» regrette le chef du département. Quant à la Voix du Nord, elle assume, par la voix de son rédacteur en chef Patrick Jankielewicz, son traitement «à charge et à décharge» du cas Darmanin : «Nos lecteurs auraient été surpris que l'on n'enquête pas sur ces accusations, qui rappelons-le ont été révélées par Gérald Darmanin lui-même.» En novembre 1970, le quotidien régional avait consacré 34 pages au général de Gaulle durant les trois jours ayant suivi sa mort. Le ministre des Comptes et de l'Action publique est encore loin du compte.

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