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Pesticides : ouverture d’une enquête préliminaire après la mort d’un viticulteur de Gironde

Pour la première fois, une enquête pour homicide involontaire mettant en cause la responsabilité des firmes de la chimie est ouverte

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Publié le 07 juillet 2015 à 18h17, modifié le 08 juillet 2015 à 17h41

Temps de Lecture 3 min.

Un fermier épend des pesticides à  Villefranche-de-Lauragais, Haute-Garonne, le 3 avril.

Pour la première fois en France, une enquête préliminaire a été ouverte par le pôle santé publique du TGI de Paris pour homicide involontaire après la plainte contre X déposée par la famille d’un vigneron bordelais décédé d’un cancer, provoqué par l’utilisation de pesticides.

L’information a été rendue publique mardi 7 juillet, dans un communiqué commun par Phyto-Victimes et Générations futures, qui soutiennent la démarche de la famille. Jusqu’alors, en effet, les procédures n’avaient porté que sur la reconnaissance d’un lien entre usages de produits chimiques et maladies chez les agriculteurs.

Cette plainte au pénal a été déposée, rappellent les ONG, « pour faire la lumière sur ce qui s’est passé et dégager les responsabilités des firmes qui ont commercialisé des produits sans avoir indiqué les risques encourus ». « Il s’agit aussi de comprendre la complaisance de l’Etat, qui a continué à homologuer ces produits alors qu’on les savait dangereux. »

« C’est précisément ce que nous attendions et espérions. Un classement sans suite aurait été intolérable pour nous », insiste Valérie Murat, fille du vigneron James-Bernard Murat, qui a déposé plainte le 27 avril avec l’espoir de briser « l’omerta » régnant, selon elle, sur l’impact sanitaire des pesticides utilisés dans la viticulture.

Atteint d’un cancer du poumon en 2010, James-Bernard Murat a succombé des suites de cette maladie le 8 décembre 2012, à l’âge de 70 ans. En février 2011, le caractère professionnel de sa maladie liée à l’utilisation de l’arsénite de sodium avait été reconnu par l’Assurance accidents des exploitants agricoles (AAEXA). Selon sa fille, le viticulteur de Pujols (Gironde) a utilisé pendant quarante-deux ans, de 1958 à 2000, de l’arsénite de sodium pour traiter ses vignes contre l’esca, une maladie due à des champignons parasites qui attaque le bois des ceps, sans jamais avoir été alerté sur la toxicité de ce produit pour sa santé. 

Dangerosité reconnue depuis 1955

Pourtant la dangerosité du produit est reconnue depuis au moins 1955, date de création du tableau des maladies professionnelles liées à l’arsenic et à ses composés minéraux. « Mais l’Etat a tardé à prendre les mesures nécessaires. Il n’a interdit qu’en 1973 l’arsénite de sodium dans l’agriculture, sauf dans la viticulture. Ce n’est qu’en novembre 2001 qu’il a enfin définitivement interdit et retiré ce produit à base d’arsenic », souligne François Lafforgue, avocat de la famille Murat. Près de quarante ans après les révélations sur la toxicité du pesticide. Le Royaume-Uni l’avait, lui, banni dès 1961.

François Veillerette, porte-parole de Générations futures, espère que l’enquête ouverte par le parquet sera suivie d’une instruction « qui marquera le début de la fin de l’impunité dans cette tragédie des pesticides ».

« Il est difficile de faire aboutir ce genre d’action car en matière pénale on exige des preuves certaines, analyse Laurent Neyret, professeur de droit, spécialiste du droit de l’environnement. Mais l’ouverture de cette enquête préliminaire peut permettre de démêler l’écheveau des causalités et des responsabilités éventuelles entre les entreprises qui commercialisent ce produit et l’Etat. »

Début mai, le parquet de Paris a classé sans suite une plainte contre X de mise en danger d’autrui visant à dénoncer la pollution de l’air et ses conséquences sur la santé. Le procureur justifiait alors le classement sans suite par la multiplicité des sources de pollution : « C’est l’activité (circulation routière, chauffage au bois, certaines activités industrielles ou agricoles) et non la carence alléguée des pouvoirs publics qui se trouve directement à l’origine de la pollution atmosphérique et de ses conséquences négatives en termes de santé », arguait-il alors.

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S’agissant de la plainte contre X pour « homicide involontaire » déposée par la famille Murat, le produit comme la victime sont bien identifiés. « Il y a manifestement des dysfonctionnements dans cette affaire qui appellent des explications », insiste Me Lafforgue.

Lire aussi : « Omerta sur les pesticides dans le vignoble bordelais »

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