“C’est un art pour lequel l’Inde était autrefois enviée et réputée”, écrit William Dalrymple dans un long reportage pour 1843, le supplément bimestriel de The Economist. L’attar désigne en Inde les parfums traditionnels obtenus à partir d’huiles végétales.
Leurs origines remontent au temps des Veda, “au Ier millénaire avant Jésus-Christ”. Mais ce sont les sultans des cours indo-musulmanes qui ont donné leurs lettres de noblesse à ces effluves dont ils étaient particulièrement friands.

Splendeur passée

Dalrymple est un historien et écrivain écossais, éminent spécialiste de l’Inde. Il a voyagé jusqu’à Kannauj, une ville de l’État de l’Uttar Pradesh, dans le nord de l’Inde. Elle est réputée pour son savoir-faire en matière d’attar. “Connue jadis comme l’une des plus splendides localités [du sous-continent], elle a été plusieurs fois mise à sac. […] De nos jours, en dehors du Musée archéologique où sont exposés des fragments de sculptures du VIIe siècle, ne subsistent du raffinement passé de la ville qu’une centaine de distillateurs d’attar”, souligne Dalrymple.

L’auteur s’est rendu chez l’un de ces artisans au savoir-faire millénaire. “J’ai senti la distillerie d’Abdul Gafoor bien avant de la voir, écrit-il. Au bout d’un chemin étroit, j’ai été envahi par les senteurs mêlées de la fumée de bois et des bouffées de fleurs, de bois de santal et d’épices.”

Secret bien gardé

Comme l’explique Dalrymple, la formule de chaque essence est un secret bien gardé dans les familles. Les matières premières sont chauffées dans des chaudrons en cuivre et le produit de la distillation recueilli dans un réceptacle appelé bhapka. À chaque heure de la journée correspond un ingrédient, rappelle l’historien :

Le jasmin, exhalant son parfum de la façon la plus intense la nuit, doit être récolté avant l’aube et apporté à la distillerie avant 4 heures du matin, de façon à être versé dans l’alambic avant les premières lueurs du jour […]. L’attar de rose, à l’inverse, demande à être distillé peu après l’aube ; les fleurs doivent être livrées à 7 heures et les feux démarrés une heure plus tard. Après plusieurs semaines de distillation, les huiles sont mises de côté pour vieillir, comme le bon vin.”

La régulation du commerce de certaines matières premières, telles le bois de santal, contribue d’après cet article à mettre en péril la tradition de l’attar. De même que les contraintes économiques qui pèsent sur les fabricants : “Les consommateurs actuels d’attar étant plutôt âgés et loin d’être riches, de moins en moins de producteurs parviennent à résister à la tentation de remplacer leurs précieux extraits de plantes par des composants chimiques bon marché.”