La lettre du Front de gauche de l’agriculture – n° 33 – février 2015

dobono 5 mars 2015 Commentaires fermés
La lettre du Front de gauche de l’agriculture – n° 33 – février 2015

SOMMAIRE

  • Faim et climat, urgence politique
  • O.G.M, les conséquences de la nouvelle réglementation européenne

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Faim et climat, urgence politique

En ce début d’année l’organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) vient de préciser le programme de développement pour l’après 2015. Nourrir une population en expansion est le défi auquel est aujourd’hui confronté le monde. Celui-ci est aggravé par les inégalités économiques, sociales et écologiques. Soixante quinze pour cent des pauvres vivent en zone rurale, seul un quart de la population mondiale bénéficie d’une protection sociale suffisante, un quart des sols de la planète sont très dégradés. Au même instant prévalent dans les salles de marchés et au sein des gouvernances des multinationales, spéculations financières, incitations aux productions d’agro-carburants, accaparement des terres et ressources… En autres outils de domination du capitalisme, sa volonté de maîtriser l’arme alimentaire.

En corollaire, les événements climatiques de ces dernières années dans la corne de l’Afrique, en Russie, États-Unis, Australie, comme avec la canicule 2003 en France impactent les rendements agricoles et nourrissent les intérêts boursiers. Récemment le groupe intergouvernemental d’experts sur le climat (GIEC), comme de multiples organisations non-gouvernementales au niveau mondial, viennent de renvoyer les décideurs à leurs responsabilités quant aux engagements en termes de réduction des gaz à effet de serre. Tous les rapports et études confirment aujourd’hui aux conséquences désastreuses du changement climatique, sur la chute de productions agricoles, l’augmentation des risques sanitaires et de l’insécurité alimentaire.

En effet, le droit à l’alimentation est un droit universel et pourtant une personne sur neuf a faim. Cent quatre vingt millions d’enfants sont condamnés à la malnutrition. Pour nourrir neuf milliards de bouches en 2050, la production alimentaire doit augmenter de 60 %. Or, 2° celsius  de plus à la surface du globe augmenterait la sous-alimentation en Afrique de 25 à 90% sur cette même période. Aux exilés de la faim, s’ajouteront deux milliards et demi de migrants climatiques, paysans, pêcheurs, forestiers vulnérables aux crises et catastrophes. Les températures vont dépasser les seuils de survie des cultures, affaiblir les écosystèmes et la biodiversité des 30 000 plantes aujourd’hui comestibles. En 2015, deux tiers de la population mondiale pourrait vivre dans des pays déficitaires en eau. En France, la recherche agronomique (INRA) a montré qu’entre 30 et 70% de la stagnation des récoltes de blé en Europe étaient attribuables au changement climatique.

Ce sont les populations qui contribuent le moins au réchauffement climatique qui, aujourd’hui, en sont les victimes. Depuis la conférence des peuples sur le réchauffement climatique de Cochabamba (Bolivie 2010), la mobilisation des peuples a posé fortement l’exigence de justice climatique. Il revient aux gouvernements et états d’y faire droit.

Ces enjeux de civilisations nous confortent, à faire de l’eau et de l’alimentation des biens communs de l’humanité. En cela, le nouvel internationalisme fait de coopérations et de solidarités que nous appelons se construit de notre engagement en faveur de la conquête des droits et de la souveraineté alimentaire de chaque peuple. Il se nourrit de luttes convergentes avec les mouvements sociaux et paysans qui, tel le Mouvement des Sans Terre du Brésil revendique une réforme agraire populaire et aspire à une nouvelle constitution replaçant les besoins humains en son cœur.

Nous voulons contribuer à ce que la Conférence Paris Climat 2015 soit un rendez-vous des peuples, qui exprime l’exigence d’accords internationaux qui s’attaquent au changement climatique et à la faim. D’ici là il nous appartient de prendre des initiatives et donner corps à ce débat, sur tout ce qui vise à bien nourrir la planète dans un monde qui se réchauffe. Sur cette ambition, il nous revient de susciter la confrontation comme la co-élaboration des idées, à gauche, entre partenaires du Front de Gauche, avec les écologistes, avec les progressistes, plus largement avec toutes celles et ceux qui regardent l’avenir en pensant aux générations futures.

D’ailleurs, l’appel pour ouvrir les chantiers de l’espoir invite à faire émerger une alternative à gauche, porteuse d’une politique citoyenne, féministe, écologiste et solidaire. Cela confie au Front de Gauche, la responsabilité de porter avec force de nouvelles politiques publiques alternatives au capitalisme, d’engager des batailles pour des actions nationales et internationales, notamment, l’instauration d’une clause de sauvegarde des terres, l’interdiction de la spéculation sur les matières premières agricoles. C’est dans cette démarche de rassemblement, d’alternative sociale, économique, écologique au diktat des marchés, qu’avec le Parti de la Gauche Européenne (PGE) nous avons convenu de propositions communes qui font écho aux défis climatiques et alimentaires. Parmi celles-ci, privilégier le marché local au marché mondial, soutenir les méthodes agro-écologiques, la constitution de stocks de sécurité alimentaire… ou encore protéger les activités du vivant que sont la terre, mer, forêt par un système d’assurance mutuelle démocratique calamité.

Xavier COMPAIN


O.G.M, les conséquences de la nouvelle réglementation européenne

Mardi 13 janvier dernier, le Parlement européen a adopté la nouvelle réglementation européenne sur les Organismes Génétiquement Modifiés (OGM). Cette nouvelle réglementation autorise les Etats membres à interdire les OGM sur leur territoire ou une partie de leur territoire au nom de divers critères possibles d’ordre économique et social (dont notamment le risque de contamination de cultures non OGM).

Les Etats qui le souhaitent sont invités à négocier avec la multinationale qui présente une demande d’autorisation de culture d’OGM au niveau européen (auprès de l’UE), afin que multinationale accepte d’exclure le territoire en question de la demande d’autorisation. L’Etat peut également lui-même procéder à l’interdiction sur son territoire national.

Les députés européens de la Gauche unitaire européenne (GUE), à laquelle sont rattachés les députés Front de Gauche, ont voté contre ce texte, tout comme les députés Verts (les sociaux-démocrates et la droite votant quant à eux très majoritairement en faveur).

En effet, si le fait d’inclure une diversité de critères pour justifier l’interdiction des OGM peut apparaître en soit comme positif, le fait de laisser aux seuls Etats membres la responsabilité de le faire les mets dans une situation de grande fragilité juridique face à d’éventuels recours d’autres Etats auprès de l’OMC à l’instigation de multinationales.

En effet, l’OMC ne reconnait pas que ce type de motif puisse faire obstacle au commerce : seuls des motifs scientifiquement fondés  et liés à l’environnement ou à la santé peuvent être reconnus. L’Union européenne, en renonçant à assumer elle-même ce type de motifs, laisse les Etats membres isolés et fragilisés juridiquement. Rappelons d’ailleurs que, au niveau strictement national, les décisions de la France de s’opposer aux OGM au cours des dernières années ont été régulièrement cassées par le Conseil d’Etat, faute de bases juridiques. Dans l’hypothèse de signature d’un accord de libre-échange entre les Etats-Unis et l’Union européenne (TAFTA), les Etats seront encore plus vulnérables à d’éventuelles attaques (y compris cette fois-ci de la part directement de multinationales auprès des tribunaux d’arbitrage).

De plus, si l’UE continuera bien à traiter les demandes d’autorisation de cultures OGM sur la base des mêmes critères qu’aujourd’hui (santé et environnement), on peut raisonnablement penser que, du fait de l’existence de ce second niveau d’autorisation (le niveau national), l’UE sera demain encore plus prompte qu’aujourd’hui à autoriser les OGM, d’autant plus qu’il est bien connu que l’EFSA (Autorité Européenne de la Sécurité Alimentaire, qui examine les demandes d’autorisation) est soumise à des conflits d’intérêts et à la pression des lobbies des multinationales.

Il faut enfin souligner que cette nouvelle réglementation introduit dans le processus d’autorisation des OGM le principe de négociations entre Etats membres et multinationales, c’est-à-dire qu’elle met sur un pied d’égalité les uns et les autres, ce qui ne peut être acceptable dans la conception qui est la nôtre de la démocratie et de la représentation de l’intérêt général.


Le Front de Gauche de l’agriculture vous invite à diffuser largement cette lettre et à nous envoyer des témoignages de la campagne pour les prochaines lettres du Front de Gauche de l’agriculture…

Coordonnées du Front de Gauche de l’Agriculture : http://www.placeaupeuple2012.fr/agriculture ;  fdgagriculture@gmail.com

Si vous souhaitez que nous envoyions l’appel du Front de Gauche de L’Agriculture à des listes de personnes, n’hésitez pas à nous envoyer leurs e-mails !

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Crédit photo en une : « Not only our island nation that is sinking. This is climate change ! », Nattu, 2009 (CC). Source : Flickr.com

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