SANTESécurité sociale : Ce que risquent les «déserteurs» qui préfèrent l'assurance privée

Sécurité sociale : Ce que risquent les «déserteurs» qui préfèrent l'assurance privée

SANTELes sanctions pénales ont été accrues afin de dissuader les désaffiliations…
Des passants devant un bâtiment de la Sécurité sociale, à Lille le 29 janvier 2014
Des passants devant un bâtiment de la Sécurité sociale, à Lille le 29 janvier 2014 - Philippe Huguen AFP
Romain Scotto

R.S.

Quitter la Sécurité sociale pour souscrire une assurance santé à l’étranger est un acte pénalement répréhensible en France. Jeudi soir, l'assemblée nationale a même adopté un amendement pour accroître les sanctions encourues par les déserteurs potentiels. Une mesure destinée à mettre fin à une tendance en forte hausse en France.

Comment quitte-t-on la Sécu? Tout simplement en arrêtant de payer ses cotisations du jour au lendemain. Dans ce cas, la machine juridique se met très vite en marche. «Rappels, mises en demeures, visites d’huissier. Avec les intérêts, la pénalité peut facilement augmenter de 25%», indique Maître Michalletz, spécialiste dans le droit de la sécurité sociale au cabinet Lasmari et associés. Retirer son nom des listes de la Sécu est impossible sauf pour les Français travaillant à l’étranger. Une expatriation entraîne la fin des droits, sauf dans certains cas : pensionnés de retraite française, détachés.

Quelle est la peine encourue? Avec le nouvel amendement, «toute personne qui refuse délibérément de s'affilier ou persiste à ne pas engager les démarches en vue de son affiliation obligatoire à la Sécurité sociale sera punie d'un emprisonnement de six mois et d'une amende de 15.000 euros ou seulement de l'une de ces deux peines.» Par ailleurs, «toute personne qui, par quelque moyen que ce soit, incite les assujettis à refuser de se conformer aux prescriptions de la législation de Sécurité sociale (…) sera punie d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 30.000 euros ou d'une de ces deux peines».

Combien de déserteurs sont recensés? Le chiffre réel est inconnu mais selon les assureurs étrangers (britanniques notamment), les anti-Sécu se compteraient par milliers. Le 24 mai dernier, une nouvelle association a été créée - Liberté sociale - pour se pourvoir en justice. La tendance est, quoi qu’il en soit, à la hausse. «On a de plus en plus de demandes en ce sens. Les gens s’interrogent sur cette question. Mais on ne prend pas les clients», poursuit l’avocate. L’argument évoqué est toujours le même. Trop de cotisations à payer par rapport à des prestations jugées insuffisantes. Evidemment, cela vaut quand on est en bonne santé.

Pourquoi ne peut-on pas quitter la Sécu? Parce qu’il s’agit d’un régime d’ordre public, auquel on ne peut déroger. Les assurés sociaux n’ont aucune latitude pour adhérer ou non. Il n’existe donc pas de concurrence dans ce domaine. «Ça implique un débat, poursuit la juriste. Mais il faudrait revoir le niveau d’indemnisation, le remboursement du système de santé. On pourrait avoir un système reposant sur une base assurantielle.» Il faudrait alors revoir toute la philosophie du système français solidaire inscrit dans l’ordonnance de 1945, donnant une couverture sociale égale à tous les citoyens. Les opposants au «monopole» de la Sécu s’appuient de leur côté sur le traité de Maastricht, instaurant «la libre circulation des services». Ainsi que sur un arrêt d’octobre 2013 de la Cour de justice européenne, dans l’affaire dite BKK. Leur interprétation de l’arrêt ferait de la Sécu une entreprise comme une autre, soumise à la concurrence européenne.

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