CONSOMMATIONWin win deal: La boutique de vêtements qui laisse le client fixer les prix

Win win deal: La boutique de vêtements qui laisse le client fixer les prix

CONSOMMATIONDes hôtels, des restaurants ou des sites de vente en ligne se sont essayés aux prix libres sur des opérations ponctuelles. Binod Ojha, lui, essaie d’en faire son modèle économique. L’opération de la dernière chance pour le commerçant parisien…
Binod Ojha, gérant de Win win deal. Depuis une semaine, il laisse le client fixer le tarif des articles.
Binod Ojha, gérant de Win win deal. Depuis une semaine, il laisse le client fixer le tarif des articles. - F. Pouliquen / 20 Minutes
Fabrice Pouliquen

Fabrice Pouliquen

«Payez comme vous le sentez», est-il écrit en anglais sur la vitrine du magasin. Forcément, la pancarte intrigue les passants de rue du Château d’eau (9e) où la boutique fait angle avec la rue de Lancry. Win win deal n’est pas une nouvelle enseigne dans le quartier. Binod Ojha est l’un des multiples grossistes à peupler ce coin de Paris. Il s’y est installé en 2004 et y vend des vêtements népalais et indiens. Des manteaux, des sacs, des écharpes…

Il a commencé comme grossiste pur et dur, ne vendant ses articles qu’à des magasins. «J’ai eu jusqu’à 850 boutiques clientes en France», se souvient-il. Il lui en reste cinquante aujourd’hui. «La crise, explique-t-il. La baisse est tout aussi drastique chez les autres commerçants du quartier.»

Dernière tentative anti-crise

Pour faire face, Binod Ojha a peu à peu élargi l’éventail des articles vendus, des souvenirs à la bagagerie en passant par accessoires de mode. Il y a deux ans, il a aussi ouvert sa boutique aux particuliers et, comme d’autres, a essayé les ventes aux marges confortables, les déstockages à 60%, les ventes sur les festivals. Sans parvenir à redresser son chiffre d’affaires.

Alors, depuis une semaine, Binod Ojha tente l’expérience de la dernière chance: laisser le client fixer les prix. Le commerçant affiche juste le prix coûtant en dessous duquel le client ne peut descendre. «Il s’agit du montant auquel j’achète le vêtement à mes fournisseurs plus le coût du transport, indique Binod Ojha. C’est deux à trois fois moins cher que dans un magasin classique». Mais le tarif ne permet aucune marge.

Coup de pub ou modèle économique?

Le pari est risqué. D’autres l’ont tenté avant lui. A Paris, c’est le cas de cinq hôtels qui ont lancé l’opération «payez ce que vous voulez» l’été dernier. «Chaque établissement proposait deux à trois chambres par jour à prix libre, précise Aldric Duval, gérant de l’hôtel de la Tour d’Auvergne à l’origine de l’opération. Celle-ci a enregistré une centaine de réservations. Les gens payaient en moyenne 25 à 30% moins que le prix habituel. Cela nous a permis de mieux évaluer le budget de nos clients mais aussi de les sensibiliser à nos coûts.» Le site BrandAlley, spécialisé dans les ventes événementielles, s’est aussi essayé à l’expérience en 2009, sur une journée. Avec succès? Sur le plan financier, non. «85% des internautes s’étaient bornés à payer 1 ou 2 euros les articles», indiquait l’enseigne lors du bilan. En revanche, le site avait enregistré 350.000 connexions. Joli coup en termes de notoriété.

«Mais que ce soit BrandAlley ou les cinq hôtels parisiens, nous sommes sur des expériences très courtes qui visent moins la rentabilité financière que le coup de pub, observe Pascale Hébel, directrice du département consommation au Crédoc (Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie). Sur le long terme, la ligne me semble bien plus difficile à tenir. »

En quête du prix juste

Binod Ojha avoue ne pas avoir trop le choix et estime la première semaine d’expérience positive. «Je fais beaucoup moins de marges certes, mais j’ai beaucoup plus de clients, constate le commerçant. Surtout, le concept amène à la discussion avec la clientèle. Ils s’intéressent à ce que pourrait être un prix juste pour moi et pour ceux chez qui je me fournis.» Binod Ojha devrait convertir sa deuxième boutique, rue Saint-Jacques, au même principe d’ici quelques semaines. Quant à BrandAlley, il prépare une nouvelle opération «prix libre» en novembre. Sur quatre jours cette fois-ci.

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