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Société

Barcelone: le "kidnapping" d'appartements contre rançon des mafias

A Barcelone, on mure à l'aide de brique des fenêtres pour dissuader les mafias qui "séquestrent" des appartements, le 28 avril 2017

A Barcelone, on mure à l'aide de brique des fenêtres pour dissuader les mafias qui "séquestrent" des appartements, le 28 avril 2017 - PAU BARRENA, AFP

En Espagne une nouvelle forme de racket fait son apparition au sein des mafias. Des appartements inoccupés sont investis et les squatteurs demandent des rançons contre la restitution des logements, à leurs propriétaires.

Au rez-de-chaussée neuf d'un immeuble coquet du quartier de la Barcelonette, à Barcelone, une fenêtre est grossièrement murée à l'aide de briques. Le but? Dissuader les mafias qui "séquestrent" des appartements pour exiger des rançons, s'alarment les professionnels du secteur.

Les mafias "cherchent des appartements vides sur internet où dans les registres publics pour y entrer de force. Elles branchent illégalement les services publics, eau ou gaz, puis les remettent à des occupants", explique Enrique Vendrell, président du collège des syndics de Barcelone.

Les portes blindées de plus en plus vendues

Pour ce service, il font payer selon lui moins de 1.000 euros. Les personnes qui s'installent soumettent ensuite les propriétaires à un chantage s'ils veulent récupérer leur bien, assurent Enrique Vendrell.

La demande de portes de plus en plus blindées "a explosé depuis trois ans. Nous en installons quelque 1.500 chaque mois en Espagne", explique aussi Juan Carlos Parra, commercial de la société catalane STM Seguridad Integrada, spécialisée dans l'installation de portes en acier, plus résistantes aux intrusions.

Selon lui, ses clients entendent lutter contre ceux qui s'emparent d'appartement vides "pour ensuite changer la serrure et vendre les clefs". Un chantage qui, en général, s'accompagne de menaces.

L'entrée d'un immeuble à Barcelone muré à l'aide de briques, le 28 avril 2017
L'entrée d'un immeuble à Barcelone muré à l'aide de briques, le 28 avril 2017 © PAU BARRENA, AFP

"Okupa" contre "Desokupa"

"Si tu sonnes encore une fois, tu le regretteras", ont déclaré des "okupas" (les squatteurs, ndlr) à une vieille dame qui tentait de récupérer son bien, raconte son avocat José Maria Aguilá à l'AFP.

La crainte de l'occupation sauvage conduit aussi certains propriétaires à renoncer à afficher des panneaux de vente ou de location, pour ne pas attirer l'attention des mafias.

Josep Maria Montaner, conseiller municipal chargé du logement à Barcelone, assure à l'AFP que la mairie est consciente du problème et tente avec la police catalane de résoudre les cas les plus graves, sans livrer cependant de chiffres.

Le phénomène est dénoncé alors même qu'une entreprise spécialisée, "Desokupa", a été créé en 2016 pour amener des squatteurs supposés malveillants à vider les lieux.

Certains propriétaires à renoncer à afficher des panneaux de vente ou de location, pour ne pas attirer l'attention des mafias à Barcelone, le 28 avril 2017
Certains propriétaires à renoncer à afficher des panneaux de vente ou de location, pour ne pas attirer l'attention des mafias à Barcelone, le 28 avril 2017 © PAU BARRENA, AFP

Armoires à glace

Cette société controversée assure ne faire que de la médiation mais certaines associations dénoncent ses méthodes musclées, alors qu'elle emploie anciens boxeurs ou agents de sécurité privée.

Un reportage télévisé a montré ces hommes aux carrures d'armoires à glace montant la garde aux abords d'immeubles occupés.

Le phénomène est en partie lié à l'éclatement en 2008 d'une bulle immobilière de construction débridée, alors que l'Espagne s’enfonçait dans la crise. Selon l'Institut national de la statistique (INE), il y a 3,4 millions de propriétés vides dans le pays, soit 13,7% du parc immobilier.

Le phénomène n'a en revanche rien à voir avec le drames des personnes surendettées expulsées de leurs logements à la recherche d'un toit, relève M. Vendrell.

Une fenêtre murée d'un immeuble à Barcelone pour dissuader les mafias qui "séquestrent" des appartements, le 28 avril 2017
Une fenêtre murée d'un immeuble à Barcelone pour dissuader les mafias qui "séquestrent" des appartements, le 28 avril 2017 © PAU BARRENA, AFP

Créer du logement social pour lutter contre le squat

Car les mafias d'"okupas" cherchent, elles, à faire pression sur les propriétaires, leur réclamant des rançons de 3.000 à 6.000 euros pour obtenir un départ des lieux. Dans certains cas, des propriétaires préfèrent payer, pour gagner du temps.

"Les délais des procédures d'expulsion sont très variables. A Barcelone, cela peut prendre entre six et huit mois, entre le dépôt de la plainte et l'autorisation judiciaire d'expulsion", explique l'avocat Antoni Garriga.

Les logements appartenant aux banques sont les plus visés car il est plus facile de connaître leur localisation et ces entités mettent davantage de temps à déclencher les procédures d'expulsion.

L'Agence pour le logement de Catalogne estime que les banques possèdent près de 45.000 appartements vides dans la région.

Pour la maire de gauche de Barcelone, Ada Colau, ancienne militante auparavant impliquée dans la défense des particuliers surendettés, le nombre important de logements vides a créé un appel d'air. Sa solution: s'en servir pour créer du logement social et, ainsi, régler deux problèmes d'un coup.

G.D. avec AFP