Un vent de gratitude infinie, un souffle de respect unanime ont balayé le pays, depuis l'annonce de la mort de Simone Veil le 30 juin jusqu'à la cérémonie aux Invalides. C'est avec des brassées de fleurs que la rédaction de ELLE lui dédie ce numéro en forme de modeste hommage. Sa disparition laisse les femmes orphelines. Être fidèle à son héritage féministe, c'est le garder vivant, le plus vivant possible. Parce que son exemple, sa droiture et ses combats menés si dignement obligent toutes les générations qui suivent. Parce que l'IVG qu'elle a fait légaliser en 1975 est un droit remis en cause, des États-Unis à la Hongrie en passant par la Pologne ou l'Italie. Parce qu'il faut redire avec elle que l'avortement est un acte parfois difficile et un droit partout indispensable. Parce qu'il reste tant à faire pour l'égalité.

« La barre est haute. Il s'agit de lui emprunter son courage, sa pugnacité, sa générosité et sa liberté de pensée. »

Mais rester fidèle à Simone Veil est une tâche exigeante. La barre est haute. Il s'agit de lui emprunter son courage, sa pugnacité, sa générosité et sa liberté de pensée. Elle en a fait grincer, des dents, refusant les prévenances parfois hypocrites de ce qui ne s'appelait pas encore le politiquement correct ! Rendre vivant son héritage en 2017, c'est agir pour que toutes les femmes du monde, quelles que soient leur classe sociale, leur couleur de peau ou leur religion, obtiennent les mêmes droits : la liberté ne peut être relativisée. C'est aussi refuser les extrêmes politiques : ni les écueils des communautarismes d'une certaine gauche, ni les tentations réactionnaires d'une certaine droite. Un féminisme alerte et de bon sens, refusant de croire que tout ce qui change dans la société est forcément un scandale, et que tout ce qui est nouveau forcément un progrès.

Simone Veil n'était pas fâchée contre les hommes, et revendiquait complicité et tendresse avec les femmes : c'est le chemin. Elle refusait mordicus de les voir considérées comme des éternelles enfants, s'agaçait qu'on les désigne en victimes systématiques : c'est la seule voie possible. Rendre vivant l'héritage de Simone Veil c'est, comme elle, refuser la résignation, partout et toujours : aucune injustice, aucun conformisme idéologique, aucun repli identitaire, aucune paresse de la pensée. Nous y veillerons.

Cet article a été publié dans le magazine ELLE du 7 juillet 2017.  Abonnez-vous ici.