OUI Trop de courriels nuit à l’efficacité

— Financial Times, Londres

Janvier est le mois des bonnes résolutions pour en finir avec ses addictions : arrêter l’alcool, manger plus raisonnablement, consulter moins souvent ses comptes Facebook et Twitter, etc. Mais qu’en est-il des addictions collectives qu’un individu ne peut abandonner tant que d’autres continuent d’en abuser ? Exemple type : le courriel, comme vient de le reconnaître une nouvelle loi entrée en vigueur en France. Cette mesure entend assurer un “droit à la déconnexion” en poussant les grandes entreprises à fixer, par la négociation avec leurs salariés, des horaires où ces derniers ne sont pas obligés d’être joignables sur leur smartphone ni de répondre à leurs messages. Comme au bon vieux temps, quand quitter l’usine signifiait vraiment laisser le travail derrière soi.

Voilà une initiative avisée de la part des autorités françaises, et pour plusieurs raisons. Primo, le courrier électronique et les autres formes d’échanges numériques, des réseaux internes aux messageries comme Slack, peuvent dans certains cas brouiller de façon très dommageable la frontière entre le travail et la vie privée. Secundo, c’est un défi à relever collectivement : un individu peut difficilement choisir seul de ne pas répondre à ses courriels si d’autres continuent à en envoyer.

Entreprises et salariés sont dans une codépendance à la messagerie électronique et à ces échanges insidieusement chronophages. Les pires en la matière sont souvent non les entreprises elles-mêmes, mais les cadres intermédiaires avides de pouvoir, qui grignotent à leurs subordonnés du temps qui n’apparaît officiellement nulle part.

Tout comme la pollution, ce temps dissipé a un coût collectif, mais qui est difficile à prendre en compte. Les plus immédiatement touchés sont des individus qui ne savent plus ne plus penser au travail, sauf quand ils dorment. Il est difficile de débrancher de ces échanges numériques, par nature continus (un courriel peut surgir dans votre messagerie à toute heure du jour et de la nuit), pour trouver un répit.

L’addiction aux courriels professionnels est assez triste, dans la mesure où elle n’apporte guère de plaisir, contrairement à d’autres formes de communication en ligne, comme les réseaux sociaux. On peut regretter de passer trop de temps sur Instagram, Pinterest, Snapchat et consorts, mais ces réseaux offrent au moins une récompense, qu’il s’agisse d’amusement, de divertissement, de badinage, de fanfaronnade ou d’interactions avec ses proches. Les courriers électroniques, eux, relèvent plus du devoir : on est bien forcé de les lire si on veut rester dans la boucle.

Or quand ce penchant déborde des horaires de bureau, ne pas savoir débrancher peut être néfaste. Selon une étude menée sur quelque 300 employés de divers secteurs, l’incapacité à déconnecter est chez certain