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Campement de la Porte de la Chapelle : que sont devenus les migrants évacués?

Deux semaines après l'évacuation du campement situé aux abords du centre de premier accueil de la porte de la Chapelle, la préfecture d’Île-de-France dresse un premier bilan de cette opération de mise à l'abri, qui a permis d'héberger temporairement 2 771 migrants dans 23 gymnases et centres franciliens.
par Rozenn Morgat
publié le 21 juillet 2017 à 9h13

Deux semaines après l'évacuation du campement situé aux abords du centre de premier accueil (CPA) de la porte de la Chapelle, dans lequel plus d'un millier de migrants vivaient dans des conditions insalubres, la préfecture d'Ile-de-France dresse un premier bilan des suites de cette «mise à l'abri». Au total, 2 771 hommes ont été reconduits dans 23 gymnases et centres d'hébergements franciliens. Les personnes vulnérables (femmes, mineurs isolés) ont, elles, été placés dès l'évacuation dans des structures d'accueil spécialisées. Depuis que cette répartition est effectuée, les migrants bénéficient d'un suivi médical et social ainsi que d'un examen de leurs démarches administratives. Cette mise à l'abri était «l'étape la plus importante», explique Bruno André, le directeur de cabinet du préfet d'Ile-de-France Michel Cadot, car elle permet d'établir «un véritable suivi avec les demandeurs, dans un lieu fixe». Sur le plan sanitaire, le directeur de cabinet du préfet juge la situation «rassurante» puisque les personnes nécessitant des soins restent «très marginales», et que «seule une dizaine» d'entre elles ont été conduites vers des structures médicales.

Parmi les 2 771 migrants, 335 ont déjà bénéficié de ce triple examen. 265 ont été envoyés dans des centres d'accueil et d'orientation (CAO) en France et 70 vers des centres d'hébergements d'urgence (CHU). A ce jour, 1 850 personnes résident encore dans les structures d'accueil franciliennes, dont le temps de mise à disposition n'a pas été fixé. «Tant qu'il restera des migrants sans solution, nous continuerons de les héberger dans ces gymnases, l'important, c'est qu'ils puissent aller au bout de leurs démarches» explique encore Bruno André, qui admet que ce dispositif d'accueil n'est pas «idéal» et qu'il restera effectif sur un «temps court». Dans le meilleur des cas, l'objectif de la préfecture est «d'avoir réorienté toutes ces personnes d'ici quatre à cinq semaines».

A ce stade de la mise à l'abri, les proportions des différents statuts de migrants restent «difficiles à déterminer», selon la préfecture : «Nous nous basons essentiellement sur les déclarations des personnes» explique Bruno André, qui juge la part des «dublinés», les personnes ayant déposé une première demande d'asile dans un autre pays européen, relativement importante : «Rien que dans le centre de premier accueil, on sait que 70% des demandeurs ont déjà effectué une première demande d'asile» dans un autre pays.

Tout n'est pas simple pour autant. La préfecture d'Ile-de-France estime que 560 migrants ont déjà quitté les gymnases ou centres d'hébergements franciliens, parfois «dès le lendemain, ou le surlendemain de l'évacuation» du campement précise encore Bruno André. Pourquoi un tel contournement des dispositifs d'urgences ? Pour le directeur de cabinet, les réponses sont variées : certains souhaitent vivre «dans des lieux très précis à Paris», et refusent d'être reconduits vers des CAO éloignés de la capitale. D'autres ont pour but «de gagner l'Angleterre». Aurélie Marzorati, directrice adjointe de l'association Emmaüs-Solidarité, estime que ces migrants quittent souvent les lieux mis à disposition pour regagner les abords du centre de premier accueil, «pas forcément pour l'intégrer, mais plutôt pour des raisons de sociabilité». Car depuis la création du centre en novembre dernier, la porte de la Chapelle est devenue un endroit «clé de rencontres et de contacts» pour les personnes primo-arrivantes.

En parallèle, les abords du centre humanitaire sont de nouveaux investis, à raison d'une centaine de primo-arrivants par jour. Des lieux plus fréquentés dans la journée qu'en soirée: les associations dénombrent 200 migrants au maximum dormant sur place. Pour éviter la création d'un énième campement, le CPA a mis en place à un nouveau système de pré-accueil, qui vise à fluidifier la prise en charge des migrants dans la rue. Positionnées à l'entrée du centre humanitaire, trois tentes bleues accueillent chaque jour les migrants pour un café, un point sur leurs démarches, et une prise de rendez-vous. «Grâce à ce système, les demandeurs d'asile ont la garantie que leurs démarches seront suivies d'effets» explique Aurélie Marzorati.

Jusqu'à présent, les admissions dans le centre humanitaire se faisaient via la file d'attente, qui était devenu le lieu d'échauffourées entre migrants et forces de police, et où régnait «la loi du plus fort» selon Bruno André. «Avec ce dispositif de pré-accueil, nous essayons de garantir l'équité» ajoute le directeur de cabinet, qui a pour l'instant des retours «très positifs» des associations sur le terrain. A titre d'exemple, le nouveau système de pré-accueil a permis de prendre 40 rendez-vous par jour la semaine dernière. En parallèle, le fonctionnement global du centre humanitaire s'est lui aussi amélioré. Selon la préfecture, depuis le 10 juillet, 532 personnes ont intégré le CPA et 436 ont été orientées vers des «solutions adaptées d'hébergement».

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