Disparition

Mort de Fadwa Suleiman, icône de la révolution syrienne

Exilée en France, la comédienne s'est éteinte à Paris des suites d'un cancer.
par Alexandra Schwartzbrod
publié le 17 août 2017 à 18h04

Debout dans la foule manifestant à Homs contre Bachar al Assad, bravant les armes et les hommes de main du tyran de Damas, c'est l'image que le monde gardera de la comédienne syrienne Fadwa Suleiman, dont on a appris jeudi la mort à Paris des suites d'un cancer. Elle avait 45 ans. Devenue très vite une icône de la révolution syrienne, dans laquelle elle s'était engagée corps et âme dès les premiers jours, elle avait dû fuir la Syrie un an après le début du soulèvement pour des raisons de sécurité et s'était réfugiée en France où elle continuait, comme elle le pouvait, à combattre le régime syrien. «Le monde entier a laissé les mains libres à Bachar al-Assad, pas seulement la Russie et la Chine, il a poussé le peuple syrien à prendre les armes, exactement ce que voulait Assad, et voilà où nous en sommes… », nous avait-elle confié en juillet 2012, peu de temps après son arrivée en France. A la tribune d'une conférence organisée à l'université d'Avignon, dont elle était l'invitée, elle avait harangué ce jour-là les chefs d'Etat d'une voix vibrante : «Messieurs les leaders du monde, bougez-vous un peu pour que le fou qui nous tient dans sa toile s'arrête ! Après seulement, vous aurez la solution !». Cette supplique apparaît poignante aujourd'hui quand on sait tous les renoncements qui ont suivi, notamment celui de Barack Obama en 2013, après que Bachar al-Assad a utilisé l'arme chimique contre sa propre population.

A lire, ce portrait réalisé en 2011  Pasionaria de Homs

Fadwa Suleiman avait une beauté sombre à la Anna Magnani ou à la Ronit Elkabetz, elle brûlait de l'intérieur d'une rage illimitée contre «les dirigeants du monde entier» qui avaient «oublié les valeurs humaines et fait passer l'intérêt de leur Etat avant la vie du peuple syrien.» Elle n'aimait pas qu'on souligne qu'elle était de même confession que Bachar al-Assad, même s'il ne lui déplaisait pas d'avoir amélioré l'image désastreuse des Alaouites au sein de la population. Pour elle, le peuple syrien «valait bien mieux que d'être réduit à des sunnites et des Alaouites.» Alors qu'elle jouait des rôles glamour et sophistiqués dans des films ou des séries à succès avant la révolution, elle s'était transformée dès les premiers jours de combat, coupant ras ses cheveux, ce qui lui donnait l'allure d'une pasionaria, et consacrant son immense énergie à la seule mission de convaincre encore et encore les Occidentaux d'intervenir dans son pays pour mettre fin aux exactions du régime et sauver ce qui restait de son peuple. Elle s'est éteinte, c'est doublement cruel, avant d'avoir vu tomber Bachar al-Assad.

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