Quarante ans après
la prise d’otages
d’Entebbé
ce que révèlent
les archives
diplomatiques
Il y a quarante ans, au cours de l’été 1976, avait lieu une prise d’otages qui allait tenir le monde en haleine pendant près d’une semaine : le détournement d’Entebbe. Quatre terroristes pro-palestiniens détournaient sur l’Ouganda un avion d’Air France reliant Tel-Aviv à Paris avec plus de 240 passagers à son bord. Leur revendication : la libération d’une cinquantaine de prisonniers. Après une semaine de négociations, où les yeux du monde étaient rivés sur l’Ouganda, l’armée israélienne effectuait contre toute attente un raid sur l’aéroport d’Entebbe, libérant la quasi-totalité des otages et tuant tous les terroristes. Le retentissement de l’affaire fut immense et la plupart des pays occidentaux saluèrent la prouesse militaire de l’Etat hébreu.
Aujourd’hui, grâce à l’ouverture des archives diplomatiques sur le détournement d’Entebbe, de nombreuses informations sont devenues accessibles. Certaines d’entre elles viennent donner une lecture différente de plusieurs aspects du récit de la prise d’otages, tel qu’il avait été établi il y a quarante ans.
La prise d’otages d’Entebbe est un drame en cinq actes. Le premier raconte l’enlèvement de 240 personnes au-dessus de la Méditerranée, le dernier voit la communauté internationale consacrer leurs libérateurs. Ce drame met en scène des personnages forts, tels qu’un libraire allemand reconverti en pirate de l’air, un dictateur ougandais qui a voulu tirer parti d’une situation qui lui a échappé, un commandant de bord prêt à mettre sa vie en danger pour ses passagers ou encore un soldat israélien mort pour rendre la liberté à ses compatriotes. Pour chacun de ces actes, Le Monde. fr propose une analyse sur un des aspects du récit qui pose question : le degré de connivence d’Amin Dada avec les terroristes, le sens du tri entre les passagers, les alliances dont a bénéficié Israël, les pertes ougandaises, le côté obscur du raid, vous saurez tout sur ces histoires dans l’histoire.
Acte I : Le détournement
L’histoire d’Entebbe commence à 10 000 pieds d’altitude, quelque part au-dessus du canal de Corinthe. Le vol Air France 139 reliant Tel-Aviv à Paris vient de décoller d’Athènes, où il faisait escale, le 27 juin 1976 en fin de matinée, avec à son bord 246 passagers et 12 membres d’équipage. L’avion continue de s’élever dans les cieux quand trois hommes et une femme quittent leur siège, se mettent à crier, dévoilent leurs armes à feu et déclenchent la panique à bord. Les passagers sont priés de se lever et de garder les mains derrière la tête. Le chef des pirates (…) pénètre dans le poste de pilotage, s’assoit à la place du copilote et s’empare du micro pour délivrer un message : « Ceci est un détournement. Nous venons de prendre le contrôle du vol. L’avion est rebaptisé Haïfa. » L’homme s’appelle Wilfried Böse. Fondateur de la librairie Etoile rouge de Francfort, il fait partie, avec son acolyte Brigitte Kuhlmann, de la Fraction armée rouge, également appelée la « Bande à Baader », organisation terroriste allemande d’extrême gauche. Les deux autres pirates de l’air sont de jeunes Palestiniens issus du FPLP (Front populaire de libération de la Palestine). Böse affirme avoir posé des charges sur les issues de secours et ordonne au commandant de bord, Michel Bacos, de se diriger vers la Libye. L’avion se pose donc une première fois à Benghazi, pour y faire le plein de kérosène. Là, une passagère anglo-israélienne laisse croire qu’elle est sur le point de faire une fausse couche et, sous prétexte de l’urgence de la soigner, parvient à être débarquée.
L’Airbus repart donc avec une otage en moins et trente-cinq tonnes de carburant en plus. Direction le sud de l’Afrique. Vers 4 heures du matin le 28 juin, alors qu’il tournait sur lui-même depuis plus d’une heure, l’appareil atteint enfin sa destination finale : l’aéroport d’Entebbe, en Ouganda, situé à une trentaine de kilomètres de la capitale Kampala. Longtemps sommés de rester à bord, les otages finissent par être évacués et transportés dans un terminal désaffecté, escortés par des soldats ougandais en armes. C’est Idi Amin Dada lui-même, le dictateur de l’Ouganda, qui leur fournit de l’eau, de la nourriture et de quoi vivre dans des conditions décentes.
Acte II : Le tri entre passagers
A Entebbe, les quatre auteurs du détournement sont rapidement rejoints par trois complices palestiniens. Les sept terroristes diffusent alors un communiqué dans lequel ils énoncent leurs exigences : la libération de 53 prisonniers pro-palestiniens détenus pour la plupart en Israël mais aussi en Allemagne de l’Ouest, au Kenya, en France et en Suisse. Parmi eux se trouvent Kozo Okamoto, responsable de la mort de 26 personnes dans le massacre de Lod en 1972, et l’archevêque Hilarion Capucci, arrêté pour avoir transporté des armes en Cisjordanie, mais aussi des membres de la RAF comme Fritz Teufel ou Inge Viett. Ces revendications faites, les ravisseurs libèrent, le 30 juin, 47 passagers, principalement les femmes, les enfants et les personnes âgées, et fixent un ultimatum : si leurs demandes ne sont pas satisfaites avant le 1er juillet à 15 heures, ils feront sauter l’avion et tous les otages restants. Mais face à l’impossibilité pour les pays concernés de respecter ce délai, ils se ravisent le lendemain : l’ultimatum est repoussé au 4 juillet à 11 heures et un second groupe de passagers est libéré : 100 autres personnes quittent Entebbe saines et sauves, en majorité celles qui ne possèdent pas de passeport israélien. L’équipage d’Air France est un cas particulier : aucun de ses membres ne possédait un passeport israélien. Mais quand le commandant de bord, Michel Bacos, a appris que des otages seraient libérés, il a rassemblé ses collègues et leur a dit : « il est hors de question que nous quittions nos passagers, nous avons le devoir de rester avec eux jusqu’à la fin quoi qu’il arrive », avant d’informer Wilfried Böse de sa décision. Il reste alors 106 otages dans le vieux terminal de l’aéroport. Jusqu’alors, le gouvernement israélien, fidèle à sa politique, s’était montré inflexible, refusant de discuter avec les ravisseurs. Mais ces deux vagues de libération, ajoutées à la forte mobilisation des familles des otages israéliens, allaient changer la donne. Pour la première fois de son histoire, Israël semble prêt à négocier avec des terroristes.
le 30 juin
47 passagers
libérés
par les ravisseurs
le 1er juillet
100 passagers
libérés
par les ravisseurs
106 passagers
restants
Aéroport
d’Entebbe
Acte III : Des négociations à la préparation du raid
A la table des négociations pour la libération des otages d’un côté, et des prisonniers de l’autre, il y a trois catégories distinctes de protagonistes. Les terroristes du FPLP et de la RAF nomment comme porte-parole l’ambassadeur de Somalie, M. Hasni Abdullah Farah, parce qu’il est « le doyen des ambassadeurs arabes » du pays. Les gouvernements concernés, dont la France et Israël, sont représentés par l’ambassadeur de France en Ouganda, M. Pierre-Henri Renard. Quant à Idi Amin Dada, présent lui aussi, il joue le rôle de « médiateur » et prétend œuvrer pour l’intérêt des otages. Les négociations progressent péniblement : le 1er juillet, M. Renard transmet à M. Farah un message du gouvernement israélien destiné aux terroristes : celui-ci est prêt à libérer « un certain nombre de prisonniers » et propose que les négociations s’établissent sous l’égide des Nations unies. Deux suggestions refusées le lendemain par les terroristes, qui affirment avoir fait suffisamment de concessions avec la libération de 147 otages et la prolongation de l’ultimatum. Le 3 juillet, Israël dit avoir commencé le processus de libération des prisonniers et demande que l’aéroport d’échange se trouve en territoire français. Une proposition une fois encore rejetée par le FPLP. Ce nouveau refus pourrait bien avoir décidé le gouvernement israélien à opter pour l’alternative qu’il envisageait. Car, en réalité, depuis le début de la prise d’otages, ce dernier ne préparait pas seulement la libération des prisonniers : il préparait également, dans le plus grand secret, un raid militaire visant à libérer les otages retenus à Entebbe. Une opération rendue envisageable par deux éléments : la description des lieux et des forces en présence faite par les otages libérés, dont plusieurs avaient été interrogés par le Mossad après leur libération, et un fait pour le moins insolite : l’ancien terminal où se trouvaient les otages avait été construit par une compagnie israélienne, qui en avait fourni les plans détaillés à l’armée. Forte de ces informations capitales, l’armée israélienne était en mesure de tenter, à 4 000 kilomètres de ses bases, une mission de sauvetage.
Acte IV : Le raid militaire israélien
Le 3 juillet en fin d’après-midi, sur décision du premier ministre Yitzhak Rabin, l’armée israélienne déclenche l’opération « Thunderbolt ». Trois avions de transport militaire C – 130 Hercules décollent de la base de Charm El-Cheikh (Egypte), à l’époque sous contrôle israélien, avec une centaine d’hommes à leur bord. Le chef du commando n’est autre que Jonathan (…) Nétanyahou, le frère aîné de l’actuel premier ministre. Pour tromper les radars, les appareils volent à basse altitude et coordonnent leur trajectoire avec un vol régulier d’El-Al qui reliait Tel-Aviv à Nairobi (Kenya), quelques milliers de pieds au-dessus d’eux. Arrivés au niveau du lac Victoria, les trois avions se séparent : deux d’entre eux restent à la verticale du lac pour laisser un peu d’avance au troisième et lui permettre de se poser discrètement.
Vers 23 heures, après près de huit heures de vol, le premier C – 130 atterrit à Entebbe, sans rencontrer de difficulté particulière. Immédiatement, trois véhicules en sortent, remplis de soldats israéliens : deux Land Rover et une Mercedes noire. L’usage de la Mercedes était une ruse : l’armée israélienne savait qu’Idi Amin Dada utilisait ce type de véhicule lorsqu’il rendait visite aux otages et espérait ainsi se faire passer pour lui auprès des soldats ougandais qui surveillaient l’aéroport. La tactique s’avère payante : le convoi n’est pas inquiété avant d’atteindre l’ancien terminal. Dans la salle où sont retenus les otages, c’est encore le calme plat. Les passagers sont couchés sur des matelas, certains dorment, d’autres sont trop inquiets de l’approche de l’ultimatum et de l’attitude irritée des terroristes pour trouver le sommeil. Soudain, des coups de feu retentissent : le commando israélien fait irruption dans la pièce.
L’effet de surprise est total et le raid foudroyant : en à peine vingt minutes, les 7 terroristes sont tués et 102 des 105 otages restants mis en sécurité. Un seul soldat israélien est tué dans l’opération : le chef du commando, Jonathan Nétanyahou, vraisemblablement atteint par des balles ougandaises. Un autre est grièvement blessé et restera paralysé à vie. Trois otages perdent également la vie : Jean-Jacques Mimouni, Pasco Cohen et Ida Borochovitch. Quant à l’armée ougandaise, elle subit de graves pertes humaines et des dégâts matériels importants. Le commando s’était en effet assuré d’endommager suffisamment les avions de ligne ougandais pour ne pas risquer d’être suivi.
20 minutes
d’intervention
102
otages libérés
3
otages
tués
1
soldat
tué
Jonathan
Netanyahou
Photo Yoni.org
Acte V : Les suites
La retentissante affaire de la prise d’otages d’Entebbe ne se termine pas avec la libération des otages. Derrière lui, le commando israélien laisse de nombreux morts parmi les soldats ougandais, une force aérienne abîmée, un maréchal-président courroucé. Il a également laissé derrière lui une otage : Dora Bloch, une Anglo-Israélienne de 73 ans, transportée à l’hôpital de Kampala à la suite d’un étouffement. Enfin, l’Airbus d’Air France se trouve toujours à l’aéroport d’Entebbe et Amin Dada réclame une compensation au gouvernement français. Dans les jours qui suivent le raid, l’Ouganda, soutenu par l’Organisation de l’unité africaine, convoque une session du Conseil de sécurité des Nations unies, afin d’obtenir une condamnation de l’intervention israélienne pour violation de sa souveraineté nationale. Les débats font rage pendant plusieurs jours à New York, Idi Amin se posant notamment comme une victime dans cette affaire, lui qui avait accueilli l’Airbus « pour des raisons humanitaires » et avait œuvré pour la libération des otages. Mais l’initiative ougandaise est finalement rejetée par le Conseil, qui estime que l’action israélienne n’avait « pas pour but de nuire à l’Ouganda, mais de libérer leurs ressortissants, menacés de mort par des terroristes ». Ce n’est qu’à l’issue des discussions qu’Idi Amin, face à l’insistance de la diplomatie française, se décide enfin à restituer l’Airbus à la France, apparemment sans concession. Quant à Dora Bloch, le silence de l’Ouganda face aux multiples sollicitations des Britanniques, inquiets pour leur citoyenne, fait craindre le pire. Pierre-Henri Renard soupçonne qu’elle a été tuée par des soldats ougandais au lendemain du raid. Une version qui sera confirmée près d’un an plus tard par le ministre de la santé, Henry Kyemba, lors d’un entretien au journal anglais London Sunday Times. L’affaire Dora Bloch aura eu pour conséquences la rupture des relations diplomatiques entre la Grande-Bretagne et l’Ouganda.
Marc Ouahnon
Dora Bloch
l’otage oubliée par le commando mourra en Ouganda le lendemain du raid
Les terroristes
étaient-ils attendus par
Amin Dada ?
NON
Les autorités ougandaises n’auraient été informées de la présence d’un avion détourné que lorsque celui-ci volait au-dessus d’Entebbe ;
Amin Dada n’est arrivé à l’aéroport que deux heures après l’atterrissage et se serait vu refuser l’accès de l’appareil.
Le degré de connivence d’Idi Amin Dada avec les terroristes
Pendant la prise d’otages, la plupart des médias occidentaux parlent rapidement d’une possible complicité du dictateur ougandais avec les terroristes. Devant les Nations unies, Israël, qui assurera que les terroristes étaient attendus par les Ougandais, s’appuiera justement sur cette « collaboration » pour justifier son raid militaire, car dès lors ses nationaux « étaient en danger de mort ».
Les archives diplomatiques récemment rendues accessibles nous apprennent une réalité différente. Il semble tout d’abord qu’Amin Dada ait été informé de la présence d’un avion détourné seulement lorsque celui-ci volait au-dessus d’Entebbe. Dans un télégramme adressé au Quai d’Orsay, l’ambassadeur de France à Kampala, Pierre-Henri Renard, écrit avoir appelé le secrétaire permanent à la défense ougandais et l’avoir « réveillé » afin de lui « demander l’autorisation d’atterrissage » pour des raisons humanitaires. L’Airbus, qui avait fait le plein en carburant à Benghazi, n’avait en effet plus que quelques dizaines de minutes d’autonomie. Une fois l’avion sur le tarmac, Paris a même œuvré pour que ce dernier reste en Ouganda « plutôt que dans un autre pays qui pourrait nous être plus hostile ». L’ambassadeur décrit également que le maréchal n’est arrivé à l’aéroport que deux heures après l’atterrissage et qu’il « se serait vu refuser l’accès de l’appareil » par les terroristes. Renard souligne enfin le rôle important d’Amin dans les deux vagues de libération (voir acte II). Dans une lettre destinée à Amin Dada après le raid, le président de la République Valéry Giscard d’Estaing remercie d’ailleurs le chef d’Etat ougandais « pour l’action [qu’il a] menée ».
Notre analyse : si Amin Dada était effectivement sympathisant de la cause palestinienne, ce que confirment les marques de sympathie à l’égard des terroristes décrites par les passagers, rien n’indique qu’il préparait l’arrivée des terroristes. Il semblerait plutôt que le président ougandais ait voulu tirer parti de la situation en endossant le costume du bienfaiteur des otages, afin de redorer son blason international et que ce double jeu se soit finalement retourné contre lui.
Le tri entre passagers
était-il antisémite ?
NON
Le principal critère de sélection était le passeport et seule une faible partie des otages restés à Entebbe après les vagues de libération n’étaient pas israéliens ;
Il y avait de nombreux juifs parmi les otages libérés ;
Les terroristes allemands n’ont pas participé au tri.
Les critères du tri entre passagers
Aucun des 147 passagers libérés entre le 30 juin et le 1er juillet n’avait de passeport israélien. De fait, tous les otages retenus par les terroristes, à l’exception des 12 membres d’équipage qui avaient souhaité rester, étaient juifs. Plusieurs médias israéliens ont donc conclu qu’il s’agissait d’un tri entre juifs et non juifs. En Allemagne, la participation de deux nationaux à la sélection entre passagers, trente ans après la guerre, a rappelé à certains les heures les plus sombres de leur histoire. Quand Joschka Fischer, ancien proche de Wilfried Böse devenu ministre du gouvernement Schröder, y voit « un tri antisémite effectué par des néonazis », Hans-Joachim Klein, ancien membre des cellules révolutionnaires, utilise l’expression « rampe d’Entebbe », par analogie avec la rampe d’Auschwitz.
Archives diplomatiques et témoignages s’accordent pour affirmer que la réalité n’était pas aussi limpide. Tout d’abord, il semblerait que les deux terroristes allemands n’aient pas participé au tri. Le rôle de ces derniers aurait été de diriger le détournement et d’amener à bon port les otages. Une fois à Entebbe, les deux membres de la Fraction armée rouge se sont cantonnés à un rôle de surveillants, laissant les décisions aux quatre Palestiniens qui les avaient rejoints. Concernant les critères de la sélection, dans leur communiqué, le FPLP affirme avoir libéré « tous les passagers autres que ceux possédant un passeport israélien ou une double nationalité », effectuant donc un tri sur le critère unique de la nationalité, celle de leur principal interlocuteur dans les négociations. Dire que l’unique critère de sélection pour ce tri était religieux serait faux, puisqu’une grande partie des passagers libérés étaient juifs. Toutefois, il n’y avait pas seulement des Israéliens parmi les 106 derniers otages. Un télégramme de l’ambassade de France à Kampala du 2 juillet, lendemain de la seconde vague de libération, affirme qu’il reste encore parmi les otages, outre les 12 membres d’équipages et 10 personnes possédant la double nationalité, « 20 passagers uniquement français ». Ces chiffres, pas forcément exacts (les doubles nationaux ne sont pas nécessairement connus des autorités), montrent cependant des irrégularités par rapport aux critères annoncés par les terroristes.
Notre analyse : la part relativement faible des non-Israéliens parmi les derniers otages et le fait que de nombreux juifs faisaient partie des libérés semblent indiquer qu’il ne s’agissait pas d’un tri antisémite. Il est possible que les terroristes aient voulu garder un certain nombre de Français pour inciter la France à s’impliquer dans les négociations et éviter à Israël de tenter une opération qui mettrait en danger des ressortissants français.
Israël
a-t-il vraiment opéré seul ?
NON
Le Kenya a servi de zone de transit après le raid pour les avions militaires israéliens et aurait servi de base logistique à Israël pour préparer l’opération ;
Un diplomate britannique était présent à l’aéroport d’Entebbe pendant les combats ;
Un vol de la Lufthansa censé atterrir à Entebbe a été annulé.
Israël, le cavalier seul escorté
Lors des discussions aux Nations unies, Israël expliquera avoir pris seul l’initiative du raid et n’avoir bénéficié d’aucune aide extérieure. Une version contestée par le FPLP, qui prétend dans un communiqué que l’Etat hébreu a bénéficié notamment d’aides kényane et allemande dans sa préparation de l’opération. Quant à Amin Dada, il affirme que les autorités britanniques étaient au courant de l’intervention militaire israélienne puisqu’un de leurs diplomates se trouvait à l’aéroport d’Entebbe pendant les faits. Les archives diplomatiques françaises confirment partiellement qu’Israël n’a pas agi seul. Dans une lettre adressée au Conseil de sécurité de l’ONU, le représentant du Kenya confirme que les trois avions militaires ont effectivement atterri à Nairobi après le raid, « mais seulement pour des raisons humanitaires », afin d’y soigner les nombreux blessés. Si aucun document officiel ne vient confirmer une aide préalable du Kenya à Israël, plusieurs témoignages, recensés dans le très documenté Operation Thunderbolt de Saul David, évoquent la mise en place par les autorités kényanes, dans le plus grand secret, d’une base logistique pour les agents du Mossad. Pour le reste, Pierre-Henri Renard confirme, dans deux télégrammes au Quai d’Orsay, la présence du diplomate britannique James Horrocks à Entebbe pendant les combats et l’annulation d’un vol de la Lufthansa qui devait se poser à l’aéroport la nuit du raid.
Notre analyse : il paraît peu probable qu’une opération aussi minutieuse et précise ne se soit faite sans aucune aide extérieure. Le Kenya, seule démocratie stable de la région à l’époque, était l’endroit idéal pour servir à la fois de base logistique et de zone de transit. Quant au fait que les autorités britanniques et allemandes ont été tenues au courant du raid, cela n’a jamais été confirmé. Mais la présence d’un diplomate britannique et l’annulation d’un vol régulier allemand viennent jeter le doute. Pendant toute la durée de la prise d’otages, la diplomatie allemande n’avait d’ailleurs fait aucun commentaire et n’avait pas répondu aux sollicitations françaises pour faire libérer les prisonniers détenus sur leur territoire.
Un raid
sans bavure ?
NON
Deux des trois otages tués pendant le raid sont vraisemblablement morts sous les balles israéliennes ;
Les parents de l’un des otages tués, Jean-Jacques Mimouni, n’ont jamais pu obtenir d’explication claire de la part de l’armée sur les circonstances de sa mort.
La bavure du raid
Au lendemain de la libération des derniers otages, la presse et les Etats occidentaux ont, dans leur immense majorité, salué l’incroyable coup d’éclat israélien. Dans les deux années qui ont suivi, deux films hollywoodiens à la gloire du raid ont été produits. Force est de constater que l’opération est une prouesse militaire, une leçon tactique, une réponse implacable au terrorisme, un acte fort de courage et d’audace. Mais dans leur volonté de construire le mythe d’Entebbe, les autorités israéliennes ont oublié certaines victimes. Dans la nuit du 3 au 4 juillet, la radio BBC annonce qu’une opération militaire a été menée par l’armée israélienne, que les otages ont été libérés et qu’ils arriveront à l’aéroport de Tel-Aviv dans la journée. Toutes les familles des otages israéliens sont présentes au moment de l’atterrissage. Parmi elles, la famille Mimouni, prête à accueillir Jean-Jacques, 19 ans. Mais au milieu des retrouvailles et des embrassades, ce dernier reste introuvable. Robert et Lola Mimouni vont donc trouver un officier pour lui demander où se trouve leur fils. La réponse est brutale : « Votre fils est mort d’une crise d’asthme à Entebbe. » Incrédule, le père de Jean-Jacques insiste pour voir le corps de son fils : celui-ci est criblé de balles. Se tournant alors vers les autres otages, la famille Mimouni apprend que Jean-Jacques est vraisemblablement mort de balles israéliennes pendant le raid, les membres du commando l’ayant sans doute pris pour un terroriste. Mais jamais l’armée ni le gouvernement israélien ne donneront d’explication claire à ses parents, et ne reconnaîtra sa responsabilité. Il en va de même pour deux autres victimes du raid, Pasco Cohen et Ida Borochowitz, même s’il semblerait que cette dernière ait été abattue par un terroriste palestinien.
Notre analyse : trois ans après la guerre du Kippour et après la forte mobilisation des familles des otages présents à Entebbe qui réclamaient la libération des prisonniers pro-palestiniens, Israël avait besoin d’une opération sans dommages collatéraux pour justifier son action antiterroriste.
L’Ouganda
a-t-il exagéré ses pertes
militaires ?
OUI
Quand Amin Dada évoque 100 soldats ougandais tués, un message de la défense ougandaise en dénombre 20 et donne leur nom.
Quand la diplomatie ougandaise parle de 11 avions détruits, l’ambassade de France à Kampala compte 3 à 4 MIG endommagés.
Le nombre de soldats ougandais tués
Les premiers bilans des pertes humaines ougandaises diffèrent selon les récits. Pour l’armée israélienne, il s’agit d’une vingtaine de soldats. Pour Amin Dada, comme il l’affirme dans son premier communiqué après le raid, c’est une centaine de ses hommes qui ont été tués. Jusqu’à aujourd’hui, l’incertitude subsiste sur le nombre exact de morts parmi les forces ougandaises : sur Internet, de nombreux articles avancent le chiffre de 45 morts, sans citer leur source.
Une fois encore, c’est une archive diplomatique qui semble trancher la question, celle-ci étant même issue de Kampala. Dans un message de la Défense ougandaise à l’ambassade de France, il est question de vingt soldats ougandais tués, leurs noms étant même précisés. Quant aux pertes logistiques, le ministre ougandais des affaires étrangères évoque dans son intervention au sommet de l’Union africaine 11 avions détruits, ce qu’un message de Pierre-Henri Renard au Quai d’Orsay conteste, dénombrant « trois ou quatre MIG-17 […] sérieusement endommagés, mais non détruits. »
Notre analyse : le chef d’Etat ougandais, souhaitant faire condamner Israël devant les Nations unies pour violation de souveraineté, avait tout intérêt à gonfler ses pertes, humaines comme logistiques, pour souligner la violence de l’action israélienne. Malgré le nombre important de morts parmi les soldats ougandais, tout porte à croire que l’action israélienne avait pour unique but de libérer les otages, en nuisant le moins possible aux forces ougandaises.