Divergences

Le FN pas encore au clair sur la retraite à 60 ans

Deux jours après la clôture d'un séminaire de clarification du parti d'extrême droite, le sujet est encore l'objet de déclarations contradictoires.
par Cédric Mathiot
publié le 9 février 2016 à 17h25

On a connu clarification plus claire. Les trois jours de séminaire n'ont pas permis de régler le sujet de la retraite à 60 ans, un sujet qu'une partie du Front national a de plus en plus de mal à assumer. En 2012, Marine Le Pen avait proposé très clairement le retour à la retraite à 60 ans. Voilà ce qu'on lit dans le projet :

La promesse a probablement contribué à accroître l’audience du parti dans les milieux populaires, mais elle fait aussi figure de repoussoir pour un certain électorat de droite. Les représentants de LR se font un plaisir de moquer, dès que l’occasion se présente, les accents mélenchonistes de cette proposition. La mesure marquerait un virage à 180 degrés par rapport à la législation actuelle, avec un recul de l’âge légal (de 62 à 60 ans), doublé d’une diminution de la durée de cotisation (qui serait ramenée à quarante ans alors qu’elle doit progressivement atteindre quarante-trois ans en 2035). Une mesure assurément sociale… pour une facture assurément salée.

Sur ce sujet, les voix au Front national sont discordantes depuis des années déjà. Florian Philippot incarne sur la question un courant très social, ayant toujours milité pour une lecture littérale de l'engagement du projet présidentiel, et défendant sans ambages un retour strict à l'âge légal à 60 ans. Nicolas Bay, à l'inverse, a toujours rechigné à assumer cet engagement, allant jusqu'à affirmer que le FN n'avait jamais promis la retraite à 60 ans.

Plus récemment, Jean-Richard Sulzer, un des rédacteurs du programme économique du FN, s'est démarqué aussi de la position Philippot en suggérant un possible aggiornamento par rapport à l'engagement du projet présidentiel de 2012. Voilà ce qu'il déclarait le 21 janvier dans le Talk du Figaro :

«Nous allons rechiffrer le programme et il se peut que la retraite à 60 ans soit resserrée, un petit peu restreinte, en fonction des conditions d’ancienneté d’activité.»

— «Ce serait pour les gens qui ont commencé à travailler très jeunes ?»

— «Voilà. C'est déjà le cas.»

Une proposition qui a le mérite d’être très claire : exit le retour à l’âge légal à 60 ans. Ne seraient plus autorisés les départs à cet âge que pour les salariés ayant eu les carrières les plus longues… Soit une version customisée du dispositif carrière longue mis en place par la droite en 2003 puis renforcé par François Hollande en 2012 (1).

A écouter à partir de 7 minutes :

Deux jours après le séminaire, le FN n'a, semble-t-il, pas tranché… puisqu'on continue d'entendre tout et son contraire sur le sujet. Ainsi, sur RFI, Louis Aliot assurait lundi : «Vous pouvez partir à 60 ans, si vous avez cotisé quarante ans, vous partez à taux plein. Si vous n'avez pas cotisé quarante ans, vous ne partez évidemment pas à taux plein.»

A partir de 4’10'' :

Louis Aliot relaie là la ligne Philippot avec un retour à l’âge légal à 60 ans. Tout salarié ayant 60 ans peut liquider ses droits. Le fait d’avoir les quarante annuités de cotisation est la condition de l’obtention du taux plein, mais pas la condition du départ à 60 ans. Un salarié ayant trente-cinq ans de cotisation a la liberté de partir à 60 ans, même s’il doit subir une décote.

Ce mardi matin, sur BFM TV, Marion Maréchal-Le Pen ne disait pas tout à fait la même chose :

«Nous ne sommes pas pour la retraite à 60 ans, nous sommes pour les quarante annuités pleines. C’est-à-dire que vous pouvez partir à 60 ans à partir du moment où vous avez quarante annuités. Si vous avez commencé à travailler à 24 ans, vous partirez à 64 ans.»

A partir de 9 minutes :

A la différence d’Aliot, Marion Maréchal-Le Pen suggère, elle, que les quarante annuités de cotisation ne sont pas seulement la condition de l’obtention du taux plein… mais la condition du départ à 60 ans tout court. Ce qui implique que les salariés n’ayant pas cotisé quarante ans ne pourraient pas partir à cet âge.

Invitée du JT de TF1 lundi soir, Marine Le Pen n'a pas tranché : «Est-ce qu'il faut dire qu'on a le droit de partir à la retraite à 60 ans quand on a cotisé pendant quarante ans ? Je le crois.» Une formule volontairement vague.

En fait, s'il y a ambiguïté, c'est tout simplement parce que, de l'aveu de Jean-Richard Sulzer, le séminaire n'a pas permis d'arbitrer. Joint par Libération, le conseiller régional FN de Nord-Pas-de-Calais-Picardie concède : «Ce n'est pas tranché. On doit faire les comptes, chiffrer tout ça. Une chose est d'ores et déjà acquise, c'est qu'un salarié ayant cotisé quarante annuités pourra partir à 60 ans à taux plein.» Mais il reste à décider l'essentiel : à savoir si le FN reste fidèle à sa promesse de 2012 et décide d'un retour l'âge légal à 60 ans, ce qui autoriserait aussi les salariés n'ayant pas leurs quarante ans de cotisation à partir à cet âge (moyennant décote). Jean-Richard Sulzer reconnaît le «coût considérable» de cette option, et affirme que ce n'est pas la piste privilégiée. «On s'oriente plutôt vers un maintien de l'âge légal à 62 ans. Avec donc une possibilité de départ à partir de 60 ans pour tout salarié ayant ses quarante annuités de cotisation. Tout autre salarié n'ayant pas sa durée de cotisation devra attendre 62 ans pour liquider ses droits.»

Cette orientation, si elle était confirmée, représenterait une rupture de l’engagement de la campagne 2012… mais aussi une économie substantielle, ainsi qu’un petit signal de rigueur budgétaire. Il reste un peu plus d’un an au FN pour trancher ce dilemme.

(1) En 2011 et 2012, François Hollande avait été confronté à peu près à la même problématique que le FN lors des primaires du PS puis lors de la campagne présidentielle. Alors qu'une partie du PS avait promis un retour à l'âge légal à 60 ans, le futur président avait longtemps louvoyé sur la question, se bornant à des formulations les moins explicites possibles. Une fois désigné dans le cadre de la primaire, il avait finalement renoncé à un retour aux 60 ans, promettant qu'il maintiendrait l'âge légal à 62 ans mais autoriserait en revanche les salariés ayant commencé leur carrière à 18 ou 19 ans à partir à 60 ans, à condition d'avoir toute leur durée de cotisation.

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