POLITIQUELe projet de loi antiterrorisme adoptée quasi-unanimement à l'Assemblée nationale

Le projet de loi antiterrorisme adoptée quasi-unanimement à l'Assemblée nationale

POLITIQUELe contexte national et international a beaucoup pesé dans la balance...
Assemblée nationale, illustration.
Assemblée nationale, illustration.  - LCHAM/SIPA
20 Minutes avec AFP

20 Minutes avec AFP

Les députés ont définitivement approuvé mercredi soir à la quasi-unanimité le projet de loi de «lutte contre le terrorisme» qui crée notamment une interdiction de sortie du territoire pour entraver les départs de jeunes Français candidats au djihad en Syrie.

«Le contexte national et international justifie malheureusement quotidiennement ce projet de loi», a estimé le rapporteur du texte Sébastien Pietrasanta (PS).

>> Que prévoit le projet de loi?

Le texte du ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve, qui a fait l'objet d'un compromis entre sénateurs et députés, sera encore soumis à un ultime vote au Sénat le 4 novembre.

Une «urgence sécuritaire»

Tous les groupes politiques ont soutenu le texte, à l'exception des écologistes qui se sont abstenus, leur chef de file François de Rugy jugeant que «le texte n'encadre pas suffisamment les pouvoirs nouveaux à disposition de l'administration» et doutant de l'efficacité de mesures comme le blocage administratif de sites faisant «l'apologie du terrorisme».

L'UMP Philippe Goujon a jugé que «l'urgence sécuritaire commande d'adopter sans délai ce projet de loi» en dépit de ses «insuffisances». En dépit de certaines «réserves», le Front de gauche Marc Dolez a jugé que le texte était parvenu à «cet équilibre délicat entre efficacité et respect des libertés fondamentales».

Renforçant une législation antiterroriste déjà très fournie (14 lois votées depuis 1986), le projet de loi instaure avant tout une interdiction administrative de sortie du territoire, matérialisée par la confiscation de la carte d'identité et du passeport.

368 Français djihadistes

Cette interdiction, d'une durée de six mois renouvelable jusque deux ans, sera décidée en cas de «raisons sérieuses de croire» que la personne «projette des déplacements à l'étranger ayant pour objet la participation à des activités terroristes» ou «sur un théâtre d'opérations de groupements terroristes». Elle pourra être contestée devant la justice administrative.

Selon Pietrasanta, à la date du 23 octobre, 1.089 Français ont été ou sont impliqués dans des filières vers la Syrie et l'Irak. 368 y combattent actuellement, 212 en sont revenus et 205 ont des vélléités de départ, les autres étant en transit ou morts pour 46 d'entre eux. «Il y a actuellement 84 femmes et 10 mineurs en Syrie», a-t-il précisé.

Plutôt consensuel dans l'hémicycle, le projet de loi a été davantage critiqué en dehors par des syndicats, juristes ou acteurs du numérique.

Une interdiction d'entrée sur le territoire

La lutte contre le terrorisme «n'autorise pas tout», a souligné la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) dans un avis fin septembre où elle émettait de nombreuses réserves sur les garanties procédurales encadrant ces restrictions aux libertés.

«Empêcher un individu de partir, c'est le sauver contre lui-même. Où est donc l'atteinte aux libertés?» a réagi le radical de gauche Alain Tourret.

Le gouvernement a introduit au cours de la navette parlementaire un nouvel article qui permet de prononcer une interdiction administrative d'entrée sur le territoire à l'encontre d'un ressortissant d'un pays membre de l'UE, ou tout membre de sa famille «lorsque sa présence en France constituerait, en raison de son comportement personnel, du point de vue de l'ordre ou de la sécurité publics, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société».

Des juristes ont jugé cette définition de la menace trop large et estimé qu'elle permettrait par exemple d'interdire l'entrée du territoire à des Roms roumains qui feraient de la mendicité agressive.

Une nouvelle arme contre les «loups solitaires»?

Le texte crée par ailleurs un «délit d'entreprise terroriste individuelle» qui sera un nouvel outil contre ceux qui se radicalisent individuellement, le plus souvent sur Internet, et passent à l'action sans contacter quiconque.

Il faudra que le projet criminel soit caractérisé d'une part par la détention d'objets ou de substances dangereuses (armes, explosifs) mais aussi par un second élément matériel (repérages, formation au maniement des armes ou aux engins explosifs, consultation habituelle de sites Internet faisant l'apologie du terrorisme...).

Dans son avis, la CNCDH souligne elle que «punir un comportement très éloigné en amont de l'infraction pénale redoutée est de nature à porter atteinte à la présomption d'innocence».

Sur le blocage des sites Internet faisant l'apologie du terrorisme, le texte définitif est revenu au délai de 24 heures, que le Sénat avait porté à 48 heures, entre la demande de retrait adressée à l'hébergeur ou à l'éditeur et la demande de blocage adressée aux fournisseurs d'accès à l'Internet. Ceux-ci devront «empêcher l'accès sans délai» aux sites concernés.

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