
Musicien de traverses, Renaud Gagneux, mort à Paris le 24 janvier, à l’âge de 70 ans, était entré en contact avec la musique par le canal radiophonique. Une série d’émissions consacrées à La Flûte enchantée, le dernier opéra de Mozart, fait office d’éveil musical pour l’enfant qui va débuter l’étude du piano, à 5 ans, avec l’assistante de deux immenses concertistes, Alfred Cortot et Yves Nat. Le premier enseigne à l’Ecole normale de musique, qu’il a fondée ; le second, au Conservatoire de Paris. Ces deux établissements se croiseront de façon curieuse dans la formation du jeune homme.
Renaud Gagneux, né le 15 mai 1947 à Paris, entre au Conservatoire en 1958 et y obtient l’année suivante une première médaille de solfège spécialisé, puis il intègre l’Ecole normale de musique, en 1961, pour y travailler le piano jusqu’en 1963, successivement avec Alfred Cortot et Vlado Perlemuter. L’année 1967 est symptomatique de son écartèlement entre les deux institutions. Distingué par un premier prix d’harmonie au Conservatoire, il décroche dans le même temps une première mention de composition à l’Ecole normale où il est entré, en avril, pour étudier avec Henri Dutilleux. Cette approche de la composition sous la houlette d’un maître – semblable à celle effectuée en 1966, à Cologne, avec Karlheinz Stockhausen – n’aura duré que quelques mois.
Une cinquantaine d’œuvres
Elle sera plus longue au Conservatoire où, après avoir obtenu un second prix de contrepoint en 1968, Renaud Gagneux verra ses études de composition (avec Tony Aubin et André Jolivet) sanctionnées, en 1972, par un premier prix. Bien qu’il soit engagé, depuis 1970, dans la vie professionnelle, tant comme professeur de musique dans l’enseignement secondaire que comme « titulaire » du carillon de l’église Saint-Germain-l’Auxerrois, à Paris, Renaud Gagneux poursuit sa formation de compositeur, à partir de janvier 1972, dans la classe d’électro-acoustique dirigée par Pierre Schaeffer au Conservatoire. Sans incidence sur sa production.
Riche d’une cinquantaine d’œuvres, principalement écrites entre le début des années 1980 et la fin des années 1990, le catalogue de Renaud Gagneux ne comporte aucune création en studio. En dehors d’une expérience remarquée à l’opéra (Orphée, 1985) et de quelques solos instrumentaux, la plupart des œuvres mobilisent un effectif orchestral (avec, notamment, une demi-douzaine de concertos dont un, Triptyque, destiné, en 1993, au violoncelliste Mstislav Rostropovitch) ou chambriste.
« Sens de l’effet »
La première orientation est, entre autres, illustrée par une Messe (1980) bien dans la nature de ce musicien qui en vient à zigzaguer entre les expressions comme il l’a fait entre les institutions. Du Pie Jesu de Gabriel Fauré à la sonnerie du carillon de Genève, d’un choral de Bach aux percussions utilisées dans certaines cérémonies japonaises, nombreux sont les emprunts. Le résultat est pourtant personnel, à l’instar d’un Dies iræ construit, à contre-courant de la tradition de l’effroi, sur un balancement onirique pour ne pas dire souriant.
Un compositeur instinctif et habile qui sut, le plus souvent, se garder d’un excès de facilité
Séduit par les qualités poétiques et dramatiques de son jeune élève, Henri Dutilleux avait noté, en 1961, que Renaud Gagneux possédait le « sens de l’effet », ajoutant entre parenthèses, « presque un peu trop ». Cette réserve définit parfaitement la marge de manœuvre d’un compositeur instinctif et habile qui sut, le plus souvent, se garder d’un excès de facilité ainsi qu’en témoignent, par exemple, ses trois quatuors à cordes (1986-87).
Vint ensuite une longue période de silence. Renaud Gagneux disait n’avoir plus foi en la musique et être en attente d’« un choc ». Celui-ci se produisit au Japon. De 2001 à 2017, il ne composa plus que des haïkus (formes très brèves) pour piano ou clavecin. Parallèlement, il se découvrit une passion pour la face cachée de sa ville natale, débouchant sur des publications telles qu’un Atlas du Paris souterrain (Parigramme, 2016).
Voir les contributions
Réutiliser ce contenu