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CULTUREDavid Foenkinos finaliste du Goncourt: Est-ce vraiment une surprise?

David Foenkinos finaliste du Goncourt: Est-ce vraiment une surprise?

CULTURECatalogué comme auteur de best-seller, David Foenkinos pourrait être, avec «Charlotte», le Goncourt 2014. Une surprise? Pas tant que ça…
David Foenkinos, auteur de Charlotte (Gallimard, 2014)
David Foenkinos, auteur de Charlotte (Gallimard, 2014) - BALTEL/SIPA
Annabelle Laurent

Annabelle Laurent

David Foenkinos, futur Goncourt? C’est bien possible. Finaliste du prestigieux prix littéraire, l’auteur de Charlotte semble être l’un des deux favoris aux côtés de l’Algérien Kamel Daoud, pronostique le milieu littéraire.

Best-sellers vs Goncourt?
Depuis La Délicatesse (2009), écoulé en poche à plus de 700.000 exemplaires, adapté au cinéma en 2011, David Foenkinos est identifié comme un auteur de best-sellers à la plume légère. Il s'est avec Charlotte aventuré sur un thème plus grave, en rendant un hommage personnel, sous forme de vers libres, à l’artiste Charlotte Salomon, assassinée en 1943 à Auschwitz. Et les lecteurs ont suivi. Sorti fin août chez Gallimard, Charlotte a été tiré à plus de 140.000 exemplaires et se place dans le top 10 des ventes. Il est même numéro 1 dans le cœur des libraires.

«Les jurés oublient la littérature»

Et la critique? Divisée. Du côté des pour, «un très bel hommage» pour Le Figaro, «formidable» pour François Busnel. Mais «inconsistant» pour Les Inrocks, ou «oscillant entre sécheresse et lyrisme, pathos et clichés» pour Bibliobs.

A l’imaginer futur Goncourt ou futur Renaudot (il reste aussi finaliste, avec Amélie Nothomb), certains critiques s’étranglent. «Les jurés oublient la littérature», répondent Les Inrocks, qui dégainent une belle punchline: «Le Goncourt pour Foenkinos sonnerait un peu comme le Nobel d’économie attribué à Bernard Madoff», citée plusieurs fois sur Twitter, et mise en favori… par l’auteur lui-même. Beau joueur. Raphaëlle Leyris du Monde est plus évasive sur Twitter: «On n'en jurerait pas en regardant les dernières sélections pour les prix, mais ce fut une chouette rentrée littéraire.»

« Si Foenkinos a le prix Goncourt et Nothomb le prix Renaudot, j'arrête mes études de Lettres. — Tomboy (@Wescponk) October 30, 2014 »

>> Les prix littéraires sont-ils indispensables?

Emmanuel Carrère boycotté
Foenkinos finaliste: la surprise vient d’abord de l’absence de deux auteurs phare de cette rentrée. «Je n’ai rien contre Foenkinos, que je ne connais pas personnellement», tempère Elisabeth Philippe des Inrocks. «C’est juste que face à de très beaux livres comme ceux de Carrère et Reinhardt, c’est un peu triste qu’on donne un prix à une littérature assez plan-plan, confortable, pas très originale.»

Le Royaume, énorme succès critique et en librairie, a été éliminé dès le début, tandis que L’amour et les forêts n’a pas passé le cap de la 3e sélection.

C’est dommage, ajoute Elisabeth Philippe, «surtout à un moment où la ministre de la Culture dit qu’elle n’a pas lu un livre en deux ans, et où l'on aimerait des signes un peu forts pour mettre en avant la littérature exigeante».

Pour Carrère, rien de surprenant, analyse Sylvie Ducas, auteure de La littérature à quel(s) prix? (La Découverte, août 2013): «Quand les médias encensent trop un livre trop tôt, les jurés l'écartent de la sélection, c'est arrivé souvent.»


«Un prix grand public»
«Il faut voir l’orientation que prend le Goncourt, s’ils veulent s’adresser à un public plus large, ce n’est pas un problème», ajoute Elisabeth Philippe. C'était le cas l'an dernier pour Pierre Lemaitre.

«Le Goncourt a souvent eu la tentation d’attribuer des prix à des succès de librairie, qu’il s’agisse des Bienveillantes de Jonathan Littell [en 2006] ou de Marguerite Duras [en 1984], estime Sylvie Ducas. Ce n’est pas nouveau. Mais c’est particulièrement le cas avec ce jury-là.» Ce jury-là, qui n’est plus seulement composé d’écrivains. «Depuis l’arrivée de Bernard Pivot et Pierre Assouline, on a fait rentrer des gens du livre, et il y a la volonté d'élire un auteur qui puisse ratisser le plus large possible, de décerner un prix grand public.» «Ils ont une logique d'industrie culturelle et cherchent aussi des livres qui peuvent être adaptés au cinéma», ajoute Sylvie Ducas. Albert Dupontel adapte d'ailleurs Au revoir-là haut.

En 2012, le duel final avait opposé Jérôme Ferrari à Joël Dicker, et le premier s’était finalement imposé, au bonheur de la critique, laissant les lycéens couronner le second. Kamel Daoud ou Foenkinos, à moins d'une surprise venue de Lydie Salvayre ou Pauline Dreyfus? Réponse mercredi prochain.

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