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Optimisation fiscale : la France fait appel contre Google… mais lui propose de négocier

Après avoir échoué en première instance à infliger un redressement fiscal à l'entreprise, le ministre de l'Action et des Comptes publics annonce que le gouvernement fera appel, tout en se disant prêt à conclure un accord avec la multinationale.
par Anthony Cortes
publié le 25 juillet 2017 à 17h12

Ferme, mais pas trop. Ce mardi, Gérald Darmanin, ministre des Comptes publics, a annoncé au journal les Echos la volonté du gouvernement de faire appel des jugements du tribunal administratif du 12 juillet. Alors que l'Etat voulait infliger à Google un redressement fiscal d'1,15 milliard d'euros, les magistrats avaient annulé cette sanction donnant raison au géant américain qui affirmait qu'il n'avait pas à déclarer ses bénéfices en France puisqu'il vendait de la publicité sur le marché français via sa filiale irlandaise Google Ireland Limited (GIL). Une défaite cinglante infligée par l'ingéniosité des montages financiers du groupe californien. Faire appel, «c'est important pour nos finances publiques, mais c'est aussi une question de principe», rappelle le ministre.

Pourtant, dans le même entretien, Darmanin n'écarte pas la possibilité d'un arrangement à l'amiable avec celui qu'il traque dans le même temps pour son optimisation fiscale. «Nous ne sommes pas hostiles au principe d'un accord transactionnel, qui est une possibilité offerte par notre droit fiscal», a-t-il expliqué, ajoutant : «Il vaut mieux un bon accord qu'un mauvais procès.» Contradiction ?

«On se montre faible pour quelques millions»

«C'est surtout un effet de communication», analyse Eric Vernier, chercheur à l'Institut de relations internationales (Iris) et auteur de Fraude fiscale et paradis fiscaux : décrypter les pratiques pour mieux les combattre. «On montre les bras, mais en réalité, dans l'ombre, on les baisse, ajoute-il. Si le gouvernement arrive à ramener quelques millions dans les caisses, il pourra s'en vanter comme d'une victoire alors qu'en réalité, Google paiera moins que ce qu'il doit. On devrait persévérer, il faut qu'une jurisprudence se crée.»

Si le gouvernement veut s'économiser une défaite juridique face à un géant de l'optimisation fiscale, surtout en début de mandat, le signal envoyé par ce fléchissement pourrait être néfaste à long terme. «Le message, il est clair, c'est "Gafa, vous pouvez éviter l'impôt !" tonne Eric Bocquet, sénateur communiste du Nord. Plutôt que de se battre contre les pratiques des fraudeurs et d'avancer vers une uniformisation fiscale au niveau européen, on se montre faible pour quelques millions, au prétexte que nous aurons négocié pendant des années.»

Courtoise invitation

Qu'un Etat puisse courber l'échine devant une entreprise peut paraître étonnant. Mais pour Eric Vernier, dans ce cas-là, le rapport de force est largement en faveur de la seconde. «Google a des moyens illimités pour endurer de longs et coûteux procès, ils ont les meilleurs juristes et fiscalistes, regrette-t-il. Et en face, il y a des Etats en proie à des difficultés financières qui ne peuvent se permettre une telle bataille.» Alors autant agiter le drapeau blanc et accepter quelques centaines de milliers d'euros.

Encore faut-il que Google accepte de prendre part aux négociations. Contactée, la firme n'a souhaité faire «aucun commentaire» sur la courtoise invitation du ministre des Comptes publics.

Tourner la page

Pour autant, si un accord se concluait entre l’Etat français et Google, il ne constituerait pas le premier du genre en Europe, loin de là. Il y a quelques mois, le groupe avait accepté de signer un chèque de 306 millions d’euros à l’Etat italien, après deux ans de négociations. En échange, les autorités acceptaient de tourner la page sur les irrégularités concernant l’impôt sur les bénéfices relevées sur les exercices 2009 à 2013.

Même chose au Royaume-Uni, un an auparavant. Google acceptait alors, après six ans de pourparlers cette fois, de régler 130 millions de livres (145 millions d’euros) d’arriérés d’impôt sur les sociétés pour la période 2002-2015. S’en sortant toujours sans aucune sanction, et signant des chèques bien loin du manque à gagner réel pour les puissances publiques, au grand désarroi de l’opinion publique et des élus des différentes chambres. Décidément, dans ce sport et qu’importe le lieu, à la fin, c’est toujours Google qui gagne.

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