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Tribune

Opinion | Glyphosate et agriculture durable ne sont pas antinomiques

LE CERCLE/POINT DE VUE - Nicolas Jaquet, agriculteur dans les Landes, estime que l'usage raisonné de l'herbicide glyphosate est tout à fait compatible avec une agriculture respectueuse de l'environnement.

Opinion | Glyphosate et agriculture durable ne sont pas antinomiques

Par Nicolas Jaquet (agriculteur dans les Landes)

Publié le 24 nov. 2017 à 10:15

«Usage abusif des pesticides», «agriculture intensive aux antipodes de l’écologie», «irresponsabilité des agriculteurs», depuis presque un an ma profession et moi-même subissons la rudesse d’un discours politique et médiatique qui nous stigmatise sous le prétexte du renouvellement du glyphosate.

Pourtant, au cours du dernier quinquennat, le gouvernement précédent s’était efforcé de mettre en place un système responsable : l’agroécologie. Au cœur d’un modèle durable, il prône l’usage raisonné et raisonnable des herbicides non sélectifs tels que le glyphosate.

Mettre en avant les synergies

Aujourd’hui ce modèle est remis en cause par une horde d’opposants qui ne prennent pas en compte les réalités techniques et le bon sens paysan. Les modèles sont opposés et un outil utile à l’agriculture est en passe d’être retiré alors même qu’il ne représente pas de danger pour l’homme et l’environnement, selon les agences compétentes.

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Plutôt que de stigmatiser les modèles, les opposer, mettons en avant les synergies ! Je suis agriculteur dans les Landes. Depuis 20 ans, je produis à la fois des cultures biologiques et des cultures conventionnelles, et je veux donc porter la parole des agriculteurs qui, contrairement à ce que l’on peut laisser entendre, ne sacrifient pas la santé au profit du rendement…

En tant qu’experts, nous utilisons les solutions qui protègent les plantes et à fortiori nos cultures, et nous mettons tout en œuvre pour répondre aux besoins des consommateurs – qualitatifs, quantitatifs et sanitaires.

Produire bio et conventionnel

Des activistes de la bio veulent la suppression du glyphosate alors que des conventionnels ne peuvent pas faire perdurer leur modèle sans ? Cessons cette dualité. Depuis 20 ans, la coexistence de ces modèles sur mon exploitation m’a permis de mettre en place des complémentarités.

Producteur de grandes cultures, de maraîchages et de plantes médicinales, j’ai été amené au cours des 20 dernières années à convertir 60 % de mon exploitation à l’agriculture biologique pour répondre à la demande de mes clients, notamment les laboratoires pharmaceutiques pour les plantes médicinales. Cette transformation m’a permis de raisonner et rationaliser mon modèle de production en adaptant certaines techniques du bio à mes cultures conventionnelles – telles que le binage.

Lire aussi :«Moi, Vincent, agriculteur et utilisateur de glyphosate»

Néanmoins, aujourd’hui encore, le glyphosate s’avère utile et nécessaire pour certaines de mes cultures. En effet, si une partie de mes plantes médicinales sont cultivées sous le modèle biologique, certaines de ces plantes ont la caractéristique d’être particulièrement chétives et de croitre avec difficultés. Ainsi, ces plantes ne font pas le poids face aux adventices (mauvaises herbes).

Peu cultivées, ces variétés de cultures sont dites orphelines et peu de produits sont homologués pour pouvoir les protéger. Seul le glyphosate s’avère utile et efficace pour préserver ces plantes médicinales de la concurrence des mauvaises herbes. Non sélectif, cet herbicide est non seulement d’une grande efficacité, mais il est aussi l’un des seuls qui ne laisse pas de résidus dans la récolte. Cela a été prouvé par les nombreuses analyses que j’effectue sur mes récoltes de plantes médicinales, en accord avec nos clients.

Cette absence de résidus est due à la nature même du glyphosate (lire aussi : En Californie, le taux de glyphosate dans l'organisme a doublé en vingt ans). Etant non sélectif, cet herbicide ne peut pas être appliqué sur les cultures, il les détruirait car cette molécule ne fait pas la différence entre une plante dédiée à la culture et une adventice.

Avec des cultures dont les semences sont longues à germer, le glyphosate permet de détruire toutes les mauvaises herbes déjà présentes la veille de la levée des plantules. La culture démarre donc dans de bonnes conditions, sur un sol propre et nous craignons moins la concurrence des mauvaises herbes qui poussent plus vite que nos cultures.

Ainsi pour la majorité des agriculteurs, le glyphosate est un outil utilisé avec parcimonie et entre deux cultures, loin de l’image de «grosse cavalerie» qui peut parfois être relayée dans un débat irrationnel. Supprimer cette molécule entrainerait un «salissement» de nos cultures donc une augmentation des traitements à base d’herbicides plus ou moins sélectifs, plus toxiques et qui laissent des résidus dans nos cultures.

Coup dur économique

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Notre ferme est un peu un laboratoire technique et économique où coexistent des cultures bio et conventionnelles. Nous avons l’habitude de faire des désherbages manuels, même en conventionnel. C’est un travail fastidieux réalisé par des saisonniers.

En conventionnel, grâce à un passage de glyphosate nous limitons le désherbage manuel à environ 1.000 euros par hectare. En bio, nous en sommes entre 3.000 et 5.000 euros par hectare de désherbage manuel ! Tous les agriculteurs n’ont pas les moyens de pouvoir opérer ces transformations…

De plus, si demain le glyphosate était supprimé, cela nous causerait de véritables problèmes de compétitivité. La molécule est en effet autorisée dans des pays tels que le Brésil ou l’Inde qui sont nos concurrents.

Et même si ces pays venaient à interdire cette substance, le désherbage manuel leur coûtera environ dix fois moins cher du fait d’une main d’œuvre au prix très faible dans ces régions. Ainsi, nous arriverons à des situations inéquitables qui impacteront négativement l’agriculture française, fleuron de notre économie nationale.

Nicolas Jaquet est agriculteur dans les Landes

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