Promoteur du renouveau du Guardian dans les années 1980 et infatigable défenseur de la presse papier, Peter Preston, rédacteur en chef du quotidien de centre gauche entre 1975 et 1995, est mort, samedi 6 janvier, à l’âge de 79 ans. Ses proches tendaient à relier son énergie, sa pugnacité et son caractère taciturne au drame de son enfance : la polio dont son père était mort, lorsqu’il avait 10 ans, et que lui-même avait alors contractée et qui l’avait obligé à vivre pendant des mois dans un poumon d’acier.
Né le 23 mai 1938, Peter Preston s’est passionné pour l’écriture dès sa jeunesse. Il collabora puis dirigea Cherwell, le journal des étudiants d’Oxford, ville où il fit des études d’anglais. Il entra comme journaliste au Guardian en 1963, l’année précédant le déménagement à Londres du quotidien jusque-là basé à Manchester. Spécialiste des questions d’éducation puis reporter à l’étranger, Peter Preston se fit remarquer en donnant un ton irrévérencieux et drôle à la « Lettre de Londres », une chronique faite d’échos et de commentaires rebaptisée « Miscellany » (« mélanges »).
Un journal alors peu attrayant
Il a tout juste 30 ans lorsque sa rigueur, son exigence journalistique et sa force de caractère le propulsent au poste de rédacteur en chef. Le Guardian traverse alors une mauvaise passe. Déficitaire, le journal est contraint d’augmenter de 50 % son prix et son tirage chute de 306 000 exemplaires en 1976 à 260 000 l’année suivante (157 000 aujourd’hui). Le jeune et enthousiaste chef de la rédaction transforme rapidement un journal austère, peu attrayant et qui perd de l’argent, en fleuron de la presse britannique moderne. Il multiplie les pages spécialisées sur l’éducation, les questions de société et les médias, qui attirent la publicité et les offres d’emploi.
Le journal dirigé par Peter Preston innove à la fois graphiquement (…) et rédactionnellement
Au milieu des années 1980, le Guardian tire à 500 000 exemplaires et résiste au tremblement de terre que constitue en 1986 le lancement de The Independent par trois anciens journalistes du Telegraph. Le journal dirigé par Peter Preston innove à la fois graphiquement, en adoptant en 1988 une maquette innovante largement ouverte à la photographie, et rédactionnellement, en publiant un supplément quotidien de format tabloïd, inattendu et décalé, baptisé « G2 ». Il préside à l’acquisition controversée par le Groupe Guardian de The Observer, journal du dimanche qui devient l’édition du septième jour du quotidien. Bien que lui-même proche de la gauche, le rédacteur en chef n’est pas tendre pour le Parti travailliste et laisse rarement filtrer ses convictions personnelles. Il veille à ce que son journal ne fasse pas la leçon à ses lecteurs et à entretenir un dialogue constant avec eux.
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