Niall Murphy (Evrythng) "Nous espérons gérer entre 3 et 5 milliards d'ID digitales de produits de grande conso d'ici la fin de l'année"

Le fondateur de la plateforme qui permet aux entreprises de connecter leurs produits au Web dévoile ses ambitions pour 2018 à l'occasion du CES.

JDN. La promesse d'Evrythng est de connecter chaque objet physique au Web. Pouvez-vous nous expliquer comment vous vous y prenez ?

Niall Murphy, fondateur d'Everythng, brandit un sac connecté de chez Rebecca Minkoff. © JDN

Niall Murphy (Evrythng). Nous proposons une plateforme qui permet à ses clients, des entreprises, d'assigner une identité digitale unique à un produit physique connecté à Internet en direct – disons un réfrigérateur connecté - ou via des "smart tags" (QR codes, NFC ou puces RFID) comme dans le cadre d'un vêtement qui embarque un QR code. Cela lui permet de gérer cette identité digitale dans le cloud en analysant et exploitant à son compte toute la data relative à l'objet physique. En d'autres termes, nous offrons aux entreprise la couche de data nécessaire à la réussite d'une stratégie IoT ou smart product.

Quels sont les principaux usages que tirent les entreprises de cette identité digitale ?

Il y en a généralement trois. Il s'agit d'abord de pouvoir tracker un produit tout au long de la supply-chain. Cette traçabilité du produit est, par exemple, clé pour une marque de luxe comme Moët et Chandon qui figure parmi nos clients. Aussi, cela permet à une marque de mieux gérer ses stocks, pour anticiper toute rupture dans une usine ou dans un point de ventes. L'autre application est celle relative aux produits de ce qu'on appelle la "smart home", tout ce qui est relatif à l'internet of things. On peut dans ce cas-là interagir avec le produit, qu'il s'agisse de contrôler une prise pour l'allumer ou interroger un réfrigérateur connecté pour savoir ce qu'il nous reste.

Enfin, nous travaillons avec les principaux acteurs du packaging pour développer des usages direct-to-consumer. L'utilisateur peut interagir avec un produit en flashant le tag embarqué. S'il s'agit d'un produit alimentaire, il peut en savoir plus sur sa provenance ou les ingrédients qui le composent. Dans le textile, c'est l'occasion de créer une relation privilégiée entre la marque et sa communauté comme nous l'avons fait avec la designeuse Rebecca Minkoff dont les sacs embarquent un code spécial qui permet à la cliente d'accéder à des contenus exclusifs et des offres spéciales. Je ne peux pas vous donner de chiffre exact mais les taux d'engagement étaient très bons.

Vous avez récemment noué un partenariat avec Zappart pour ajouter de la réalité augmentée aux interactions…

Oui, le consommateur qui scanne le code d'un soda peut, par exemple, bénéficier d'une animation en réalité augmentée qui est visible sur son smartphone. La réalité augmentée est d'ailleurs un des sujets forts du CES et sans doute un des leviers les plus puissants en termes de création d'engagement.

A contrario la hype "wearables" semble s'être un peu essoufflée… Les spécialistes se font beaucoup plus discrets sur ce CES 2018. Qu'en pensez-vous ?

Je suis d'accord avec vous en ce qui concerne les wearables pensés pour un usage unique. Je pense notamment à tous ces acteurs qui lançaient leur tracker de santé et de fitness il y a quelques années. Ces fonctionnalités se retrouvent aujourd'hui pour la plupart, au sein… de notre montre connectée. Mais je ne pense pas que l'innovation s'essouffle en revanche en ce qui concerne les vêtements au sens plus large et le sujet de l'identité digitale des marques de ce secteur est d'ailleurs de plus en plus visible.

"Côté wearables, le vrai sujet c'est l'utilité de la connectivité pour le fabricant"

Ceci étant dit, je pense que la question de l'utilité pour le consommateur est un sujet. Celle de l'utilité pour la marque en est un autre. Chaque fabricant veut connaître le nombre de produits qu'il vend et leur assigner une ID est le meilleur moyen de le faire. C'est un produit connecté mais il n'y a, dans ce cas précis, pour autant pas de fonctionnalité innovante pour le consommateur. Je pense que les wearables ont bénéficié d'une hype bien trop importante qui confinait parfois un peu au gadget utilisateur. Ce sac à main Rebecca Minkoff reste, avec son tag sur une étiquette, un wearable….

Quel est le business model associé à votre plateforme de gestion des ID digitales dans le cloud ?

Nous avons un modèle BtoB et facturons l'entreprise via une commission sur chaque ID digitale que nous manageons. Nous gérons près de 700 millions d'ID dans le monde. Chaque ID appartient à l'entreprise et à elle seule, nous n'y touchons pas pour notre propre compte. Si une marque devait arrêter de travailler avec nous, elle garderait d'ailleurs la paternité de toutes les ID collectées en travaillant avec nous.

Vous avez levé 25 millions de dollars en mars 2017. A quand la rentabilité ?

Nous ne sommes pas encore rentables mais espérons l'être d'ici la fin de l'année. Nous ne cessons de croître et pouvons déjà nous appuyer sur une équipe de 55 collaborateurs. L'enjeu cette année sera celui de la croissance du nombre de produits de grande consommation qui bénéficient d'une ID digitale. L'arrivée de la fonctionnalité de scan sur les smartphone iOS et Android a été une première étape. La création d'un standard du code associé à un produit sera la seconde. Nous travaillons étroitement avec les principaux acteurs du packaging pour arriver à en créer un qui serait assigné dès la création du produit (et non pas après comme c'est le cas actuellement) et qui s'impose à grande échelle. C'est le seul moyen de doper le nombre d'ID digitales de produits de grande consommation (nourriture, boisson, vêtements) dans le monde. Nous espérons gérer entre 3 et 5 milliards d'ID digitales d'ici la fin de l'année.