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Le Parlement européen rappelle le calvaire des yézidis d’Irak

Lamia Aji Bachar et Nadia Mourad, qui ont fui l’esclavage sexuel où les avaient réduites leurs tortionnaires de l’EI, ont obtenu le prix Sakharov pour la liberté de l’esprit.

Par  (Erbil, correspondance)

Publié le 28 octobre 2016 à 11h22, modifié le 28 octobre 2016 à 11h28

Temps de Lecture 3 min.

Nadia Mourad à Washington, le 21 juin.

En pleine bataille de Mossoul, le Parlement européen a décidé de décerner jeudi 27 octobre le prix Sakharov pour la liberté de l’esprit à deux victimes emblématique des exactions de l’organisation Etat islamique (EI) : Nadia Mourad et Lamiya Haji Bachar, appartenant à la minorité religieuse yézidie en Irak, sont des survivantes de l’esclavage sexuel systématique imposé aux femmes de leur communauté par le mouvement djihadiste.

Le 3 août 2014, le mont Sinjar et ses 400 000 habitants, majoritairement yézidis, sont attaqués par l’EI, qui s’est emparé au mois de juin de Mossoul, à une centaine de kilomètres à l’est. Les forces de sécurité kurdes irakiennes censées protéger la région et ses habitants prennent la fuite, livrant la population à elle-même.

Proies désignées

Les yézidis sont non musulmans. Le système religieux syncrétique de transmission orale auquel ils adhèrent ne leur donne pas la qualité de « Gens du livre », censé garantir dans l’islam une protection aux fidèles des religions monothéistes héritières d’Abraham. Dès lors, ils constituent des proies désignées pour les djihadistes qui s’emparent de leurs terres.

Face à l’avancée de l’EI, dont les recrues sont pour une part importante issue des régions arabes sunnites voisines, des dizaines de milliers de yézidis prennent la fuite. Certains trouvent refuge sur les hauteurs du mont Sinjar. Encerclés, sans eau ni nourriture, exposés à la chaleur caniculaire de l’été irakien, enfants et vieillards meurent d’épuisement. Les combattants du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK, kurde turc), ouvrant un corridor à travers le désert, parviennent à évacuer les survivants vers la Syrie voisine. Pendant ce temps dans la plaine, les djihadistes de l’EI détruisent systématiquement les lieux de culte yézidis et orchestrent un massacre à grande échelle.

Trente-cinq fosses communes

Les djihadistes somment les yézidis de se convertir à l’islam. S’ils refusent, les hommes sont exécutés et les femmes réduites en esclavage. Les enfants de sexe masculin sont endoctrinés et forcés de suivre un entraînement militaire qui doit les transformer en soldats du « califat ». En janvier 2016, l’ONG Yazda, qui enquête sur les crimes commis par l’EI à l’encontre des yézidis de la région de Sinjar, avait identifié trente-cinq fosses communes comptant jusqu’à une centaine de dépouilles chacune.

Nadia Mourad Bassi Taha et Lamiya Aji Bachar sont toutes deux originaires du village de Kocho. Le 15 août 2014, cette localité située au sud du mont Sinjar a vu l’ensemble de sa population masculine massacrée. Comme d’autres femmes du village et plusieurs milliers de yézidies de Sinjar, Nadia Mourad et Lamiya Ali, 21 et 16 ans à l’époque, ont été réduites en esclavage par les djihadistes.

Lamiya Aji Bachar. Elle a été grièvement blessée en traversant un champ de mines au cours de sa fuite.

Après des mois de torture et de viols, les deux femmes sont parvenues à s’échapper. Après avoir retrouvé la liberté, Nadia Mourad s’est employée à alerter l’opinion publique internationale sur le sort subi par les femmes de sa communauté. Enlevées, violées, mariées de force, vendues et revendues par des membres de l’EI et des hommes vivant sur les territoires que les djihadistes contrôlent en Syrie et en Irak, elles seraient encore plus de 3 000 à demeurer en captivité, selon les Nations unies.

Le calvaire des femmes yézidies est un des aspects du cataclysme subi par cette communauté depuis plus de deux ans. Bien que l’essentiel de la région de Sinjar soit libéré depuis novembre 2015, le traumatisme subi par les yézidis est irréparable. Des centaines de milliers d’entre eux vivent encore dans des camps de déplacés au Kurdistan irakien. Nombre d’entre eux estiment leur retour impossible.

Migrer, la seule stratégie de survie

Pour beaucoup, revivre en milieu musulman, que ce soit aux côtés de leurs voisins arabes, qui ont rejoint en masse l’EI, ou sous la domination des autorités kurdes irakiennes, qui ont failli à les protéger, n’est plus envisageable. Migrer en Europe, où des communautés d’exilés se sont installées depuis 2014, est perçu comme la seule stratégie de survie qui vaille.

Les populations demeurées à Sinjar ou qui y sont revenues sont isolées et font les frais des tensions entre les multiples milices qui ont investi les lieux sous la houlette de factions kurdes rivales. La libération de la région s’est traduite par des destructions massives des villes et villages yézidis. Le chaos y règne et, pour toute une génération de jeunes yézidis, prendre les armes est la seule alternative au quotidien sans horizon des camps de déplacés. Bien que libérée, Sinjar n’appartient toujours pas à ses habitants et les opérations en cours autour de Mossoul augurent à terme de nouvelles tensions entre les nombreux ennemis de l’EI, dont les populations civiles locales seront les premières à faire les frais.

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Malgré le prix Sakharov qui leur a été décerné, Nadia Mourad et Lamiya Aji Bachar vivent en exil en Allemagne. Leur village de Kocho est toujours occupé par les djihadistes.

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