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Pourquoi la France reste championne d’Europe des grèves du contrôle aérien

En 2016, le contrôle aérien a connu un nombre record de jours de grèves, au grand dam des compagnies aériennes qui réclament un meilleur encadrement du droit de grève.

Par Bruno Trévidic

Publié le 20 janv. 2017 à 16:20

Triste record. En 2016, comme au cours des cinq années précédentes, la France est restée championne d’Europe des grèves dans le contrôle du trafic aérien, avec pas moins de 12 mouvements, ayant occasionné, au total, 13 jours de grève, selon les chiffres de l’association des principales compagnies aériennes européennes (A4E). Les quelque 3.000 contrôleurs aériens français, qui représentent 20 % des effectifs du contrôle aérien en Europe, ont ainsi généré plus de la moitié des mouvements de grève du contrôle aérien en Europe (22 en 2016) et plus de 30 % des 41 jours de grève, selon une étude réalisée par le cabinet PwC pour le compte de l’association.

Un millier de vols annulés chez Air France

Loin de s’améliorer, la situation s’est nettement dégradée en 2016 dans le ciel français, avec un nombre de jours de grève sans précédent depuis 2010. Pour la seule compagnie Air France, ces 13 jours de grève du contrôle aérien se sont soldés par un millier de vols annulés et 4.800 retardés, selon la directrice des opérations, Catherine Jude. A raison d’une centaine de passagers par vols, ce sont ainsi quelque 580.000 passagers d’Air France qui auront eu à pâtir de ces grèves. Quant au coût pour la compagnie, il reste difficile à chiffrer. « Une journée de grève ATC [Air Traffic Control NDLR] nous coûte entre 1 et 10 millions d’euros, explique Catherine Jude, Mais ce chiffre ne prend pas en compte les pertes de recettes ultérieures, du fait de passagers mécontents qui ne font pas toujours la différence entre la responsabilité d’Air France et celle du contrôle aérien ».

Fort impact chez les low cost

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Par ailleurs, Air France n’est pas la seule touchée par les grèves françaises. Du fait de la position centrale de l’espace aérien français entre le Nord et le Sud de l’Europe, les grèves ATC françaises pénalisent également fortement les vols de compagnies survolant l’Hexagone, entraînant là encore des retards et des annulations par milliers. Dans ce domaine, les plus touchées sont les compagnies low cost d’Europe du Nord, au premier rang desquelles Ryanair et easyJet, dont le plus gros du trafic va du Nord au Sud, par dessus la France, et dont le système d’exploitation très tendu ne permet pas d’absorber des retards trop importants. Ce qui les oblige à annuler des centaines de vols, y compris des survols.

Le service minimum insuffisant

De quoi expliquer la revendication récurrente des principales compagnies européennes en faveur d’un encadrement plus strict de l’exercice du droit de grève des contrôleurs aériens. Ces derniers sont pourtant déjà soumis à une obligation de service minimum permettant au ministère des Transports et à la DGAC, de réquisitionner des personnels grévistes, pour que 50 % du trafic puisse être assuré même en cas de grève suivie à 100 %. Mais de l’avis des compagnies aériennes, ce garde-fou n’est pas suffisant et a même produit des effets pervers. En cas de dépôt d’un préavis de grève et faute de connaître à l’avance le nombre de grévistes, la DGAC va appliquer le service minimum par précaution et demander 24 heures avant aux compagnies aériennes de couper leurs programmes. Résultat, même si le jour de la grève tous les contrôleurs aériens sont à leur poste, les compagnies auront déjà annulé entre 30 % et 50 % de leurs vols et une partie des passagers aura reporté son voyage.

Grèves sans gréviste

Une situation baroque, mais qui n’a rien d’imaginaire. L’an dernier, la plupart des appels à la grève avaient été lancés non pas par des syndicats de contrôleurs aériens pour des questions les concernant, mais par les grandes centrales syndicales généralistes, au premier rang desquelles la CGT, dans le cadre des mouvements de la fonction publique contre la loi-travail. Ces syndicats étant minoritaires chez les contrôleurs, leurs préavis sont généralement très peu suivis et il n’est pas rare que certains mots d’ordre de grève ayant entraîné des centaines d’annulations de vols, se déroulent sans aucun gréviste dans les centres de contrôle.

Imposer la loi Diard aux contrôleurs

D’où l’idée de l’association des compagnies aériennes d’imposer aux contrôleurs aériens, en plus du service minimum, l’obligation de se déclarer individuellement grévistes au moins 48 heures avant le début du mouvement, afin de pouvoir connaître à l’avance le taux de grévistes et de pouvoir adapter les programmes de vol en conséquence. Une obligation déjà imposée depuis 2012 aux salariés des compagnies aériennes par la loi Diard, et qui a fait ses preuves sur les mouvements peu suivis.

Le gouvernement a beaucoup cédé en 2016

Le principal syndicat corporatiste de contrôleurs aériens, le SNCTA, n’y serait pas foncièrement opposé, ayant lui-même dénoncé la possibilité offerte à des syndicats peu ou pas représentatifs de provoquer des perturbations importantes avec peu ou pas de grévistes. Mais une telle limitation du droit de grève nécessiterait une volonté gouvernementale et un vote au Parlement. Or dans ce domaine, les gouvernements se sont montrés surtout soucieux d’éviter les conflits dans l’aérien. Rien qu’en 2016, les contrôleurs aériens français ont obtenu la reprise des embauches, une hausse de salaires générale de plus de 5 %, hors augmentation du point d’indice, un plus large accès au grade d’ingénieur en chef, une revalorisation des retraites et la pérennisation de leur système de primes, qui menaçait d’être remis en question par l’uniformisation du système de primes de la fonction publique. Les 13 jours de grève de 2016 n’auront pas été perdus pour tout le monde.

Une perte de 1,6 milliard d’euros pour le PIB européen

Au total, selon les calculs de PwC, les grèves de contrôleurs aériens en Europe se seraient traduites par 55 jours de perturbations en 2016 et auraient coûté plus de 1,6 milliard d’euros à l’économie européenne. Un chiffre spectaculaire, qui additionne le coût direct pour les compagnies aériennes (de l’ordre de 100 millions d’euros), le manque à gagner pour le secteur touristique (près de 1 milliard d’euros) et la perte de productivité pour l’économie en général, du fait des retards et des surcoûts (environ 500 millions). Sur les six dernières années, le coût des quelque 278 jours de perturbations recensés pour cause de grève dans les centres de contrôle européens atteindrait même 12 milliards d’euros pour le PIB européen .

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