Interview

«L’Unef se bat pour que ces violences sexistes et sexuelles ne puissent plus se produire»

par Laure Bretton
publié le 20 février 2018 à 12h47

Au lendemain de la publication par

Libération

d’

, d’agressions et de harcèlement visant d’anciens responsables de l’Unef, l’actuelle présidente du syndicat étudiant, Lilâ Le Bas, réagit à l’affaire et explique en quoi la donne a changé en interne.

(Photo AFP)

A lire aussi Unef : trois mois d'enquête et une publication reportée

Les révélations de Libération sur une série d’abus sexuels au sein de l’Unef vous surprennent-elles ?

Tout d’abord, je souhaite réitérer tout mon soutien envers les femmes qui ont décidé de prendre la parole et qui dénoncent les violences qu’elles ont subies au sein de l’organisation. Cela fait des années que l’Unef se bat en interne justement pour que ce genre de dérives, de violences sexistes et sexuelles, ne puissent plus se produire. Je ne suis pas étonnée mais je sais que le syndicat a changé. Nous avons coutume de dire que nous ne sommes pas un tribunal populaire, mais nous avons mis en place les outils internes qu’il fallait pour que cela ne se reproduise plus.

Quels sont ces outils ?

Depuis quelques années, les militants de l’Unef ont entamé à travail sur cette question, bien conscients de la gravité des faits. Des femmes, en particulier, se sont battues au sein de l’organisation pour mettre en place des outils pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles. Les réunions non mixtes, que certains décrient, sont un instrument important : elles ont permis que les femmes se rendent compte que ce qu’elles vivaient n’était pas individuel mais collectif et qu’il fallait répondre de manière collective. D’ailleurs les débriefings de ces réunions non mixtes, sont eux mixtes : les femmes ne sont pas seules dans ce combat. Nous avons aussi mis en place un système de personnes de confiance, identifiées dans les sections locales et au niveau national, pour rapporter d’éventuels abus. Nous n’organisons plus un cadre collectif sans revenir sur la question du consentement afin de faire de la prévention. Nous pouvons aussi prononcer des mesures conservatoires.

Cela veut dire quoi exactement ?

On décide d’éloigner une victime déclarée de son agresseur présumé, pour que les femmes puissent avoir un cadre de militantisme serein, que ce soit au niveau local ou national. Nous faisons systématiquement le choix de croire et de protéger la victime. On ne peut pas se substituer à la justice mais ces mesures d’éloignement peuvent être définitives.

A lire aussi Témoignages : «L'Unef, c'est "Koh Lanta" tous les jours»

Ce sont donc des exclusions en bonne et due forme ?

On a écarté des gens du syndicat en exigeant qu’ils ne reviennent pas dans nos cadres collectifs parce que des plaintes pour agressions sexuelles étaient déposées ou des enquêtes en cours.

C’est le syndicat ou la société qui a changé ?

Les lunettes ne sont plus les mêmes c’est vrai. Mais depuis quelques années, l’injonction à protéger l’organisation ne tient plus. Ce sont d’ailleurs tous les outils que nous avons mis en place qui ont permis la libération de la parole que nous connaissons aujourd’hui. Nous avons une conscience aiguë de l’importance qu’il y a, quand on est un syndicat défendant les droits des étudiants et des étudiantes, à mettre en place toutes les protections et toutes les formations nécessaires.

Et contre le sexisme, comment l’Unef agit-elle ?

C’est une priorité de tous les jours, pas un sujet annexe. En interne, nos réunions se déroulent désormais avec des tours de parole paritaires et alternés. Toutes les femmes et les hommes en responsabilité ont des formations sur la parité et l’égalité femmes-hommes : c’est une garantie pour que notre syndicat progresse. En 2014, nous avons adopté une Charte de l’égalité, qui engage to us les adhérents à lutter contre toutes les formes de discriminations. En tant que présidente de l’Unef, je peux témoigner à quel point ces outils sont nécessaires. Nous menons aussi de nombreuses campagnes en externe, contre le sexisme sur les campus, contre les affiches dégradantes pour l’image des femmes utilisées par d’autres organisations étudiantes. Dans les Commissions formation vie universitaire (CFVU), nous bataillons pour qu’une organisation utilisant des images ou des propos sexistes lors d’un événement soit privée d’argent public.

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique

Les plus lus