L’écrivain romand Yves Velan est mort à La Chaux-de-Fonds dans le canton de Neuchâtel, le samedi 6 mai à l’âge de 91 ans. Il naît à Saint-Quentin, dans l’Aisne, le 29 août 1925. Si son père, Marcel, protestant, est originaire de Bassins, dans le canton de Vaud (Suisse), sa mère est picarde. Yves passe sa petite enfance à Eaubonne, dans la banlieue nord de Paris, où son père, architecte, exerce, jusqu’à ce que de graves difficultés financières au tout début des années 1930 conduisent la famille à s’établir en Suisse.
Direction Genève, puis le canton de Vaud, où Yves fait ses études, à Nyon, puis cap à l’université de Lausanne, où il adhère à la Société des belles lettres. Grand lecteur de Stendhal, Flaubert et Proust, passionné par le roman russe, Tolstoï et Dostoïevski notamment, il enseigne, titulaire d’une licence de lettres, la littérature à Nyon, avant d’occuper deux ans un poste de lecteur à l’université de Florence. C’est là qu’il rencontre celle qui deviendra son épouse, Luisa, dont il aura une fille, Florence.
De retour à Lausanne, Yves Velan milite : politiquement – communiste, il adhère dès 1946 au Parti ouvrier et populaire (POP), fondé en 1944 ; il reste membre jusqu’en juin 1958, lorsque l’exécution d’Imre Nagy, leader de l’insurrection hongroise de 1956, rend la rupture inévitable à ses yeux – et culturellement puisqu’il fonde, avec cinq jeunes lettrés (Henri Debluë, Jean-Pierre Schlunegger, Michel Dentan, Georges Wagen et Jean Messner) qui partagent la même conception engagée de la littérature, la revue Rencontre (1950), point de départ d’une aventure éditoriale singulière au succès impressionnant, voire fulgurant. En vingt ans, c’est l’adresse d’un des clubs de livres les plus importants de la francophonie, avec près de 6 millions de volumes vendus en 1970 !
La transformation du monde par les idées et la littérature
A l’origine, le projet était moins mercantile et plus altruiste puisque la nouvelle société coopérative Rencontre avait pour projet de « répandre la beauté par l’édition, la confection, la diffusion et la vente en commun de livres au prix de revient ». Montée avec le concours du patricien Pierre-Balthasar de Muralt (1922-2013), docteur en droit et typographe diplômé, qui vient de racheter en 1949 l’imprimerie Henri Jaunin, la nouvelle adresse éditoriale débute en publiant l’Antigone de l’écrivain et helléniste lausannois André Bonnard (1888-1959), fraîchement élu président du Mouvement suisse de la paix – un engagement sensible aux premières heures de la guerre froide, qui lui vaut d’être inculpé devant le Tribunal fédéral pour atteinte à la sécurité extérieure de l’Etat en 1952, soupçon d’espionnage au profit de l’URSS que l’obtention du prix Lénine pour la paix en 1954 ne dissipe pas.
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