"Les individus vont devoir se ménager pour ne pas devenir fous face à la profusion des sollicitations", anticipe Olivier Charbonnier

Dans "Quelles compétences pour demain ?", le directeur général du cabinet de conseil Interfaces, Olivier Charbonnier et son co-auteur Sandra Enlart (Entreprise et Personnel) s'interrogent sur la formation de l'honnête homme du futur. Dans cet entretien, il décrypte comment le numérique va changer la nature des savoirs de base, la manière de les acquérir et les compétences pour bien manager.

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L’Usine Nouvelle - N’est-il pas paradoxal de consacrer un livre aux compétences de demain quand tous les discours répètent que le futur est incertain, que chacun va devoir exercer plusieurs métiers à l’avenir ?

Olivier Charbonnier - Cet ouvrage que j’ai écrit avec Sandra Enlart arrive après un premier sur l'apprentissage à l’heure d’Internet et un deuxième sur l’avenir du travail. Il forme une sorte de synthèse. Il y a des savoirs de base qu’il faudra maîtriser dans les années qui viennent pour évoluer dans le monde du travail

L'un de ces savoirs de base sera la capacité à utiliser et comprendre le monde numérique. Il faudra maîtriser ce qui s'apparente à un nouvel alphabet, pour ouvrir le robinet du savoir disponible. Mais cela sera insuffisant. Il faudra, pour faire face à cette profusion de données, pouvoir les contextualiser dans l’histoire et la géographie. Enfin, les connaissances en matière de sciences seront nécessaires. Car plus le monde est virtuel, plus on s'en remet aux données digitales. Or ceux qui auront les moyens de les confronter au monde réel possèderont un réel avantage.

Plus que les savoirs, n’est ce pas surtout les manières d’apprendre qui vont être bouleversées dans les années qui viennent, notamment dans les entreprises ?

Oui et ce mouvement a déjà commencé, avec des formes comme le tutorat, les partages d’expériences… De nouvelles formes d’apprentissage émergent, comme, par exemple, ce que nous avons appelé dans le livre des salles de "training cognitif". Par exemple, les personnes y apprendront à jouer à un jeu vidéo en écoutant une chanson tout en recevant des mails. Dans la société et l’économie cognitive qui s’annonce, il faut entraîner le cerveau à se concentrer comme à mener plusieurs tâches de front, et se déconnecter aussi d’offres de plus en plus addictives. En outre, l’apparition et le développement de salons de conversation devraient survenir. On y apprendra à dialoguer, à raisonner, à confronter les points de vue. 

Dernier lieu d’apprentissage qui devrait émerger : les fabriques inspirées des fablabs, c’est-à-dire des endroits où on apprend à faire, à fabriquer, pour donner une forme, pour littéralement matérialiser une pensée, des idées. A l’heure du tout immatériel, nous avons besoin de donner forme, d’où l’explosion des imprimantes 3D ou le succès des designers, capables de mettre en scène les idées et les objets.

Créer ces nouveaux lieux ne suffira pas. Ne faut-il pas insuffler un nouvel état d’esprit, une nouvelle façon de penser, une nouvelle culture ?

Dans notre livre, nous insistons sur ce que nous avons appelé le rôle de plus en plus déterminant des capacités relationnelles mais aussi des capacités "existentielles". C'est à dire que les personnes devront être de plus en plus autonomes, qu'elles devront se gérer elles-mêmes, être capable de choisir dans un monde d’abondance par exemple. Ainsi la capacité à se ménager sera de plus en plus importante. Dans un monde de stimulation permanente, celui qui saura couper possèdera une capacité essentielle. Il saura se donner le temps de penser. Des signaux faibles en témoignent, comme l’attrait pour la méditation ou le yoga. Les individus vont devoir développer des contre-efforts pour ne pas devenir fous face à la profusion de sollicitations.

Le rôle des managers va-t-il évoluer dans ce cadre ? Dans quel sens ?

De plus en plus, leur rôle va être d’aider les personnes à coopérer, se montrer capable de monter rapidement des projets. Ils seront de plus en plus des connecteurs capables de faire travailler ensemble des personnes appartenant à des mondes différents et des régulateurs aptes à régir leur relation, à créer une bonne ambiance.

En outre, jusqu’ici nous étions peu ou prou dans un monde industriel régi par des conventions collectives. Les managers devront de plus en plus prendre en compte la singularité de chacun. Regardez le développement du télétravail. Dans une équipe de cinq personnes, le manager devra s’adapter à cinq horaires de salariés qui ne partagent pas le même espace. Ce sera à lui de faire le lien. Le temps des managers qui vérifient la conformité du process est compté. Place aux nouveaux managers qui sauront s’adapter à chacun, ce qui constitue la contrepartie donnée par les entreprises à des salariés dont elles attendent qu’ils donnent une partie d’eux-mêmes.

Propos recueillis par Christophe Bys

Quelles compétences pour demain ? de Sandra Enlart et Olivier Charbonnier, Editions Dunod Collection Hors collection 192 pages 17 euros

 

 

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