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Bail commercial : point de départ de l’action en requalification

Le point de départ de la prescription biennale applicable à la demande tendant à la requalification d’une convention en bail commercial court à compter de la date de la conclusion du contrat, peu important que celui-ci ait été renouvelé par avenants successifs.

par Yves Rouquetle 25 septembre 2017

Par la décision de censure rapportée, la Cour de cassation réaffirme que la prescription de l’action en requalification d’une convention en bail commercial court à compter de la date de la conclusion du contrat.

Il s’agit en effet d’une confirmation, le juge du droit ayant déjà eu l’occasion de préciser que la demande qui tend à la reconnaissance du statut des baux commerciaux est soumise à la prescription biennale de l’article L. 145-60 du code de commerce et que le délai de prescription court à compter de la conclusion du contrat (Civ. 3e, 23 nov. 2011, n° 10-24.163, D. 2011. 2991, obs. Y. Rouquet ; ibid. 2012. 1844, obs. M.-P. Dumont-Lefrand ; AJDI 2012. 266 , obs. J. Monéger ; ibid. 345 , obs. M.-P. Dumont-Lefrand ; RTD com. 2012. 297, obs. F. Kendérian ), peu important qu’il ait été tacitement reconduit (Com. 11 juin 2013, n° 12-16.103, Dalloz actualité, 24 juin 2013, obs. Y. Rouquet ; AJDI 2014. 32 , obs. J.-P. Blatter ; RTD com. 2013. 467, obs. F. Kendérian , rendu à propos d’une action en requalification d’un contrat de location-gérance) ou qu’il ait été renouvelé par avenants successifs (Civ. 3e, 3 déc. 2015, n° 14-19.146, Dalloz actualité, 11 déc. 2015, obs. Y. Rouquet ; ibid. 2016. 1613, obs. M.-P. Dumont-Lefrand ; RTD civ. 2016. 364, obs. H. Barbier ; RTD com. 2016. 47, obs. F. Kendérian ; comp. toutefois, retenant que la fraude du bailleur a suspendu la prescription biennale pendant la durée du contrat, Civ. 3e, 19 nov. 2015, n° 14-13.882, D. 2016. 1613, obs. M.-P. Dumont-Lefrand ; RTD com. 2016. 47, obs. F. Kendérian ).

Au cas particulier, un bail portant sur un terrain à usage de parking contigu à un hôtel avait été conclu en 1989 pour une durée d’un an renouvelable par tacite reconduction entre le propriétaire et le commerçant exploitant (le bail portant sur les locaux hôteliers avait, quant à lui, été signé en 1946 avec un autre bailleur).

Lorsque, en 2002, le bailleur a voulu mettre fin à la convention en lui délivrant congé, le locataire l’a assigné en nullité de l’acte, délivré sans respecter le formalisme imposé par le statut des baux commerciaux.

Pour déclarer l’action recevable, la cour d’appel (Aix-en-Provence, 5 juill. 2016) commence par rappeler que, sous réserve, pour le preneur, de réunir les conditions de l’article L. 145-1 du code de commerce, le bail de 1989 était susceptible de relever du statut des baux commerciaux, dès lors qu’il s’est poursuivi pendant plus de vingt-trois ans à usage de parking réservé aux clients de l’hôtel, au vu et au su du bailleur (condition nécessaire en cas de pluralité des bailleurs, ainsi que cela ressort de l’art. L. 145-1-I, 1°, C. com., in fine).

Quant à l’argument de la prescription de l’action invoqué par le bailleur, il est mis à mal par le juge aixois, pour lequel l’action en nullité du congé ne pouvait être engagée par la société locataire qu’à partir de la date à laquelle lui avait été dénié le droit au bénéfice du statut des baux commerciaux.

C’est au visa de l’article L. 145-60 du code de commerce que la haute juridiction casse la décision : le point de départ de la prescription biennale applicable à la demande tendant à la requalification d’une convention en bail commercial court à compter de la date de la conclusion du contrat, peu important que celui-ci ait été renouvelé par avenants successifs.

Si sévère soit-elle, il semble que cette solution soit la seule acceptable, sauf à rendre l’action en requalification imprescriptible (v. J.-P. Blatter, ses obs. préc. ss. Com. 11 juin 2013).

Sauf peut-être à relever, avec certains auteurs (not. F. Planckeel, AJDI 2015. 11 , spéc. 14 ; C. Mutelet, J. Prigent et M.-L. Rodriguez, Rev. Loyers 2014. 949), qu’en soumettant les clauses statutaires d’ordre public au régime du réputé non écrit, la loi « Pinel » du 18 juin 2014 n’enferme précisément désormais plus l’action en requalification dans aucune limite temporelle (contra M.-P. Dumont, ses obs. préc. ss. Civ. 3e, 3 déc. 2015, qui estime qu’« il n’y a aucune raison que [la] solution soit modifiée à l’avenir, les récentes lois Pinel et Macron n’ayant pas modifié le champ d’application de l’article L. 145-60 du code de commerce »).