CULTURELa Fnac a 60 ans: Du gauchisme aux moulins à poivre

La Fnac a 60 ans: Du gauchisme aux moulins à poivre

CULTUREL'enseigne a beaucoup évolué depuis sa création en 1954 par deux ex militants d'extrême gauche...
Pour la première fois depuis trois ans, les ventes de la Fnac ressortent positives
Pour la première fois depuis trois ans, les ventes de la Fnac ressortent positives - Eric Piermont AFP
Alice Coffin

A.C. avec AFP

La Fnac a 60 ans. L’enseigne a été créée en 1954 par deux ex-militants d'extrême gauche André Essel et Max Théret. Après avoir voulu changer le monde, ils fondent un réseau de distribution de la culture d'avant-garde destiné aux jeunes cadres, plus diplômés, plus aisés que leurs parents et avides de s'en démarquer.

Les deux quadras se convertissent en entrepreneurs et créent, boulevard de Sébastopol, à Paris, la Fédération Nationale d'Achats des Cadres ou Fnac. On peut s'y procurer essentiellement du matériel cinématographique et photographique. Chacun des deux cofondateurs possède 50% de la Fnac.

Privilégier le client face au fabricant

Pour cette classe moyenne en plein essor dans les années 1950, la consommation de biens culturels est à la fois le moyen et le signe de son ascension sociale.

L'objectif de la Fnac est «de contribuer à l'accès de ces nouveaux consommateurs aux biens culturels en luttant contre les abus des distributeurs en termes de prix, comme de qualité des produits», souligne Vincent Chabault dans La Fnac, entre commerce et culture (PUF). C'est aussi l'émergence de la politique culturelle des années Malraux, ministre du général de Gaulle à partir de 1959.

Au début, les adhérents possèdent un carnet d'achats donnant droit à 20% de remise chez des commerçants affiliés. Le système est vite abandonné, mais l'idée de privilégier le client face au fabricant demeure.

Les premiers livres à prix discount

En 1974, la Fnac offrira ses premiers livres à prix «discount», déclenchant un tollé des libraires, jusqu'au vote de la loi Lang sur le prix unique en 1981. Avant celui de Lyon en 1972, un nouveau magasin ouvre avenue de Wagram à Paris. André Essel s'occupe personnellement du recrutement des vendeurs. Les effectifs passent de 300 à 600 entre 1968 et 1970. Au cours des années 70, des magasins plus vastes permettent d'organiser des rencontres et des concerts, comme celui de Maria Callas en 1974.

«Je voulais changer le monde », écrivait André Essel (1918-2005), proche du PCI. Lorsqu'il rencontre Max Théret, il est représentant en photocopieuses. Militant communiste, ancien garde du corps de Trotski, Max Théret (1913-2009) dirige, lui, la coopérative. A la Fnac, téléphones, cafetières et coussins côtoient désormais les livres, CD et autres DVD. Confrontée à la chute des marchés de la distribution culturelle, l'enseigne française a dû trouver de nouveaux relais de croissance, mais réaffirme, pour ses 60 ans, son rôle d'ambassadeur culturel.

Désormais, l'arrivée d'internet, le changement des habitudes de consommation (émergence du peer-to-peer, dématérialisation des supports culturels), et l'arrivée de nouveaux concurrents comme Amazon, viennent remettre en cause la distribution culturelle dans son ensemble.

Entre 2005 et 2013, les ventes de disques en France ont ainsi été réduites de moitié, selon les chiffres du SNEP. Celle des DVD et des livres recule également fortement. De grands acteurs de la distribution culturelle comme Chapitre ou Virgin Megastore mettent la clé sous la porte.

Ours en peluche et housses de couette

Pour survivre, la Fnac se retrouve, elle, obligée de revoir son modèle et de se lancer dans une diversification tous azimuts, dans des univers parfois très éloignés de la culture. Cafetières, moulins à poivre, ours en peluche et housses de couette viennent peu à peu s'installer aux côtés des rayonnages de disques et de livres, voire en remplacer une partie.

Deux ans après leur lancement, ces nouveaux univers représentent déjà 11% des recettes du groupe. A l'inverse, les produits éditoriaux (livres, disques, vidéos) ne comptaient plus fin 2013 que pour 40% des ventes. Le reste du chiffre d'affaires étant réalisé via les produits techniques (ordinateur, hi-fi...).

Dans ce nouveau contexte, la marque a peu à peu migré du domaine de la culture stricto sensu à celui du loisir au sens large. Malgré tout, «la Fnac reste toujours le premier libraire et le premier disquaire de France», font valoir les représentants de l'enseigne.

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