Décès du sculpteur Yves Trudeau

Yves Trudeau en 2011 devant son célèbre Vivace du Centre d’arts Orford, aujourd’hui Orford Musique.

Le sculpteur Yves Trudeau, à qui l’on doit plusieurs importantes sculptures au Québec et en Estrie — dont le célèbre Vivace qui a longtemps été le symbole du Centre d’arts Orford — s’est éteint lundi à Montréal à l’âge de 87 ans. Né dans la métropole en 1930, mais ayant un pied-à-terre dans les Cantons-de-l’Est depuis de nombreuses années, il comptait plus de 55 ans de carrière.


« Il a été emporté par une crise cardiaque tôt lundi matin. Son fils François lui avait parlé deux heures auparavant », rapporte Cécile Gélinas, directrice du MBA de Sherbrooke.

« Yves Trudeau a largement contribué à accroître le rayonnement de la sculpture au Québec et au Canada, par ses réalisations exceptionnelles, ses intégrations à l’architecture du Québec ainsi que son grand engagement dans le domaine artistique et social », poursuit-elle.

Le défunt artiste a notamment été président fondateur de l’Association des sculpteurs du Québec. « Sous son règne, l’Association des sculpteurs du Québec a connu un essor considérable. Yves Trudeau s’est employé à défendre les droits des artistes, à rédiger des mémoires pour une politique de diffusion qui a permis aux sculpteurs québécois de présenter leurs œuvres non seulement dans la province, mais également sur la scène internationale. Pour le Musée des beaux-arts de Sherbrooke, Yves Trudeau était un allié respecté de tous, un mentor pour plusieurs, même un éducateur », déclare Cécile Gélinas.

Le Musée des beaux-arts de Sherbrooke lui avait d’ailleurs consacré sa toute première rétrospective, en 2008. À l’époque, son corpus d’œuvres comptait plus de 400 sculptures.

Le Centre d’arts Orford, aujourd’hui Orford Musique, a fait de même en 2011 pour le 60e anniversaire du site.

Lire avec les doigts

« Mon épouse est la sœur de Gilles Lefebvre, le fondateur du Centre d’arts, racontait Yves Trudeau en 2008. J’ai aidé Gilles à installer le premier camp musical d’Orford et je profitais des week-ends pour venir courtiser ma belle! Par la suite, nous avons eu notre chalet d’été, que nous avons converti en maison. J’ai été bien accueilli par cette région et j’ai été enclin, par la suite, à le lui rendre. »

Parmi les autres grandes réalisations d’Yves Trudeau, notons Phare du cosmos, qui fut le repère de Terre des Hommes pendant l’Expo 67 et trône toujours au parc Jean-Drapeau, Place de la découverte à Gaspé et Monument à Alphonse Desjardins, réalisée en 1975 et installée au Complexe Desjardins à Montréal, avant d’être déménagée au parc Catchpaw d’Orford en 2004.

En Estrie, on lui doit notamment Famille, installée sur la façade de la Faculté d’éducation de l’Université de Sherbrooke, Vie intérieure, sise devant le centre Notre-Dame-de-l’Enfant de Sherbrooke, Mur fermé et ouvert no 16, dans la bibliothèque de Coaticook et Relief, installée au rez-de-chaussée de l’hôpital de Fleurimont.

« J’ai essayé la peinture, mais je crois que l’on naît sculpteur. Aux beaux-arts, on ne m’a pas enseigné à modeler : je le savais d’instinct. Ce que j’ai appris, c’est à regarder avec mes yeux et à lire avec le bout de mes doigts », déclarait-il également en 2008.

Son œuvre la plus connue

Dans une autre entrevue accordée à La Tribune, cette fois en 2001 pour les 50 ans du Centre d’arts Orford, Yves Trudeau racontait que Vivace, la première de la collection permanente du CAO, lui avait été inspirée par une de ses précédentes œuvres, Le violoncelliste, avec laquelle il avait remporté un concours en 1955.

« Cette œuvre s’inspirait d’un concert du violoncelliste Paul Tortelier, qui avait joué avec une telle fougue, une telle passion, une telle générosité! Il faisait corps avec son instrument. J’ai réalisé Le violoncelliste tout de go en rentrant de ce concert », relatait l’artiste d’alors 71 ans.

Vivace est l’évolution de cette idée de l’instrument et du musicien se confondant l’un et l’autre. « Pendant la réalisation, il n’y avait pas de musique dans mon atelier. Mais j’avais le Double Concerto de Bach dans la tête, particulièrement l’attaque des deux violonistes, un mouvement vif. D’où le nom. C’est probablement mon œuvre la plus connue. Aujourd’hui, je ne fais plus ce genre de sculpture depuis longtemps. Je ne désavoue pas Vivace. J’en suis encore fier. Mais elle marque une période très définie où mon œuvre était figurative. »

Yves Trudeau était professeur retraité de l’UQAM, membre de l’Académie royale des arts du Canada et membre de l’Ordre du Canada.