Avec sa chevelure rousse à la Régine Deforges, ses tenues colorées et sexy, son fort tempérament, Elisabeth Chojnacka fut une égérie de la musique d’avant-garde. La claveciniste polonaise, qui s’était installée à Paris dès sa jeunesse et avait adopté la nationalité française, s’est éteinte à Paris le 28 mai à l’âge de 77 ans. Parmi les quelque 80 compositeurs qui ont écrit pour cette passionaria de la musique contemporaine, on retrouve les plus grands : György Ligeti, Iannis Xenakis, Maurice Ohana, Henryk Gorecki, Franco Donatoni, François-Bernard Mâche, Luc Ferrari, Michael Nyman, Sylvano Bussotti, Toshi Ichiyanagi.
Alors que les périodes classiques et romantiques avaient entériné la disparition du clavecin au profit du piano, le jeu de la virtuose et sa personnalité ardente convainquent les créateurs des ressources de l’instrument « fantastiquement unique » qu’elle et ses comparses remettent au goût du XXe siècle. Née à Varsovie le 10 septembre 1939, Elisabeth Chojnacka commence la musique à l’âge de 6 ans. En 1962, son diplôme de fin d’études à l’Ecole nationale supérieure de Musique de Varsovie (Académie Frédéric Chopin) en poche, elle émigre en France pour travailler avec la claveciniste belge Aimée van de Wiele, elle-même élève de Wanda Landowska, pionnière de la renaissance du clavecin. A 29 ans, Elisabeth Chojnacka remporte en 1968 le Premier Prix au Concours international Giovanni Battista Viotti à Vercelli (Italie). Un premier récital de clavecin à Paris en 1970 puis l’enregistrement de son disque Clavecin 2000 chez Philips, l’année suivante, lui assurent une réputation internationale.
Une longue série de créations
Dès 1967, elle a créé La Suite, de Simon Laks, compositeur polonais pendant deux ans chef d’orchestre au camp d’Auschwitz. C’est le début d’une longue série de créations durant quarante ans, comme en témoigne, en 2007, la première mondiale du Concerto de Graciane Finzi ou, en 2009, Melopa de Krystof Maratka et Trance, pour clavecin, cymbalum et percussion, d’Edith Canat de Chizy.
Pièces solistes ou concertantes, musique de chambre, d’ensemble, ou pour formation mixte, Elisabeth Chojnacka collabore dès le début des années 1970 avec de nombreux ensembles de musique contemporaine : Ars Nova (sous la direction de Marius Constant), le Domaine Musical (Gilbert Amy), 2e2m, Itinéraire (fondé par Tristan Murail), London Sinfonietta, Ensemble Intercontemporain (Pierre Boulez), le Xenakis Ensemble. Elle enregistrera en 1994 l’intégrale de l’œuvre pour clavecin de Ligeti à sa demande (Sony Classical), puis celle de Maurice Ohana (chez Timpani) qui lui vaudra en 2003 le Grand Prix du Disque de l’Académie Charles-Cros.
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