TERRORISMEVIDEO. Un an après sa création, comment Daesh est devenu un Etat

VIDEO. Un an après sa création, comment Daesh est devenu un Etat

TERRORISMEA cheval sur la Syrie et l'Irak, le califat autoproclamé d'Abou Bakr al-Baghdadi a été créé le 29 juin 2014...
Une capture écran extraite d'une vidéo de propagande, représentant le chef de l'Etat islamique, Abu Bakr al-Baghdadi, dans une mosquée le 4 juillet 2014 à Mossoul en Irak
Une capture écran extraite d'une vidéo de propagande, représentant le chef de l'Etat islamique, Abu Bakr al-Baghdadi, dans une mosquée le 4 juillet 2014 à Mossoul en Irak - - AL-FURQAN MEDIA
Victor Point

Victor Point

Dès l’annonce, le projet était clair. La création d’un Etat dit islamique à frontière entre la Syrie et l’Irak, dont les règles de gouvernement seraient basées sur une application de la charia dans son interprétation la plus zélée. Le 29 juin 2014, les djihadistes d’Abou Bakr al-Baghdadi annoncent la création d’un califat sur les territoires nouvellement conquis par l’organisation de l’Etat islamique (EI), également appelée Daesh.

La mise en place de cet Etat semblait alors relever du fantasme, dans une région ravagée par la guerre, de la part de djihadistes plus habitués aux cellules éparpillées. Un an après, pourtant, l’EI a véritablement multiplié ses efforts pour structurer son territoire, mettre en ordre ses ressources et s’ancrer ainsi comme une force étatique incontournable dans la région.

Le ralliement décisif des baassistes

Cette évolution n’est pas si surprenante lorsque l’on se penche sur les racines de l’organisation. « La matrice idéologique de l’EI s’est construite sur un terrain très particulier, explique Arthur Quesnay, doctorant en science politique à la Sorbonne et spécialiste de la région. Ce qui est au départ l’émanation d’Al-Qaida en Irak a dû, à partir de 2003, lutter directement contre les Etats-Unis et l’Etat irakien, ce qui l’a amené très tôt à défendre une position territoriale et à apprendre à s’occuper de son fonctionnement. »

Renforcée par le ralliement de nombreux baassistes, anciens cadres militaires du régime de Saddam Hussein, spécialistes dans l’art de la surveillance et de la sécurité, l’organisation acquiert une certaine expertise en matière de contrôle des populations.

Des spécialistes du renseignement

Les djihadistes peuvent mettre en pratique leurs principes en Syrie à Raqqa, prise en janvier 2014. Ils conservent l’administration déjà en place, forçant les fonctionnaires à rester. Ils créent une police des mœurs et une police islamique. Des juges sont mis en place pour régler les affaires courantes. Les autorités prélèvent un impôt et mettent la main sur les ressources pétrolières et agricoles.



Ce protocole sera décliné dans les territoires conquis. Mais la vraie force de l’EI réside dans sa capacité de renseignement. « La moitié de l’activité de l’organisation, c’est de la coercition interne, affirme Arthur Quesnay. Surveiller, punir, contrôler dans son propre territoire. Elle analyse les structures sociales et politiques d’une population et les exploite. Elle sait qui est à abattre, qui est à surveiller. » La plupart de ses conquêtes résultent ainsi d’une connaissance très fine d’un territoire et se font avec peu de combattants.

Un conseil restreint au sommet

Cette puissance de frappe discrète se combine à une structure hiérarchique efficace. « L’EI est divisée en deux grands ensembles, détaille le chercheur. Le premier cercle est la partie solide. Il se compose de quelques centaines de professionnels du terrorisme international, vétérans du djihad ou anciens responsables irakiens. A l’intérieur de ce cercle, un conseil restreint prend les décisions et a un droit de regard sur tout. » La récente mise sur la touche de Baghdadi, grièvement blessé, n’a, de ce fait, pas semblé affecter la bonne marche de l’organisation.

« Le second cercle, beaucoup plus élargi, est constitué de 30 000 à 40 000 hommes qui forment la base des appareils militaire, administratif, judiciaire et policier, continue Arthur Quesnay. Il y a beaucoup de turn-over. Par exemple, les combattants ne restent jamais plus de deux semaines dans la même unité pour qu’il ne se crée aucun lien entre eux. » Le contrôle, toujours.

Une taille critique ?

Cependant, et alors qu’elle est harcelée militairement, la soif de territoires de l’EI, qui s’étend maintenant sur l’équivalent du Royaume-Uni, va de pair avec de gros problèmes d’organisation « Elle a des revenus estimés à près de deux milliards d’euros par an, explique le chercheur. C’est bien trop peu pour administrer correctement ce territoire ! Les habitants manquent d’eau potable, l’électricité est très souvent défaillante… sauf dans les quartiers où logent les combattants de l’EI. » De ce fait, ils sont en train de perdre le soutien des populations locales.

« Les exécutions de responsables locaux de l’EI ayant cherché à court-circuiter les décisions centrales ne sont pas rares », raconte Arthur Quesnay. L’EI, menacée de s’effondrer de l’intérieur ? « Personne n’est capable de les battre aujourd’hui sur le terrain, tempère le chercheur. La guerre est loin d’être terminée. »

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