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Billet de blog 24 avril 2015

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Perec nous invite dans ses espaces

Qui n'admire pas Georges Perec ? Qui n'apprécie pas Anne-Marie Lazarini ? Personne. Sauf ceux qui n'ont pas eu la chance de découvrir ses livres pour l'un ou de voir son travail théâtral pour l'autre.

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Qui n'admire pas Georges Perec ? Qui n'apprécie pas Anne-Marie Lazarini ? Personne. Sauf ceux qui n'ont pas eu la chance de découvrir ses livres pour l'un ou de voir son travail théâtral pour l'autre. Je savais donc, avant d'y aller, que cette rencontre d'une écriture et d'une création scénique allait à coup sûr me permettre de mieux -ou différemment- percevoir ce livre en observant le jeu théâtral dont Anne-Marie Lazarini anime  l'Artistic Athévains.

Et je suis d'autant plus ravi de cette opportunité que j'y suis allé peu avant la dernière représentation et je suis rentré en bénéficiant d'un désistement... heureux pour moi !

Qu'est-ce qu'il nous raconte Georges Perec ? Cette façon à lui d'observer les espèces d'espaces, de contempler, de déambuler, d'étudier joyeusement ce petit monde qui nous entoure. Notre espace, l'espace qui est devant nous (mais aussi derrière, à côte, en haut, en bas...) ! Et il commence par la feuille, oui le A4 universel ou presque, avec nos mots, les caractères, où nos signes de communication se harmonisent, se baladent, se racontent. Une fois parti vous savez comment il est, il y a la chambre, l'appartement, l'immeuble, la rue, notre rue, notre quartier et là, c'est la ville. «Je suis un homme de la ville», d'où pourrait-il parler sinon de là ? Ce qui permet d'apprécier son incursion, son regard sur la campagne, savoureux et combien actuel (son livre a quarante ans). Ainsi défilera le pays, le monde. Et au milieu ces questions, détails, qui ne le sont pas tant que ça, de «l'espace inutile ou de l’inhabitable».

"Vivre, c’est passer d’un espace à l’autre en essayant de ne pas se cogner"

La force du texte de Georges Perec, qui peut parfois paraître austère, exigeant, lourd de concepts, des exercices à faire, s'illumine par une mise en scène aérée, épanouie dans le beau jeu de ce trio qui s'écoute, s’interpelle, se complète par la grâce d'une inventive composition scénographique, d'images, de lumières, de voix off, comme le narrateur qui nous parle, et les acteurs se glissant dans ces ponctuations dont Georges Perec, par un clin d’œil, aurait applaudi.

Il y a quelque chose à voir avec une virtuosité légère, un déplacement dans l'espace, justement cet espace dont il est question, dans une appréhension très simple, linéaire et qui nous invite à une réflexion de ce que nous faisons, individuellement et collectivement de cette espèce de surface, des multiples lieux que nous nous construisons ou imaginons.

Et pour moi, cette espèce d'espaces, est aussi celle des frontières que Georges Perec aborde et dont Anne-Marie Lazarini  se saisit et que j'ai vécu, cette espèce de métèque que je suis, avec émotion : [...]«Les pays sont séparés les uns des autres par des frontières. Passer une frontière est toujours quelque chose d’un peu émouvant : une limite imaginaire, matérialisée par une barrière de bois qui d’ailleurs n’est jamais vraiment sur ligne qu’elle est censée représenter, mais quelques dizaines ou quelques centaines de mètres en deçà ou au-delà, suffit pour tout changer»[...]

Le jeu des acteurs est empreint d'une rigueur toute à Georges Perec sur les mots et le mot précis, dans une grille "en liberté", avec l'aisance qu'on prend quand on est rempli du plaisir de jouer. Les trois comédiens, Michel Ouimet (le Ravel-Echenoz de la pièce précédente), Andréa Retz- Rouyet qui a du connaître l'époque de ces espaces et Stéphanie Lanier, nous offrent avec la « théâtralité » que ce texte mérite, cette scène où Anne-Marie Lazarini a, avec bonheur, fait place à tous les espaces...

Autour de moi mes amis n'ont pas eu l'occasion de voir ces espaces (qui se ferment le 26 avril). Y aura-t-il une reprise ? Je crois qu'ils seraient nombreux, en tout cas je le leur souhaite.

http://www.artistic-athevains.com/athevains/site/creation/especesdespaces.htm

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