Westminster

A Londres, une marche pour dire non à la terreur et adieu à l'Europe

Trois jours après l'attentat qui a ensanglanté la capitale du Royaume-Uni, et quelques jours avant le déclenchement du Brexit, le 29 mars, une marche a réuni plus de 50 000 personnes dans le centre de la ville. L'ambiance fut printanière et les sourires, crispés.
par Sonia Delesalle-Stolper, Correspondante à Londres
publié le 25 mars 2017 à 19h35

Drôle d’endroit pour une rencontre. Drôle d’ambiance aussi. Sur le pont de Westminster, puis le long de la grille du parlement, les bouquets s’amoncellent en hommage aux quatre tués et à la cinquantaine de blessés lors de l’attentat de mercredi. Sur l’asphalte, les touristes ont repris le dessus et sous le pont, un bateau-mouche bourré de touristes vogue tranquillement sur la Tamise.

A l’entrée du square de Westminster, il y a un léger barrage. Un touriste grimpe sur la moto d’un policier et se fait prendre en photo, encadré par des bobbies hilares. Ces policiers sont les héros du jour, embrassés, photographiés, eux dont le collègue est tombé mercredi, à quelques mètres de là, poignardé à mort par un fou furieux. Et puis, quelques mètres en avant, c’est une mer qui s’étale. Un océan de drapeaux bleus frappés d’étoiles dorées. Ce samedi, l’Union européenne a investi le cœur du Royaume-Uni. Plusieurs dizaines de milliers de manifestants – 50.000 selon la police, 80.000 selon les organisateurs – ont participé à une grande marche. L’ambiance carnaval de toute manif baignée d’un soleil printanier est bien au rendez-vous. Les Ecossais en kilt et cornemuse, les poussettes, les vélos, les déguisés curieux, les pancartes malignes. Mais, sous ce succès évident, flotte un petit fond de tristesse. Parce que ces soutiens à l’Europe, qui célèbrent à l’unisson les 60 ans du Traité de Rome, le font depuis un pays, une île, sur le départ.

Des sourires parfois un peu crispés

Mercredi 29 mars, devant la Chambre des Communes, la Première ministre Theresa May annoncera solennellement l’invocation de l’article 50. Elle donnera alors le véritable coup d’envoi du Brexit, de la sortie de l’Union européenne. Alors, sous le soleil radieux, sous les drapeaux européens, mais aussi polonais, italiens, suédois et souvent aussi britanniques, les sourires sont parfois un peu crispés. D’autant qu’évidemment, les fleurs sur les grilles du palais de Westminster sont là pour rappeler la fragilité de la vie et des certitudes. Quarante-quatre ans d’alliance au sein de l’UE sont sur le point de voler en éclat. Les manifestants portent souvent des fleurs, à côté de leur drapeau.

Cette marche, dont l'annulation a été un instant évoquée après l'attentat, est à triple sens. Elle est en faveur de l'Europe, elle rend hommage aux victimes de l'attentat et représente aussi un défi aux terroristes, aux empêcheurs de vivre heureux. La foule a d'ailleurs observé une minute de silence. Laila, 32 ans, est venue avec deux autres familles. Ils sont britanniques et allemands. Les enfants, sept entre 3 et 9 ans, sont assis en cercle, à même la chaussée, pour manger leurs sandwichs. Les attentats ne les ont pas arrêtés, «en fait, ça a même renforcé notre envie de venir», confie la jeune femme. Même si elle reconnaît être là plus pour «marquer le coup» que dans l'espoir de bloquer le Brexit. Le sentiment que la sortie de l'UE est désormais inévitable domine dans la foule. Même si les politiques, activistes, intellectuels qui se succèdent sur le podium enjoignent la foule à ne pas perdre espoir, à lutter pour «garder le Royaume-Uni au plus près de l'Europe», le cœur n'y est pas complètement. Drôle d'ambiance.

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