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Les zombies coréens peuvent-ils (aussi) sauver Alstom ?

Dans «Dernier Train pour Busan», film de genre sud-coréen et succès surprise de l'été au box-office mondial, les trains à grande vitesse d'Alstom ont un rôle de premier plan. De quoi booster la réputation planétaire de la firme !
par Alexandre Hervaud
publié le 4 octobre 2016 à 13h31

Achats directs de trains par l'Etat, nouvelles commandes de TGV par la SNCF… Pour garantir l'emploi des salariés d'Alstom à Belfort, le gouvernement a décidé de mettre les grands moyens. Était-ce vraiment nécessaire ? L'entreprise ne pouvait-elle pas compter sur l'excellence de ses produits et leur bonne réputation pour engranger de nouvelles commandes ? D'autant que l'aura de l'entreprise a incontestablement été boostée par le carton estival au box-office mondial du Dernier train pour Busan, excellent film sud-coréen de zombies sorti par chez nous le 17 août dernier.

Pour mémoire, rappelons le pitch de ce film signé Yeon Sang-ho tel que présenté par son distributeur français ARP : «un virus inconnu se répand en Corée du Sud, l'état d'urgence est décrété. Les passagers du train KTX se livrent à une lutte sans merci afin de survivre jusqu'à Busan, l'unique ville où ils seront en sécurité…». Deux heures durant, on suit donc les mésaventures d'une poignée de Sud-Coréens fuyant Séoul pour Busan à bord d'un train à grande vitesse d'un standing relativement impeccable (n'était-ce la présence à bord d'affreux cannibales infectés). Un train made in Alstom !

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C'est en 2004 qu'est inaugurée la ligne à grande vitesse Séoul-Busan via les trains KTX. La technologie TGV avait été choisie dix ans plus tôt par l'administration coréenne pour moderniser son réseau ferroviaire, entraînant par la même occasion la création d'Eukorail, filiale d'Alstom en Corée chargée de gérer ce chantier avec ses partenaires locaux. Valeur totale du contrat : 1,5 milliard d'euros, rappelle un communiqué triomphaliste publié à l'occasion du lancement de la ligne.

Le même communiqué donnait d'ailleurs la parole à conducteur de train (anonyme, étrangement) qui s'enflammait alors : «Je suis en formation depuis l'an 2000. Comme le bruit est faible, le train est agréable et confortable. Le danger de déraillement est minime grâce au concept d'articulation. Tout obstacle sur la voie est automatiquement détecté. La sécurité et la vitesse font notre fierté et notre joie.» Rien de moins !

Douze ans plus tard, la qualité semble être toujours au rendez-vous. Touriste française partie en goguette sud-coréenne cet été, Charlotte nous confie avoir trouvé «ultramoderne et confortable» le KTX emprunté depuis Busan : «C'est un avion : hôtesse, magazines, TV, distributeur de boissons dans chaque rame, un peu l'exact inverse de nos TER.» Quelle douce musique à l'oreille de notre industrie en ces temps pessimistes !

Un film carte de visite

Avec ses nombreux plans sur le logo Alstom, Dernier train pour Busan constitue une sacrée carte de visite pour le génie français. Ovationné en séance de minuit à Cannes en mai, le film est sorti en Corée du Sud le 20 juillet où il a battu des records de fréquentation au box-office. En France, où il est encore projeté sur une cinquantaine d'écrans, il devrait finir sa course aux alentours de 280 000 entrées, un bon chiffre pour un film de genre asiatique.

A Hong Kong, le film est même devenu le plus gros succès de tous les temps pour un film asiatique, ce qui a dû en vexer plus d'un sur place - imaginez qu'un film allemand devienne le plus gros succès européen au cinéma en France. Le film sortira le 28 octobre au Royaume-Uni, pas vraiment le pays le plus réputé pour son offre ferroviaire ; un espoir de plus pour vanter nos talents outre-Manche.

Busan-mania

Même s'il ne reste plus beaucoup de pays où distribuer le film (le Chili et l'Argentine seront les derniers à le voir exploité en salles le 17 novembre, dixit IMDb), la Busan-mania n'est pas près de s'arrêter. Comme l'ont signalé Variety et le Hollywood Reporter, le film fait actuellement l'objet de négociations avec des studios hollywoodiens et français pour récupérer les droits de remake. Côté américain, Sony et Fox se tirent la bourre pour décocher le pactole, tandis qu'en France, Gaumont, Canal Plus et EuropaCorp seraient en concurrence. «Comme la France a son propre train à grande vitesse, similaire au KTX de Corée vu dans le film, les sociétés françaises sont particulièrement motivées pour ce remake», détaille une source de Variety. Dernier Train pour Angoulême, ça sonne plutôt bien, non ?

Certes, la perspective d'un duo de remakes français et américains de ce chouette film étranger rappelle tristement le cas Starbuck : cette sympathique comédie québécoise de 2011 avait engendré une adaptation américaine (Delivery Man) et une française (Fonzy) qu'on n'avait vraiment, mais alors vraiment, pas eu envie de voir. Mais s'il faut en passer par là pour célébrer de par le monde la qualité française, alors soit !

Car oui, même aux Etats-Unis, Alstom brille : fin août, le groupe de transport annonçait avoir décroché un contrat historique de 1,8 milliard d'euros pour vendre ses trains à grande vitesse de dernière génération (Avelia Liberty) à la compagnie ferroviaire américaine Amtrak. Certes, les trains en question seront construits dans l'Etat de New York, ce qui est visiblement un poil plus simple que l'usine de Belfort pour ces chipoteurs d'Américains. Reste le prestige du made in France projeté sur écran géant et ça, ça n'a pas de prix.

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