Santé Pourquoi a-t-on besoin de dormir ?
Depuis la nuit des temps, l’homme passe environ un tiers de son existence sans chercher à manger, sans être aux aguets face à d’éventuels prédateurs, sans jouer, sans parler… Quel gâchis ! « Mais si le sommeil n’était pas nécessaire, il aurait disparu au fil de l’évolution », précise d’emblée Paul-Antoine Libourel. Or, cette obligation est partagée. Même par les insectes, même par les poissons. Parfois de façon bizarre : ainsi le lapin et l’autruche dorment les yeux ouverts. Le canard, quand il protège son groupe, ne dort lui aussi que d’un œil, gardant l’autre ouvert !
Une moyenne de 8 heures pour un adulte
Ce besoin est variable. Les bébés dorment environ 15 heures contre une moyenne de 8 heures pour un adulte et 3 à 4 heures pour un petit dormeur. Certains animaux dorment la nuit, d’autres le jour, certains la nuit et le jour. Trois heures suffisent à l’éléphant, tandis que l’opossum a besoin de 20 heures. De manière générale, les herbivores semblent moins dormir que les carnivores. Mais est-ce un moindre besoin ou bien leur mode de vie qui les empêche de dormir davantage ? L’animal doit parfois faire un compromis entre exploration, reproduction, nourrissage, soin parental et dodo… Entre ses besoins physiologiques du moment et le contexte (climat, présence de prédateurs…). .
L’homme aussi doit régulièrement piquer un somme. Dans les années 80, des privations totales de sommeil chez le rat ont été réalisées : au bout de 15 jours ils meurent. Cependant la cause physiologique de cette mort reste inexpliquée.
Le sommeil n’a certainement pas une seule fonction
Pourquoi donc sombrer dans les bras de Morphée ? Répondre qu’on est fatigué ne suffit pas. Comme la faim, la fatigue n’est qu’une sensation exprimant un besoin de l’organisme. Or, alors qu’on connaît bien le circuit et le rôle des nutriments, on ne sait pas encore vraiment pourquoi on dort, ni comment agit le sommeil. On sait seulement qu’il agit. « Plusieurs études ont montré que le sommeil sert à consolider la mémoire, le système immunitaire, il favorise la maturation cérébrale, et/ou permet de mieux gérer les émotions » détaille Paul-Antoine Libourel… Une autre hypothèse serait que le cerveau, gourmand en oxygène, est plus vulnérable face au stress oxydant provoqué par les radicaux libres quand « on » manque de sommeil. En revanche, lorsqu’on dort le mécanisme de nettoyage des toxines est accéléré.
En réalité, le sommeil n’a certainement pas une seule fonction, et probablement peuvent-elles différer selon les espèces. « C’est sans doute pourquoi on a tant de mal à déterminer à quoi il sert exactement » précise Paul-Antoine Libourel.
Le scientifique cherche maintenant à comprendre l’origine et le rôle du sommeil paradoxal (principalement associé aux rêves). Pour cela, il scrute le cerveau le comportement et la physiologie d’une espèce de reptile, le tégu argentin. En effet il est couramment admis que seuls les mammifères terrestres et les oiseaux possèdent ce type de sommeil. Or les espèces à « sang chaud » (homéothermes) et les reptiles « à sang froid » (poikilothermes) partagent un ancêtre commun. Grâce au gros lézard, nous saurons peut-être si le sommeil paradoxal est apparu en même temps que l’homothermie, et donc s’il a un lien avec les mécanismes de thermorégulation. Ou bien s’il est lié au développement des facultés cognitives souvent plus complexes chez les mammifères et les oiseaux. « L’évolution a modelé le sommeil en fonction des pressions exercées sur chaque espèce. Comprendre comment tous les animaux dorment en fonction de leur position évolutive et des contraintes imposées par leur milieu peut ainsi nous aider à comprendre pourquoi nous dormons » indique le chercheur. Un vieux rêve.
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