Décryptage

Le Venezuela sous le choc après l'attaque du Parlement

Aucune voie de dialogue ne semble ouverte au lendemain de l'irruption de partisans du gouvernement armés à la Chambre des députés, où l'opposition est majoritaire.
par François-Xavier Gomez
publié le 6 juillet 2017 à 20h18

Le président de la République Nicolas Maduro a condamné «ces faits étranges», et le ministre de l'Intérieur, le général Vladimir Padrino López, les a jugés «inacceptables». Pourtant, huit heures durant hier, une centaine de sympathisants du gouvernement socialiste a occupé par la force le Parlement, à Caracas, où l'opposition est majoritaire. Le bilan est de 12 blessés, dont 5 députés. Les images des élus frappés à la tête et saignant abondamment ont commotionné le pays. C'est un des épisodes les plus graves de l'interminable crise vénézuélienne, qui a fait quelque 90 morts depuis que les opposants, le 1er avril, ont lancé une campagne de manifestations pour forcer au départ le président en place.

Que s’est-il passé mercredi à la Chambre des députés ?

Peu avant midi, plusieurs dizaines de personnes, certaines cagoulées et armées de bâtons, sont entrées dans le bâtiment ou les députés participaient à une séance spéciale, le jour de la fête nationale (206anniversaire de la Déclaration d'indépendance). Les forces de l'ordre qui gardent le site, où des incidents s'étaient déjà déroulés la semaine dernière, sont restées passives. En faisant exploser des pétards et des grenades assourdissantes, la troupe a provoqué la panique dans le bâtiment. Les assaillants sont tombés à bras raccourcis sur toutes les personnes qui se trouvaient sur leur chemin, les dévalisant à l'occasion. Cinq députés ont été blessés ainsi que sept membres du personnel de l'Assemblée. Des images et des vidéos en témoignent : les photographes et équipes de télévision étaient nombreux sur place.

Qui sont les assaillants?

La presse d'opposition a pointé du doigt les colectivos, groupes paramilitaires armés au service du régime. Au début des manifestations, en avril, ils ont été très présents, déboulant à motos de petite cylindrée, casqués et brandissant des armes à feu. Plusieurs meurtres leur sont imputés par le camp anti-Maduro. Des reportages les montrent au côté de membres de la police nationale, qui les laissent agir à leur guise. L'appartenance des agresseurs du Parlement au camp chaviste ne fait pas de doute. Le présentateur de la télévision d'Etat Oswaldo Rivero, surnommé «face de mangue», a posté sur Twitter sa harangue juste avant l'assaut. Dans des vidéos postérieures, il donne la parole à d'autres assaillants qui dénoncent les «brutalités» des «députés terroristes». La consigne de marcher sur la Chambre des députés venait de haut : le matin-même, le vice-président, Tareck El Aissami, avait lancé un appel au «peuple de la rue» à se diriger vers l'Assemblée pour faire face à «ceux qui prétendent livrer le pays aux intérêts obscurs de l'impérialisme».

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Quelles sont les prochaines échéances ?

Le président Nicolas Maduro, qui dénonce des plans visant à le renverser avec le soutien de Washington, a lancé un projet d'assemblée constituante, dont les membres seront élus le 30 juillet. Selon le vice-président, changer la Constitution qu'avait promulguée Hugo Chavez permettra d'«assurer définitivement l'indépendance» du Venezuela. Cette assemblée réduira le nombre d'élus au suffrage universel pour favoriser les représentants des syndicats et organisations liées au régime. Pour la MUD, coalition qui regroupe les partis opposés au gouvernement, c'est une manœuvre pour s'accrocher au pouvoir. En riposte, elle souhaite organiser un référendum le 16 juillet pour ou contre la constituante. Dans les jours qui viennent pourrait être prononcée la destitution de la procureure générale Luisa Ortega, nommée par Chavez mais coupable aux yeux du camp officiel d'avoir publiquement critiqué la répression des manifestations et les dernières décisions du Président.

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