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SECURITEMort de Rémi Fraisse: Les forces de l'ordre vont-elles revoir leurs méthodes d'intervention?

Mort de Rémi Fraisse: Les forces de l'ordre vont-elles revoir leurs méthodes d'intervention?

SECURITEL’utilisation des grenades par les gendarmes et les CRS a été suspendue par la Place Beauvau…
Exercices de maintien de l'ordre au centre national d'entrainement des forces de gendarmerie (CNEFG) ? Saint-Astier (dordogne) du 21 au 23 mai 2014.
Exercices de maintien de l'ordre au centre national d'entrainement des forces de gendarmerie (CNEFG) ? Saint-Astier (dordogne) du 21 au 23 mai 2014. - William Molinie/20 MINUTES
William Molinié

William Molinié

Peut-on maintenir l’ordre sans faire de mort? Cette question, au cœur des réflexions et des choix stratégiques pris par les spécialistes de cette discipline au sein des forces de police et de gendarmerie depuis près d’un siècle, resurgit avec la mort de Rémi Fraisse au cours d’affrontements entre manifestants et gendarmes sur le barrage de Sivens (Tarn).

Le drame qui s’est noué dans la nuit de samedi à dimanche est heureusement extrêmement rare. Le nombre de morts au cours de manifestations est très faible en France. Il faut remonter à 1986 et l’emblématique affaire Malik Oussékine pour retrouver un mort au cours d’une manifestation en métropole. Et 1977 correspond au dernier militant écologiste tué lors d’une manifestation. «C’était à peu près dans les mêmes conditions. Le manifestant tué, Vital Michalon, avait reçu une grenade lancée par des policiers», se souvient Jean-Marc Berlière, historien et spécialiste de l’histoire des polices en France.

«Notre technique a fait ses preuves»

Le drame de Sivens est d’autant plus exceptionnel que ce sont des gendarmes qui sont à l’origine de son décès. «Les gendarmes mobiles ont toujours voulu se distinguer en se disant plus professionnels que les CRS», poursuit l’historien. Ce sont d’ailleurs leurs ancêtres, les gardes républicains mobiles qui dans les années 1930 ont posé les bases du maintien de l’ordre à la française. «Il consiste à éviter à tout prix le corps à corps et refuser le combat rapproché en déployant des moyens non létaux pour garder les adversaires à distance», poursuit un gendarme sous couvert d’anonymat.

«Notre maintien de l’ordre a fait ses preuves. Il s’exporte partout ailleurs», souligne Philippe Capon, ancien CRS et secrétaire général du syndicat Unsa-Police. Ce dernier s’inquiète de la décision du ministre de l’Intérieur de supprimer temporairement les grenades de l’arsenal des forces de l’ordre. «On a besoin de ces grenades. Non seulement pour éviter les blessés de notre côté, mais aussi du côté des attaquants».

«Non létales jusqu’à ce qu’elles tuent»

Doit-on s’attendre à une remise en cause de la philosophie du maintien de l’ordre à la française? Sans doute pas. En revanche, comme à chaque «bavure», une réflexion va s’engager au sein de l’administration pour encadrer davantage l’utilisation des moyens de défense mis à disposition des forces de l’ordre. Et surtout les grenades, qui sont pour la deuxième fois de l’histoire du maintien de l’ordre, mises en cause dans la mort d’un manifestant.

«Des grenades dites offensives avaient aussi été utilisées lors des affrontements de Villiers-le-Bel (Val-d'Oise) sans faire de mort. Elles ne sont pas létales jusqu’à ce qu’elles tuent. Malheureusement, ça, on le sait après», souffle un ancien cadre de la sécurité publique. Les gendarmes et plus largement les spécialistes du maintien de l’ordre sont suspendus aux résultats de l’enquête qui devra déterminer si la grenade utilisée était autorisée. Si c’est le cas, le pouvoir politique devra décider si ce moyen de dispersion doit continuer à faire partie de l'arsenal, malgré un effet de souffle qui peut, dans un malheureux concours de circonstances, tuer.


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