Le Conseil d’Etat a tranché : pas de contrôle de constitutionnalité de l’article L. 342-1 du code de la propriété intellectuelle dans le contentieux entre NotreFamille.com et le département de la Vienne.
Pour rappel, en l’espèce, la société spécialiste de la généalogie avait contesté la délibération du conseil général de la Vienne fixant les conditions de réutilisation par des tiers des archives publiques conservées par les archives départementales. Selon le département, sont seuls réutilisables « les documents consultés en salle de lecture sous forme papier ou numérique, ou sur le site internet des archives départementales pour les documents numérisés ».
Sont donc exclues toutes techniques d’aspiration des données à partir du site internet du département, ce que déplorait la société.
Or, contre toute attente et à contre-courant du fil de l’histoire, la cour administrative d’appel de Bordeaux a rendu une décision en date du 26 février 2015 déboutant la société NotreFamille.com, considérant que le code de la propriété intellectuelle s’applique aux bases de données produite par l’administration.
Comme l’avait jugé en premier ressort, le tribunal administratif de Poitiers, elle a considéré que l’ensemble des informations numérisées et archivées en cause présente le caractère d’une base de données. En raison des investissements financier, matériel et technique réalisés par le département, ce dernier peut être qualifié de producteur de base de données et, à ce titre, il peut interdire l’extraction de la totalité ou d’une partie substantielle de son contenu.
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QPC rejetée
L’argument juridique de la société était donc tout trouvé pour former son pourvoi en cassation : demander à la Haute juridiction administrative de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l’article L. 342-1 du code de la propriété intellectuelle.
En effet, par ce biais, la société pouvait contester la décision de la Cour qui avait fait prévaloir l’article L. 342-1 du code de la propriété intellectuelle sur la loi du 17 juillet 1978 qui prévoit l’accès aux documents administratifs ainsi que leur réutilisation, même pour des services culturels à des conditions plus strictes.
Mais par sa décision du 14 septembre 2015, le Conseil d’Etat a considéré qu’il n’y avait pas lieu de transmettre au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) :
Considérant qu’en l’espèce, les dispositions de l’article L. 342-1 du code de la propriété intellectuelle, dont la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit est contestée, se bornent à tirer les conséquences nécessaires des dispositions précises et inconditionnelles de la directive du 11 mars 1996 du Parlement européen et du Conseil concernant la protection juridique des bases de données, sans mettre en cause une règle ou un principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la France ; qu’il n’y a, dès lors, pas lieu de transmettre au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée.
Cette décision est un coup dur pour l’open data et les réactions ne se sont pas faites attendre notamment sur le plan législatif puisque le député (LR) Lionel Tardy a précisé qu’il avait déposé un amendement à ce sujet dans le cadre de l’examen du projet de loi sur les droits et obligations des fonctionnaires qui permettrait la réutilisation d’informations publiques ainsi que la diffusion d’œuvres culturelles.
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