Assassinat de Nahed Hattar : le gouvernement jordanien mis en cause dans une pétition

Des intellectuels accusent le gouvernement jordanien de ne pas avoir protégé l'écrivain abattu le 25 septembre à Amman par un islamiste.

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Lors des funérailles à Fuheis, près d'Amman, de l'écrivain jordanien Nahed Hattar.
Lors des funérailles à Fuheis, près d'Amman, de l'écrivain jordanien Nahed Hattar. © AFP

Temps de lecture : 3 min

L'assassinat de l'écrivain Nahed Hattar, 56 ans, à Amman, le 25 septembre dernier continue de provoquer des réactions. Dans une pétition, plus d'une centaine d'écrivains (dont Kamel Daoud, Tahar Bekri, Yahia Belaskri) professeurs, psychanalystes (Alice Cherki, Fethi Benslama), sociologues, militants associatifs du Maghreb et du Machrek dénoncent « l'attitude du gouvernement jordanien qui a engagé des poursuites contre Nahed Hattar pour insulte à l'égard de l'islam, et refusé d'assurer sa protection à la demande de sa famille, en sachant qu'il était menacé ».

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Rappel des faits : l'écrivain a été abattu par balle devant le tribunal où il devait être jugé pour avoir relayé sur son profil Facebook en août dernier une caricature considérée offensante pour l'islam. Elle représentait un djihadiste, arrivé au paradis entouré de deux femmes, demandant à Dieu un verre de vin et des noix de cajou. Pour avoir publié ce dessin qui n'était pas de lui, l'essayiste a été arrêté et emprisonné par les autorités jordaniennes, puis libéré sous caution courant septembre jusqu'au jour… de son procès. Entre-temps, sa famille avait demandé sa protection, puisqu'il avait été menacé jusque dans la prison, argument repris par les signataires de la pétition à l'encontre des autorités jordaniennes. Le gouvernement jordanien, comme les Frères musulmans avaient, chacun de son côté, condamné l'assassinat de l'écrivain.

Une tentative d'assassinat en 1998

Nader Hattar était à la fois chroniqueur, éditorialiste et écrivain engagé. Collaborateur de la presse libanaise, dont le quotidien Al-Akhbar proche du Hezbollah, qui a vivement condamné cet acte de fanatisme religieux. Nader Hattar, né de confession chrétienne, revendiquait son athéisme. Intellectuel de gauche luttant contre l'impérialisme américain (parmi ses ouvrages, L'Irak et l'Impasse du projet impérialiste américain) et soutenant les Palestiniens, il appartenait au courant nationaliste panarabiste (appelant à une union des pays arabes dans la laïcité) et militait contre l'islam politique. Auteur de plusieurs essais très engagés, dont Le Roi Hussein vu par un gauchiste jordanien, il avait été emprisonné à plusieurs reprises en Jordanie. Il a même survécu à une tentative d'assassinat en 1998. Autant de menaces qui lui avaient valu de se mettre un temps à l'abri au Liban. Il était enfin très controversé pour ses prises de position pro-Bachar el-Assad.

« Je ne connais pas personnellement Nader Hattar, qui est plutôt journaliste et polémiste », confie le poète tunisien Tahar Bekri (dernier recueil paru, Mûrier triste dans le printemps arabe, Al Manar), signataire de la pétition. « Ses écrits condamnent Daech courageusement. Il est aussi l'objet de controverses, car il est clairement proche de Hezbollah et par conséquent de Bachar el-Assad. Par principe, au-delà de sa proximité avec le régime syrien, on ne peut tolérer l'assassinat d'un écrivain. Les islamistes cherchent à le salir pour justifier son assassinat. Le contexte en Jordanie est explosif et les islamistes sèment la terreur. La responsabilité du gouvernement jordanien est manifeste pour avoir emprisonné l'écrivain et ne pas l'avoir protégé malgré les menaces. Il s'agit probablement de concession faite aux islamistes. C'est la même qui a frappé Tahar Djaout, Faradj Fouda, Abdelkader Alloula, Youssef Sebti, Charlie Hebdo, Van Gogh, les journaux à Copenhague, qui a attenté à la vie de Naguib Mahfouz, qui menace Salman Rushdie, Taslima Nasreen, Nawal Sadaoui, etc. » Depuis, le caricaturiste marocain Khalid Geddar (directeur de la revue satirique Baboubi), qui avait relayé la caricature en soutien à l'assassinat de Nahed Hattar, a reçu des menaces qui l'ont amené à demander la protection des autorités de son pays.

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Commentaires (4)

  • pipolinum

    Petite rectification historique, les jordaniens, sont majoritairement originaire de la région de Palestine (terre des Philistins avant la conquête islamique) d'où l'origine du nom... Puis à l'époque du mandat anglais... L'ensemble de la région s'appelait la Transjordanie... Alors, vous parlez de palestiniens politiques ou ethniques... ?

  • MIRA.B

    Nahed Hattar a mené un combat juste et courageux qu'il a payé de sa vie.

    La Jordanie du " roi " Hussein s'était illustrée par le massacre de SEPTEMBRE NOIR.
    De célèbre mémoire de collaboration authentique.
    Son fils, qui tient à rester sur le trône n'a jamais défendu un cheveux de palestinien non plus.

    Ctte petite lignée de circonstances fait partie des seigneurs arabes traîtres à leur cause.
    Tels les Saoud ou ceux du Qatar.

    Ce martyre assassiné par l'EI (!?), prônait le panarabisme, " l'unité de l'Islam dans la laïcité ".
    Tout un programme à son honneur.

  • Surlaligne

    La liste des assassinats, commis par des radicaux islamistes, augmente tous les jours.
    Elle est le signe de gens qui n'acceptent aucune contestation ni distance vis à vis de leur fanatisme religieux.
    Beaucoup de pays sont touchés, le nôtre plus particulièrement, avec près de 240 morts en 18 mois.
    En France, plutôt que de regarder cette réalité en face et de la combattre, la campagne en vue des présidentielles de 2017 ne bruisse que d'une chose, les coups bas et les lynchages médiatiques vis à vis d'un ancien Président de la République qui, que l'on sache, n'a jamais pendant les 5 ans où il était au pouvoir mis la démocratie en danger.
    Cela a un nom, cela s'appelle de l'aveuglement...