Pierre Bouteiller, grande voix de la radio, est mort

Europe 1, France Inter, TSF Jazz… La voix de Pierre Bouteiller nous a titillés, fait rire ou bondir pendant près de cinquante-cinq ans. Il est mort le 10 mars à 82 ans.

Par Aude Dassonville

Publié le 10 mars 2017 à 10h03

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 01h47

Ultime « Bonsoir » désabusé, dernier souffle : la nuit dernière, Pierre Bouteiller, 82 ans, s'en est allé. A l'antenne de TSFJazz entre 2004 et 2013, avec l'émission Si bémol et fadaises, il avait quitté le micro fatigué. On parierait qu'à l'heure de fermer définitivement les yeux, des notes d'Oscar Peterson ou de Martial Solal résonnaient dans sa tête de pianiste érudit.

C'est à Europe 1 qu'il avait commencé sa carrière, en 1958, après avoir remporté, ex-aequo avec Philippe Labro, une « coupe des reporters ». Onze années à s'émerveiller d'exercer son métier dans la radio qui l'avait ouvert au jazz... Il l'avait pourtant quittée en 1969, contraint et forcé, après que la bourrasque de Mai 68 avait fait tourner le vent et l'avait rangé dans le camp des « gauchistes ». L'étiquette n'avait pas impressionné Roland Dhordain, alors patron de France Inter. Sans savoir qu'il installait dans la Maison Ronde l'une de ses futures figures emblématiques, il l'embaucha illico pour un Embouteillage culturel et impertinent, chaque jour à 9 heures.

Frondeur et caustique

En 1981, Pierre Bouteiller céda aux sirènes de la télé, et accepta de s'occuper des divertissements de TF1 ; de son propre point de vue, une mauvaise idée, à laquelle il renonça un an plus tard. Heureusement resté proche de France Inter, il présenta Le Masque et la Plume jusqu'en 1989, date à laquelle il devint directeur des programmes de la station. Lui qui, frondeur et caustique, fut si souvent en délicatesse avec ses propres directions, apprécia le poste à sa juste valeur. Il embaucha Laurent Ruquier, pour un Rien à cirer resté dans les annales ; installa Daniel Mermet, animateur historique de Là-bas si j'y suis ; confia les intérêts de la musique classique à Frédéric Lodéon... En 1995, sa candidature à la présidence de Radio France ne reçut pas l'accueil qu'il avait espéré : le poste alla à Michel Boyon, et Jacques Santamaria lui succéda à Inter. Ses dernières années à Radio France coulèrent alors au rythme des changements de management. Boyon parti, il se vit offrir la direction de France Musique par Jean-Marie Cavada, en 1999. 

A son arrivée en fonction, le président Jean-Paul Cluzel lui permit de faire valoir des droits à la retraite (il avait 70 ans!) dont il ne voulait à aucun prix... Sa carrière s'acheva comme elle avait commencé : sur des airs de jazz, ceux qu'il sélectionnait avec passion pour Si bémol et fadaises. En introduction à son autobiographie, « Radioactif » (Robert Laffont, 2006), Pierre Bouteiller assurait, non sans humour et « autodérision insincère », que « la meilleure invention après la radio, c'est le bouton qui a permis de l'arrêter ». Lui sera resté « on » cinquante-cinq ans durant.

Sur le même thème

Cher lecteur, chère lectrice, Nous travaillons sur une nouvelle interface de commentaires afin de vous offrir le plus grand confort pour dialoguer. Merci de votre patience.

Le magazine en format numérique

Lire le magazine

Les plus lus